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Corriere della Sera, neutralité à la milanaise

Journal amical

 

Le premier numéro est lancé un dimanche de carême, quand aucun autre titre ne paraît. Corriere della Sera profite ainsi dans les premiers temps de ce créneau dominical qui lui apporte une grande visibilité. Il comprend quatre pages et se vend d’emblée à 15 000 exemplaires. Sans vrais bureaux ni beaucoup de salariés, les premières éditions sont imprimées avec les moyens du bord. Ce sont en fait trois rédacteurs et quatre ouvriers qui le font vivre sous la houlette de Torelli. Les trois rédacteurs sont avant tout des amis du fondateur : Raphaël Barbieran, Hector Teodori Buini et Giacomo Raimondi.

 

Une histoire de famille

 

Il s’agit également d’une histoire de famille : l’administrateur du journal est le propre frère d’Eugenio, Titta Torelli, et l’épouse d’Hector Teodori Buini, Vittoria Bonacina Buini, traduit quelques pages de romans pour le journal. Il s’offre en quatre parties : la une, avec l’éditorial et les nouvelles les plus importantes, la deuxième page consacrée à la politique, la troisième aux nouvelles locales et la quatrième à la publicité.

 

Le refus de la compromission

 

Le 18 mars 1876 soit 13 jours seulement après la sortie du tout premier Corriere, le journal subit un choc : Riccardo Pavesi est élu au Parlement. Avec lui, la couleur politique majoritaire change et bascule à gauche. L’élu tente de persuader le tout jeune Corriere de le soutenir et de changer sa ligne politique, mais Torelli Viollier refuse catégoriquement et Pavesi cesse de soutenir le journal : ses jours semblent comptés.

 

Corriere prend de l’ampleur

 

Pourtant, en 1878, la diffusion commence à augmenter de manière sensible dans la mouvance d’un autre événement inattendu : à peine arrivé au pouvoir, le roi Vittorio Emanuele II est soudainement frappé par la maladie dont il décède quelques jours plus tard. Comme la plupart des journaux italiens de l’époque, le « Courrier du Soir » bénéficie soudain d’une ruée des Italiens sur leurs journaux. Un autre phénomène va élargir le lectorat du Corriere della Sera. À cette période, Milan vit de profondes transformations économiques et sociales : la ville voit émerger une classe sociale jusqu’alors minoritaire, la bourgeoisie. Le journal réussit à capter l’attention de cette classe au fort pouvoir d’achat.

 

Construire un titre indépendant et de qualité

 

Pour accompagner cette expansion, Torelli Viollier choisit de renforcer l’utilisation du télégraphe, afin de mieux relayer les nouvelles fournies par les correspondants à l’étranger, notamment. Ainsi, envoie-t-il de nouveaux correspondants à Paris, Vienne et Londres. La même année, il annonce que le Corriere n’utiliserait plus les informations fournies par l’agence officielle Stefani à propos du Parlement, mais qu’il irait les recueillir lui-même à la source. Le journal se pose ainsi face à son lectorat comme un titre indépendant et de qualité. Mais la concurrence et les déboires financiers contraignent Torelli Viollier à démissionner au début des années 1890. C’est Luigi Albertini qui lui succède.

 

Luigi Albertini : figure historique du journal

 

Luigi Albertini inflige des coupes drastiques au budget du journal : de nombreux postes sont supprimés. Le nouveau directeur général se lance alors dans une tournée des capitales européennes afin d’étudier le format des journaux modernes, à la recherche de celui qui fait vendre. Il revient de ces voyages avec beaucoup d’idées qu’il décide d’appliquer au Corriere della Sera. Les résultats ne se font pas attendre : le journal passe de six à huit pages et multiplie ses ventes par deux, dépassant de loin son concurrent direct du moment, Il Secolo.

 

Le Corriere fasciste

 

L’arrivée de Mussolini au pouvoir après la marche sur Rome le 18 octobre 1922 change la donne. Le gouvernement s’impatiente de l’indépendance du Corriere et multiplie les intimidations. Le journal ne cède pas, mais lorsque le député socialiste Matteotti est assassiné en 1924, la rédaction prend peur. Quelques jours après l’instauration de la dictature, le Corriere est dévasté par les milices du régime et Albertini est forcé de démissionner. Dès lors commence la fascisation du journal milanais. Le journal ne se libérera qu’à la chute du régime en 1943, après avoir été bombardé au préalable le 14 février 1943 par les alliés. Le quotidien est frappé d’interdiction de parution par le Comité de libération nationale, mais il est autorisé à reparaître un mois plus tard sous le nom de Corriere d’Informazione.

 

Reconstruction et questionnement

 

Au début des années 1960, le journal a la conviction qu’il doit se renouveler, se moderniser. Il subit de plein fouet la concurrence d’Il Giorno, plus moderne, plus élégant et plus accessible. En mai 1968, le journal est l’une des cibles des étudiants en colère car perçu comme le reflet de la « classe dominante ». Le Corriere relate les événements majeurs de la révolte et convoque de nombreux intellectuels dans ses colonnes tels Raymond Aron, Eugène Ionesco, Claude Lévi-Strauss, Jean-Paul Sartre ou encore Edgar Morin.

 

Le tournant des années 1970

 

Le 12 décembre 1969, le massacre de la Piazza Fontana va marquer le début des années de plomb en Italie et entraîne la naissance des Brigades Rouges. Choquée, l’équipe rédactionnelle du Corriere décide de changer radicalement sa position édioriale et d’abandonner son rapport partisan à la politique. Il choisit de se poser désormais en observateur, en analyste des faits. Aujourd’hui, le journal se tient à cette ligne et continue. Il se veut la référence non partisane.

 

Anecdote

 

En 1958, Corriere est le premier journal italien à utiliser un ordinateur pour calculer le montant de ses ventes.

 

Bibliographie

 

Presse quotidienne italienne : Corriere Della Sera, La Repubblica, La Gazzetta Dello Sport, La Stampa, Il Popolo D’Italia, Gazzetta Di Parma, sous la direction de Livres Groupe, Ed. Books LLC : un panorama complet du paysage médiatique italien à travers les journaux majeurs qui ont fait et font encore la réputation de la presse du pays.

 

En bref

 

Pays : Italie

Périodicité : quotidien

Fondateur : Eugenio Torelli Viollier

Format : grand format

Edition : 665 186 (février 2010)

Directeur : Ferruccio De Bortoli

Rédacteur en chef : Claudio Schirinzi

Site web : www.corriere.it

Adresse : Via Solferino 28, Milan.

 

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