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Libération, de Sartre à Rothschild…

Le temps de la construction

 

Tout commence par une rencontre entre deux hommes, en 1972. Jean-Claude Vernier rencontre à Paris-Jour – alors en grève et occupé par ses salariés – Jean-René Huleu. Le premier est maoïste et ancien élève de Centrale, le second est journaliste et imprime un journal rendant compte des luttes ouvrières de la région. De son expérience à l’Agence de Presse Libération (APL), Jean-Claude Vernier tire une idée : créer un journal populaire de gauche. Le projet sera d’ailleurs repris par Benny Lévy, dirigeant de la Gauche prolétarienne.

Une réunion se tient le 6 décembre 1972. Les participants sont Jean-Paul Sartre, Jean-Claude Vernier, Jean-René Huleu, Serge July et Philippe Gavi.

 

Un « quotidien entièrement libre »

 

En février 1973, Libération est fondée par Jean-Paul Sartre, Serge July, Philippe Gavi, Bernard Lallement et Jean-Claude Vernier. Un manifeste est publié le 3 février, il constitue la charte politique du quotidien et son slogan est publié : « Peuple, prends la parole et garde-la ». En outre, le quotidien se veut indépendant de toute pression financière, c’est pourquoi il refuse la publicité et les actionnaires. Le 18 avril 1973 paraît le premier numéro épais d’à peine quatre pages. Une souscription est lancée pour le financement « d’un organe quotidien entièrement libre ». C’est le 22 mai que Libération paraît pour la première fois.

 

Premier positionnement très à gauche

 

Au départ, les directeurs de publication de Libération sont Jean-Paul Sartre et Jean-Claude Vernier. Ils démissionnent le 24 mai 1974 en raison d’un désaccord avec Serge July, qui leur succède.

À cette époque, Libération encourage beaucoup les combats politiques de la classe ouvrière. Par exemple, lors de l’occupation par des ouvriers sur le point d’être licenciés de l’usine Lip, Libération titre en une : « Travailleurs, vous pouvez faire de même ». Dans la continuité de cette vision, le journal refuse les publicités payantes, partant du postulat que sans indépendance financière, il ne peut y avoir d’indépendance politique.

De 1973 à 1981, ce sont les salariés de Libération qui dirigent le quotidien. Ainsi, n’existe-t-il aucune hiérarchie dans les salaires et chaque décision – lorsqu’elle aborde des sujets délicats – est prise par l’assemblée générale des salariés. Le quotidien brille par ses trouvailles de titrailles…

 

Du maoïsme à Rothschild

 

Confronté à une baisse de diffusion dans les années 1990, le journal a besoin d’un nouveau financement. En 2005, Serge July défend l’entrée dans le capital d’Édouard de Rothschild, qui est accepté le 20 janvier de la même année par le conseil d’administration.

Des tensions en naissent. Un conseil d’administration de Libération se tient le 13 avril 2005. Évence-Charles Coppée, directeur général du titre, est écarté au profit de Louis Dreyfus, soutenu par Serge July.

 

Vicissitudes et déboires financiers

 

Le 25 novembre 2005, le journal entre en grève pour éviter une suppression massive de postes. Quelques mois plus tard, en 2006, les actionnaires refusent de suivre la direction du journal, ce qui ajoute à la crise interne que subit déjà Libération, de plus en plus déficitaire. Son propriétaire, Édouard de Rothschild, estime qu’on ne l’implique pas assez dans le processus de décision. Il fait pression sur une direction qui a plus que jamais besoin de son aide financière.

Malgré la situation catastrophique, Libération annonce au mois de mai 2006, la sortie d’un Libé week-end avec un supplément Écrans (télévision, Internet, cinéma). Un échec. Il est abandonné dès septembre.

Le 13 juin 2006, Serge July annonce qu’Édouard de Rothschild ne refinancera le journal que si lui-même et Louis Dreyfus démissionnent. Pour l’équipe rédactionnelle, l’annonce fait l’effet d’une bombe : dès le lendemain, les journalistes publient un communiqué qui rend hommage à leur fondateur et expriment leur inquiétude quant à leur indépendance. Le 30 juin 2006, Serge July quitte définitivement le journal.

Nicolas Demorand – actuel directeur de la rédaction – arrive à la codirection de Libération à partir du 1er mars 2011. L’ex-animateur des « matinales » de France-Inter va, dès juillet, subir le feu de la rédaction qui vote une motion à son encontre : « Il ne tranche pas, il est passif au cours des comités de rédaction », lui reproche-t-on, entre autres. Un autre rebondissement inattendu va le mettre sur la sellette : la nomination, en juillet 2011, d’Anne Lauvergeon, tout juste débarquée de la direction d’Areva, à la présidence du conseil de surveillance du quotidien. Installée sur son propre fauteuil par l’actionnaire de référence, Édouard de Rotschild, on peut compter sur elle pour qu’elle n’y fasse pas de la figuration, même si le conseil de surveillance n’est pas censé interférer avec la rédaction. En matière de « surveillance », cette dirigeante inoxidable n’a pas de leçon à recevoir. Et si elle sait redresser les comptes, elle en a un certain nombre à régler…

 

Anecdote

Les titres de Libé ont longtemps donné des couleurs à toute la presse. Petit florilège : La mort de Coluche : « C’est l’histoire d’un mec, y meurt’ »
La mort d’Andropov, le 14 février 1984, sous une photo de vieillards décorés : « L’URSS présente ses meilleurs vieux »…

 

Citation

 

« Peuple, prends la parole et garde-la », doctrine de Libération sous Jean-Paul Sartre.

 

En bref

 

Pays : France

Périodicité : quotidien

Format : tabloïd

Genre : presse nationale

Diffusion : 118 7081 ex. (2010)

Fondateurs : Jean-Paul Sartre, Serge July, Philippe Gavi, Bernard Lallement

Site Web : http://www.liberation.fr

Audience du site : 150 000 visites

Directeur de publication : Nicolas Demorand

Rédacteurs en chef : Gérard Lefort, Ludovic Blecher (Internet), Christophe Boulard

Adresse : 11 rue Béranger, 75154 Paris Cedex 03

Tel : 01 42 76 17 89

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