Site icon La Revue Internationale

Crise grecque : des experts prônent la douceur

Le Capec est le fonds de dotation qui conduit des recherches scientifiques sur les fondements anthropologiques, philosophiques, sociologiques et économiques des crises actuelles. Ses experts mènent une veille stratégique en vue d’en tirer des leçons et d’y apporter des solutions. Leur dernier rapport présente une analyse de la crise grecque et propose des pistes de solutions.

 

Quelles solutions apporter ?

L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. La Grèce est en difficulté mais un fort consensus aussi bien politique qu’économique plaide en faveur de son sauvetage. Pour autant, les institutions qui viennent à son chevet ont à portée de mains des remèdes aux formes d’action différenciées. Toute la question est de savoir si ces solutions de sauvetage immédiat produiront le redressement progressif de la Grèce ou si cet effet « transfusion » s’accompagnera de mesures qui ne feront qu’accroître sa fragilité.

Les experts du Capec livrent un document sans concession sur la situation et tentent d’apporter les voies tant de sauvetage que de reconstruction.

 

Un défaut de la Grèce signifie-t-il l’éclatement de la zone euro ?

 

Le Capec choisit de s’attaquer au risque grec par cette première question. Ils partent de la doxa selon laquelle le défaut envisagé de la Grèce entraînerait obligatoirement une sortie de la zone euro du pays ainsi que son appauvrissement. Ils se demandent : « Est-ce vrai ? » Admettons que Grèce fasse défaut sur sa dette pour 40 %, c’est-à-dire qu’elle ne rembourse pas 40 % de ce qu’elle doit. Plusieurs conséquences se dessinent alors.

 

Le risque de faillite immédiate des banques grecques est-il réel ?

 

Ce sont les banques et assurances qui détiennent la dette du pays. Dès lors, les banques et assurances grecques seraient mises en faillite. 40 % de 56 milliards de dollars représentent 21 milliards de dollars, soit autant d’argent en moins dans les comptes des institutions financières. Ces 21 milliards de dollars correspondent aux fonds propres des banques, c’est-à-dire à leur réserve, à ce qui leur permet d’exister. Sans cet argent, la faillite est donc assurée, démontrent les experts.

 

La crise peut-elle se propager aux autres pays de la zone euro ?

 

Les banques et assurances se verraient obligées de faire appel à l’État grec afin d’éviter la faillite. L’État les nationaliserait en s’endettant du montant de 21 milliards de dollars de fonds propres des banques et assurances. En d’autres termes, il s’endetterait des 40 % de la dette qu’elles ne pouvaient pas honorer.

Or ce défaut des banques grecques va toucher les banques françaises et allemandes, également détentrices d’obligations grecques respectivement à hauteur de 21 et 11 milliards d’euros. Le mécanisme européen de stabilité financière devrait en outre augmenter le montant de son aide à la Grèce, puisant dans les ressources des autres pays européens.

Le Capec est formel : les pays européens sont donc deux fois prêteurs : par leurs banques qui ont acheté de la dette grecque et du côté de l’État qui avance de l’argent au fonds d’aide européen d’urgence. Les États-membres sont alors touchés de plein fouet.

 

Une banqueroute de la Grèce est-elle inévitable ?

 

Les experts envisagent une autre hypothèse : le défaut ne porterait que sur la partie de la dette détenue par les non-résidents (personnes physiques ou morales habitant à l’étranger). Dans ce cas, avancent-ils, l’Europe serait amenée à suspendre son aide envers la Grèce : le pays serait en banqueroute. Dès lors, plus personne ne lui prêterait, sinon à des taux usuriers…

« Dès lors, que ferait la Grèce ? » s’enquiert le Capec.

 

Quel est le véritable rôle des institutions financières ?

 

Première option présentée par nos experts : le pays pourrait choisir la création monétaire, via sa banque centrale. Familièrement, elle userait de la « planche à billet ». Il en naîtrait une inflation, voire une hyperinflation, analyse le Capec. Le mécanisme est simple : plus une masse importante de monnaie est mise en circulation, plus sa valeur unitaire diminue, donc la monnaie perd de la valeur, tout comme la dette libellée dans cette monnaie. La création monétaire est souvent utilisée par les pays très endettés pour alléger la valeur de leur dette, mais ce mécanisme n’est guère apprécié par les grandes institutions, et particulièrement par l’Union européenne. Par conséquent, user de ce mécanisme mettrait la Grèce au ban de l’Europe, comme contrevenant aux traités, et le pays subirait des représailles, prédisent les experts.

 

Dévaluer : une solution viable ?

 

Deuxième option pour la Grèce envisagée par le fonds de dotation : restaurer sa propre monnaie – la drachme. Le pays gagnerait en compétitivité à l’exportation car sa monnaie serait dévaluée. Toutefois, elle serait in fine perdante puisque le poids de sa dette extérieure exploserait, analysent les experts. Par exemple, une dévaluation de sa monnaie de 30 % entraînerait une augmentation de la dette publique de 90 milliards de dollars. Le pouvoir d’achat diminuerait alors d’au moins 6 %. Incapable de se substituer immédiatement aux actuelles importations, la production intérieure trop faible entraînerait une hausse des prix sur les produits importés (la demande augmentant pour une offre égale), annulant ainsi les gains de la dévaluation.

 

Quelles seraient les conséquences si la Grèce choisissait de ne pas rembourser sa dette ?

 

Enfin, dernière option pour la Grèce selon les experts : faillir (partiellement ou en totalité) sur la dette détenue par les étrangers et stopper dès lors tout endettement du pays mais en creusant son endettement avec sa propre monnaie au rythme actuel. Le PIB grec serait rapidement atteint : la nouvelle monnaie n’aurait presque plus aucune valeur. Une telle situation rappellerait la République de Weimar en 1922 – qui entraîna une crise économique aux conséquences désastreuses… Rappelons-nous des brouettées de marks nécessaires pour acheter un morceau de pain.

 

L’éclatement de la zone euro est-il encouragé sciemment par certains ?

 

Le Capec insiste particulièrement sur un point : tous ceux qui demandent à la Grèce de faire défaut sur sa dette cherchent sans aucun doute sa banqueroute pour engager l’éclatement de la zone euro. Des responsables politiques allemands aux financiers anglo-américains des agences de notation, tous spéculent pour que la zone dollar continue à créer de la monnaie grâce à l’éclatement de la zone euro, affirment les experts. C’est là tout le sens de l’attaque spéculative contre la Grèce, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et, demain, contre la France. Toutefois, si la zone euro accepte la solidarité, elle se trouvera en meilleure forme que les États-Unis.

 

L’effort demandé aux pays du Sud est-il supportable ?

 

À cette deuxième question, le Capec répond « non », à court terme pour quatre raisons. D’abord, l’effort demandé est trop important. Ensuite, il est supporté en majeure partie par les plus pauvres. Troisièmement, il restreint le marché intérieur trop brutalement. Enfin, il détruit la croissance. En revanche, les experts évoquent une autre solution : une restructuration en douceur, sans événements de crédit, pour étaler la rigueur. Sans sortie de l’euro ni banqueroute.

« Souvenons-nous, rappelle le Capec, que l’Allemagne a mis 10 ans à reconstruire sa rigueur après la réunification. Or on demande aux Grecs de le faire en 5 ans ! »

 

Plaidoyer pour une rigueur en douceur

 

D’après les calculs du Capec (voir rapport), l’effort de réduction des dépenses brise la croissance économique du pays. On arrive donc à une aberration : le malade meurt du remède censé le guérir ! Selon la banque Natixis, la croissance de la Grèce est de 3 % par an. Lui appliquer des taux d’intérêt applicables bien plus élevés revient à condamner le pays.

 

La solution : une rigueur, certes, mais plus étalée. Elle exige la solidarité européenne. 
 

 

Quitter la version mobile