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Consommer écolo rendrait-il égoïste ?

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« Ne faites jamais confiance à un homme qui roule en voiture hybride. »

C’est l’une des leçons qu’il faut retenir d’une étude récente selon laquelle les gens ont plus tendance à tricher ou à ne pas se sentir responsables après avoir acheté des produits estampillés « écolo ».

« Il est probable que les acheteurs de ces produits verts ressentent une grande fierté », analyse Nina Mazar, professeure de marketing à l’Université de Toronto et auteur de l’étude en question sobrement intitulée « Les produits verts nous rendent-ils meilleurs ? »

Les implications de cette étude sont sans appel : on assisterait à l’apparition d’un phénomène que les sociologues appellent le « moral licensing » (se donner bonne conscience en achetant vert, sans pour autant changer son mode de consommation). « C’est comme si nous tenions à l’œil notre morale, explique Nina Mazar. Comme si une action morale pouvait avoir un effet sur des domaines sans aucun rapport avec elle. »

Qu’il s’agisse de la tolérance raciale ou d’actions caritatives, les chercheurs ont démontré qu’une fois que nous pensons avoir accompli une bonne action, il est peu probable que nous allions plus loin. Il semblerait même que certains consommateurs aillent jusqu’à en attendre un « juste » retour sur investissement.

Des psychologues de l’Université américaine de Stanford ont ainsi démontré que les participants à leur test qui avaient soutenu Barack Obama lors de la présidentielle américaine, avaient plus tendance à discriminer les Noirs lors d’un entretien d’embauche !

Une autre expérience, menée à la Northwestern University, a démontré que les étudiants qui considéraient mener une existence « conforme à la morale », avaient tendance à moins donner d’argent aux associations caritatives.

 

Des ampoules basse conso qui restent allumées

 

Lorsqu’il s’agit de l’environnement il semble que les comportements soient semblables. « Si ma voiture consomme deux fois moins, un kilomètre parcouru me coûte alors deux fois moins cher, explique Matthew Kotchen, économiste en environnement à l’Université de Yale. Par conséquent, j’ai tendance à me déplacer plus. »

La baisse du coût de l’énergie n’entraîne pas nécessairement une réduction de la consommation. « Il est très possible que l’effet soit bien moindre que nous ne l’avions prévu, reprend Matthew Kotchen. Les propriétaires de maisons ou d’appartements équipés d’ampoules à basse consommation les laissent souvent plus longtemps allumées. Ceux qui ont des machines à laver écologiques ont tendance à les faire tourner plus souvent. Quant à ceux qui ont fait isoler leur habitat, ils augmentent le thermostat et laissent les radiateurs allumés plus longtemps. »

Les particuliers ne sont pas les seuls à pratiquer ce « moral licensing ». Alors qu’il étudiait les raisons pour lesquelles les grandes sociétés s’engagent dans des actions sociales, Matthew Kotchen en a conclu que les mauvais antécédents dans un domaine étaient un indicateur fort de bonne conduite dans un autre. « C’est cohérent avec l’idée que l’on compense quelque chose par autre chose », explique Matthew Kotchen. La corrélation est particulièrement forte lorsqu’il s’agit d’environnement, ce qui ne constituera pas une surprise pour ceux qui ont suivi la mode du « green washing », les efforts de l’industrie pour se présenter comme écolo.

Combattre le réchauffement climatique demandera une vraie lutte pour réduire le coût carbone. Voilà la bonne leçon à retenir de l’étude de Nina Mazar. Ce n’est que lorsque nous pensons agir de façon altruiste que le « moral licensing » fait son apparition. Une fois que les bons comportements sont devenus la norme, nous rééquilibrons nos « cartes de crédit morales » de sorte que nous avons moins tendance à faire marche arrière. Après tout, quand tous nos voisins recycleront eux aussi leurs déchets, il est peu probable que nous nous sentions toujours aussi fiers de le faire nous-mêmes.

 

Des changements de comportement motivés par le même facteur : l’argent

 

Notre consommation d’énergie a tendance à baisser proportionnellement à l’augmentation de son coût.

Si nous ne sommes pas capables de ne compter que sur nous-mêmes pour déterminer le bon choix, peut-être qu’une motivation (une sanction ?) économique parviendra à changer durablement les comportements ?

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

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