Site icon La Revue Internationale

Les journalistes sont-ils responsables ?

journaux.jpgjournaux.jpg

 

Depuis plus de vingt-cinq années, j’ai eu la chance de pouvoir être un observateur privilégié de ce que l’on peut appeler l’élite de notre nation.

Au cours de cette période, tout un aréopage de journalistes, de chefs d’entreprise, de jeunes technocrates, pour la plupart issus de l’École Nationale d’Administration et d’hommes politiques ont croisé mon chemin. Ceux-ci sont passés sans me voir, puisque je ne suis pas  moi-même issu de ces filières de formation, reconnues comme seules susceptibles de permettre l’accès à la connaissance, la compétence, et donc à l’expression sous quelque forme que ce soit.

Loin d’en garder une amertume, je considère avec le recul, que cette situation m’a permis de mieux appréhender les forces et les faiblesses des structures publiques de décision, qui se trouvent aujourd’hui confrontées à une situation de crise jamais rencontrée par le passé.

 

Bienvenue aux « Exclus des la pensée »

De son Histoire récente, notre génération avait acquis des valeurs fondamentales autour du travail, de la solidarité, du respect de l’autre, et de la volonté. Seule l’addition de nos différences nous avait permis de surmonter deux guerres, ainsi que toutes les périodes particulièrement difficiles qui les ont accompagnées.

Force est de constater que la dégradation régulière de nos institutions ne pousse pas à l’optimisme sur l’avenir proche de notre pays, de celui que nous préparons pour nos enfants et nos petits-enfants.

Face à de telles situations, chaque individu s’exprime différemment. Ma position m’obligeait auparavant à un devoir de réserve, par respect pour ceux qui me faisaient confiance en me permettant de m’asseoir à leur côté sur les bancs du pouvoir. J’ai toutefois tenté de me faire entendre, en apportant modestement une pierre à l’édifice, en accord avec les règles établies.

Malheureusement, j’ai vite compris l’inutilité de ma démarche : j’étais en effet marqué du sceau de l’infamie, tout d’abord en raison de ma formation juridique, considérée comme illégitime par le sérail pour analyser rationnellement la situation politique, et ensuite de par mon activité passée et présente, de banquier d’affaires.

Tel Sisyphe qui poursuivait son mythe, j’ai voulu persévérer en participant à de nombreux groupes de réflexion, réunissant des compétences de la société civile pour la plupart prête à s’engager. J’ai ainsi dirigé certains travaux ayant abouti à la réalisation de plusieurs rapports, restés depuis, comme tant d’autres , «lettre morte».

Le monde est ainsi fait, que ceux qui nous dirigent ont établi un ordre : il y a ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Je suis fier d’appartenir à cette seconde catégorie, que j’appelle

«Les Exclus de la Pensée».

 

Oser parler vrai

Cette chronique s’adresse tout d’abord à eux et à tous ceux qui ont quelque chose à dire, des idées à exprimer, pour qu’ils aient le courage de parler : notre Pays à besoin d’aide, il est en panne !

Certains pourront s’étonner que je ne m’exprime qu’aujourd’hui. La gravité de la situation actuelle me fait sortir du bois. La priorité n’est pas de me mettre en avant, mais de permettre au lecteur une meilleure compréhension de ces lignes en sachant qui en est l’auteur.

Il est vrai que ma proximité avec un homme politique de premier plan ne pouvait que dénaturer aux yeux de certains le contenu réel de mes réflexions et la force de certaines de mes propositions qui ne sont jamais sans conséquences politiques.

 

Pour une approche libre et décloisonnée

L’une des particularités du fonctionnement de notre pensée réside, comme je l’ai exposé dans mon préambule, dans l’obligation de répertorier, classer et cataloguer les individus en fonction de leurs origines, de leurs formations, de leurs âges et de leurs catégories socio- professionnelles. La terminologie bien pensante voulant désigner d’une certaine manière le milieu social dans lequel les individus évoluent.

En ce qui me concerne, le jugement sera d’autant plus difficile, qu’il ne pourra se rattacher à aucune certitude sur mes affinités politiques, sur les doctrines qui auront conduit ma réflexion, ainsi que sur les buts certainement inavouables que je poursuis par cette démarche.

La réalité est malheureusement simple, je souhaite qu’en soulevant un coin du voile, nous puissions faire progresser notre Pays en abordant les vrais problèmes sans tabous, et aussi sans langue de bois ou complaisance.

Comment peut-on imaginer qu’un homme politique de gauche puisse faire des propositions  concernant une remise en cause du temps de travail ou des conventions particulières relatives aux régimes spéciaux de retraite de la fonction publique ?

Dans le même ordre d’idée, pourrions-nous accepter qu’un homme politique de droite avalise le bien-fondé de l’impôt sur le capital ou la progressivité de l’impôt sur le revenu ?

 

Les amours insidieuses entre le pouvoir et les médias

Prisonniers de leur rôle, défenseurs de leurs prérogatives, les hommes et femmes politiques sont tous prêts pour préserver l’illusion du pouvoir qu’ils croient détenir, à défendre l’indéfendable, à nier les réalités, pour plaire à un électorat qui devrait leur assurer une réélection.

Dans ce grand théâtre, où se joue le dernier acte de cette comédie, comment ne pas s’interroger sur le rôle des médias en général et de certains journalistes politiques en particulier?

Les liens si étroits qui unissent les grands groupes de presse au pouvoir en place sont connus et reconnus. L’interdépendance de ces deux mondes, toute tendance politique confondue est telle, que la vraie question est de savoir si ce ne sont pas les médias qui font la politique du gouvernement.

A une époque où les sondages constituent la base du bien-fondé de la plupart des décisions prises par nos gouvernants, comment peut-on comprendre les réelles motivations des dirigeants de ces groupes de presse, de radio ou de télévision ?

 

Pour un réveil de la presse d’information

Les récentes cessions de titres de presse sont malheureusement là pour nous rappeler la dure réalité du marché et les conséquences qu’une telle attitude pourrait avoir très rapidement sur le paysage médiatique national. Décrédibilisés, les médias paient-ils le tribut d’une désaffection du public pour défaut de confiance? Le déni d’une telle situation pourrait conduire à l’affaiblissement et à la marginalisation du secteur de l’information.

Que chacun soit conscient de ce risque est un point fondamental du devenir des derniers grands supports de presse nationaux et de notre démocratie. Il est donc important d’inventer une nouvelle manière de communiquer. Important de redonner aux médias un recul, nécessaire à leur légitimité. Oui, mais comment?

 

Pour une nouvelle éthique des journalistes                                                                                                                          

Dans ce contexte, l’espoir pourrait venir des journalistes eux-mêmes et particulièrement de ceux des rubriques politique, sociale et économique. Malheureusement le système est puissant pour embrigader les meilleurs en les initiant aux plaisirs du pouvoir. Combien d’entre eux ai-je pu en observer, journalistes talentueux sous la gauche ou sous la droite, qui ont succombé aux ors de la République…

Quant aux autres, point de salut : ils sont voués à l’anonymat et quant ils se rebellent en écrivant un livre par exemple, ils constituent rapidement une nouvelle proie pour ceux qu’ils auront combattus, qui tenteront de les décrédibiliser ou de les intégrer dans l’antichambre de la foire aux privilèges.

 

Replacer le lecteur au cœur de la chaîne

Pourtant, la réalité n’est pas celle que les apparences laissent présager. La légitimité du journaliste réside non dans ses contacts avec la classe politique, mais dans la reconnaissance que lui confère son lectorat.

L’objet de mon propos n’est pas à l’image des Sycophantes de dénoncer le système dans son ensemble, mais bien de tenter d’établir une nouvelle hiérarchie de fonctionnement de nos institutions, où chacun aura sa place, pour un meilleur équilibre des pouvoirs et dans le respect de tous.

Une telle démarche pourrait paraître bien prétentieuse dans le contexte actuel. Pourtant, je reste intimement persuadé que le seul fait d’exposer ce point de vue, permettra à chacun des acteurs concernés de prendre conscience des nouvelles composantes, qui régissent les codes de notre Société du XXIème Siècle.

 

Vers une accélération de la transmission des flux d’information

Les grands équilibres ont changé, entraînant inéluctablement une modification fondamentale du rapport entre les individus. Tout se sait de plus en plus vite dépassant même les canaux traditionnels. Avec toutes les dérives que l’on connaît.

Les conséquences peuvent être considérables en terme d’impact sur l’opinion publique.

La presse se trouve donc au cœur du quotidien. Plus que jamais il est important qu’elle joue son rôle d’arbitre de « hiérarchisateur » de l’information.

Ceci lui donne des droits, dans l’accès aux informations en avant-première, par exemple, mais aussi des devoirs. Le premier d’entre eux étant celui de ne pas nous décevoir et d’essayer de rester indépendant et objectif.

 

Le journaliste est le meilleur garant de la liberté d’expression

La culture du train qui déraille, des responsabilités que l’on recherche, que l’on dénonce, que l’on condamne.. autant de thèmes que l’on voudraient voir reprendre leur place dans un journal digne de ce nom.

Les journalistes doivent retrouver leur légitimité dans le combat et l’investigation. Et la presse ne plus être le faire valoir de la télé-réalité : son rôle dans notre société doit redevenir le contrepouvoir qui seul permettra de sauver la démocratie.

En effet, qui pourrait contester ce droit à l’expression, fondé sur l’adhésion quotidienne de milliers de lecteurs? L’acte d’achat est plus que tout autre un geste fort que l’ensemble de la presse doit savoir utiliser pour garantir sa liberté d’expression !

Le développement des nouvelles technologies comme Internet, offre un espace de liberté sans pareil qui, si nous n’y prenons garde, sera demain la base de l’information publique : un pouvoir considérable entre les mains d’individus, mais aussi de lobbys puissants et sans contrôle!

 

Le risque croissant de la manipulation « passive »

La contestation a de tout temps été l’apanage de nos écrivains. La plume est une arme qui a, tant dans le passé, que de nos jours su démontrer sa puissance. Si nous ne savons pas revenir à nos valeur, il n’existera plus bientôt de refuge et nos sociétés glisseront vers des doctrines aussi contestables que dangereuses.

 

La presse est aujourd’hui la garante de la restauration des valeurs fondatrices de nos libertés : nous devons pouvoir compter sur elle, comme elle pourra compter sur nous.

Son rôle est plus que jamais déterminant dans les périodes de difficultés et de remises en question que nous allons connaître.

Que chacun puisse défendre ses opinions, puisse librement s’exprimer est une étape de l’évolution de nos sociétés. Toutefois, cette démarche doit s’inscrire dans le respect mutuel de nos différences qui sont porteuses de réussite et de progrès.

La crise que nos sociétés occidentales traversent actuellement trouve une de ses origines dans la méconnaissance par la majorité de nos concitoyens des mécanismes économiques qui ont permis depuis la fin de la dernière guerre mondiale, d’obtenir des avancés économiques et sociales incontestables.

La première des missions que l’on pourrait attendre d’une presse responsable serait de nous guider dans une réflexion approfondie sur les conséquences dans le temps de certaines décisions ou projets politiques.

Face à la croissance permanente de la marginalisation de toute une partie de nos concitoyens,  le silence assourdissant de certains médias pour toute réflexion novatrice constitue à mon sens les prémices d’une tentative d’étouffement de toute remise en cause du fameux « Modèle Français » . Un Modèle social que « tant de pays nous envient », comme le pensent certains pour justifier un immobilisme mou… mais que personne ne veut copier !

 

Le salutaire engagement pour plus de réalisme ( et moins d’idéologie)

La mémoire est malheureusement une valeur non transmissible, mais le recul que nous impose la situation  actuelle devrait nous pousser à faire tomber les préjugés et à accepter une analyse plus pragmatique de la réalité.

Il est incontestable que nous ne pouvons tolérer qu’une part importante de notre population vive dans un état de pauvreté indigne d’une démocratie comme la nôtre. Mais je considère que la réponse ne se trouve pas dans la culpabilisation de la réussite qui seule est porteuse d’espoir.

Les journalistes ont un rôle important à jouer pour déverrouiller certains blocages. Ils pourraient ainsi participer à une grande opération de reconstruction sociale qui consisterait enfin à reconnaître les valeurs du travail et de l’esprit d’entreprise. Car, qu’on le veuille ou non, l’échec de nos élites à réduire les inégalités réside essentiellement dans leur incapacité à faire fonctionner l’ascenseur social, tout en verrouillant l’accès à l’escalier… 

Quitter la version mobile