Depuis le début des insurrections en Syrie, les principales puissances européennes brillent par leur absence de prise de position.
Alors que la France, l’Italie et la Grande-Bretagne sont engagées dans la guerre contre la Libye, pourquoi ces mêmes pays restent-ils en apparence indifférents au sort de la population syrienne ?
C’est la plus flagrante démonstration de realpolitik de l’année : à propos de la Syrie, William Hague, le ministre des Affaires étrangères britannique, déclarait il y a quelques jours sur la chaîne Skynews : « Nous ne sommes pas complètement impuissants mais nous sommes obligés d’être soutenus par la communauté internationale si nous voulons faire quelque chose. » Un bel aveu d’impuissance contre lequel aucun Viagra ne pourrait rien.
Il a complété sa déclaration : « Ce que nous essayons d’obtenir en ce moment, c’est une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. C’est beaucoup plus difficile que dans le cas de la Libye. »
Il est vrai qu’un veto de la Russie, très proche partenaire de la Syrie, est à craindre. Et qu’à l’inverse, l’intervention en Libye avait été rendue possible en raison de l’absence de relation particulière entre Kadhafi et le gouvernement russe.
Quoi qu’il en soit, les déclarations de Hague ont envoyé un signal sans ambiguïté aux manifestants syriens qui sont actuellement aux prises avec leur régime dictatorial : ils ne peuvent pas compter sur l’Europe.
Prudence est-elle mère de lâcheté ?
Les raisons pour lesquelles la France et la Grande-Bretagne se tiennent éloignées de ce conflit sont nombreuses. La première d’entre elles est sans doute l’incapacité matérielle d’agir. Selon les déclarations de Mark Stanhope, le plus important officier de la marine britannique, la Grande-Bretagne ne dispose plus des ressources militaires nécessaires pour agir.
Cette situation ferait suite à de sévères coupes budgétaires décidées par le gouvernement fraîchement élu de David Cameron. L’armée britannique se trouverait amputée d’un certain nombre de ses atouts. À titre d’exemple, la plupart des porte-avions qui croisaient dans la région ont été immobilisés pour des raisons économiques, rendant d’éventuelles frappes aériennes beaucoup plus compliquées…
Autre motif d’immobilisme : la position géostratégique de la Syrie, sa proximité d’Israël et la capacité du régime de Bachar Al Assad de déstabiliser la région tout entière grâce à son influence au Liban et ses amitiés avec l’Iran.
Jusqu’ici, les combats continuent en Syrie et l’Europe observe sans intervenir. Mais pour combien de temps ?
Une évolution de la posture européenne demeure possible
Selon des sources diplomatiques, trois facteurs sont considérés comme prépondérants et pourraient entraîner un changement d’attitude des autorités européennes.
1 – La nature de l’opposition syrienne : jusque-là, les soulèvements populaires syriens demeurent isolés les uns des autres. Les Européens attendraient notamment que les rebelles de Deraa s’unissent avec ceux de Latakia et des villages du nord, et qu’un véritable leadership commun émerge de cette union.
2 – L’apparition de soulèvements et d’émeutes dans les villes de Alep et Damas qui comptent chacune plusieurs millions d’habitants et sont les principaux bastions du parti Baas.
3 – L’implication croissante des Kurdes syriens qui représentent 10 % de la population du pays. Cette minorité pourrait jouer un rôle décisif dans cette crise en raison de ses forts liens avec sa diaspora et ses réseaux notamment en Turquie et aux États-Unis.
Cependant, jusqu’à ce que ces événements se produisent, les Syriens qui entendent trouver de l’aide extérieure pour renverser leur régime devront composer avec la rhétorique implacable de William Hague qui a déclaré : « Il est temps que le Conseil de sécurité prenne une résolution claire incitant le gouvernement syrien à répondre aux légitimes griefs de son peuple, à libérer les prisonniers politiques, à autoriser l’accès libre à Internet et à coopérer activement avec le commissaire des Nations unies en charge des droits de l’homme. »
Je suis certain que Bachar Al Assad est en train d’envisager sérieusement ces options…
GlobalPost / Adaptation JOL-Press.