Site icon La Revue Internationale

Élections : quelle sera la prochaine étape pour Y. Shinawatra ?

Un contexte explosif

Le résultat du vote s’analyse comme un rejet du pouvoir, en particulier de la puissante armée qui a renversé Thaksin Shinawatra en 2006 et des tribunaux qui ont démis ses collaborateurs en soutien au Premier ministre issu du coup d’État. Cette élection survient après la plus sanglante répression politique depuis une décennie à l’encontre des dissidents du régime. Ce sont près de 91 personnes qui ont été tuées et des milliers d’autres blessées lorsque les partisans de Thaksin Shinawatra sont descendus dans le centre de Bangkok. Maintenant que le peuple a voté et que le parti de Thaksin Shinawatra est sur le point d’arriver au pouvoir, quelle sera la prochaine étape ?

Voici quelques clés pour essayer de comprendre ce qui va advenir dans les mois prochains. Si Yingluck Shinawatra remporte largement les élections, l’on pourrait néanmoins s’attendre à des turbulences.

 

Le vote thaïlandais implique-t-il une résolution de la crise politique ?

Loin de là. La colère gronde parmi les Red Shirts (surnom donné aux opposants au régime) même si elle s’est atténuée depuis leur victoire. Toutefois, le camp anti-Thaksin déteste sûrement encore plus le Premier ministre déchu qu’auparavant. Ses détracteurs le disent vénal, avare, mégalomane et traître envers les pauvres et les ruraux qui ont voté pour lui. En Thaïlande, les riches refusent « d’accepter les voix de la majorité », selon un analyste politique thaïlandais souhaitant conserver l’anonymat. Pourtant non partisan de Thaksin Shinawatra, il concède que la crise politique de son pays a commencé lorsque le coup d’État a chassé le politique du pouvoir en 2006. Aux États-Unis et dans le reste du monde, « les électeurs acceptent la défaite ». Ce n’est pas le cas en Thaïlande.

 

Les puissants se liguent contre la majorité

Dans un exemple qui illustre bien la gravité de la situation, l’analyste dit garder des amis à des postes hauts placés aussi bien dans des ministères que dans le monde du business, tous partisans du rival du parti Pheu Thai. Et plutôt que d’accepter la victoire de Thaksin Shinawatra, ils sont amers et affirment que l’élection doit être annulée. Ils disent que les votes des pauvres dont la majorité soutient Thaksin Shinawatra ne devraient pas compter : ils viennent de la campagne et partant, sont incultes.

 

Y aura-t-il un autre coup d’État ?

Réponse simple : tout dépend de ce que fera le Pheu Thai. Alors que Yingluck Shinawatra et son parti disposent désormais du pouvoir, l’histoire récente montre que les coups d’État sont monnaie courante en Thaïlande. Depuis les années 1930 on en a recensé pas moins de 18 (réussis ou avortés). Il est donc probable qu’une action militaire ne survienne, envisagée par les médias nationaux et internationaux à peine deux jours après l’élection. Postulat qui a fait réagir hier le ministre de la Défense, le général Prawit Wongsuwon : « Je l’ai répété à plusieurs reprises, rapporte un journal thaïlandais, nous n’interviendrons pas. » Qu’il le réaffirme montre à quel point les coups d’État paraissent ici fort naturels. Evidemment, comme de telles déclarations étaient déjà relayées avant le coup d’État de 2006, leur valeur est toute relative. « Les coups d’État militaires appartiennent au passé », affirme le chef des armées, Sonthi Boonyaratglin dans un entretien donné à l’International Herald Tribune en mars 2006. Six mois plus tard, les tanks étaient dans les rues. Le 3 juillet 2011, le message des électeurs était : « Nous ne voulons pas qu’un coup d’État renverse celui que nous avons choisi démocratiquement », analyse Pichai Chuensuksawadi, rédacteur en chef du quotidien anglophone The Bangkok Post.

 

Yingluck réussira-t-elle?

Yingluck Shinawatra devra donc se montrer à la hauteur des nobles promesses faites par son parti lors de la campagne électorale. Une d’entre elles est d’équiper les écoliers de tablettes électroniques à travers un programme baptisé Une tablette par enfant (pas d’iPad cependant, mais des tablettes moins onéreuses produites par l’opérateur Androïd). Le parti Pheu Thai s’est également engagé à garantir des prix stables pour les cultivateurs de riz et a fait vœu de se concentrer sur des projets de grands travaux. Comme la construction d’une ligne ferroviaire entre l’aéroport international de Bangkok et le complexe balnéaire de Pattaya. Yingluck Shinawatra attendra très certainement de ses électeurs qu’ils comprennent que – comme le dit le dicton – « les politiques font campagne en vers et gouvernent en prose ».

 

Des défis à venir pour la future chef du gouvernement

La question de savoir si Thaksin Shinawatra sera très actif ou non dans ce nouveau gouvernement reste en suspens. Le Pheu Thai présente sa sœur Yingluck comme le « clone » de son frère. Sur certaines de ces affiches électorales figurait le slogan « Thaksin pense, Pheu Thai agit ». Les analystes politiques pensent que la balle est dans le camp du parti Un autre défi pour Yingluck Shinawatra sera de ne pas laisser se désolidariser les éléments très disparates de son camp. Ce sont certains des plus importants leaders des Red Shirts qui ont mené les manifestations de l’année dernière. Ils ont également provoqué des incendies criminels au sein des bâtiments emblématiques de Bangkok à la fin des manifestations. Ils cherchaient peut-être à obtenir des places importantes dans le nouveau gouvernement. Certains sont perçus comme des idéologues, et les militaires ne pourront probablement pas supporter d’être écartés du pouvoir.

 

Comment les relations entre la Thaïlande et les États-Unis seront-elles affectées ?

La Thaïlande est un important allié militaire pour les États-Unis, les liens commerciaux qui unissent Washington et Bangkok sont cruciaux pour les deux pays. Les deux alliés coopèrent également dans le domaine du contre-terrorisme et du judiciaire. Par exemple, en 2010, les autorités thaïlandaises ont accepté l’extradition aux États-Unis d’un trafiquant d’armes présumé, le Russe Viktor Bout, arrêté à Bangkok. Les États-Unis souhaitent également conserver la Thaïlande dans leur camp, notamment depuis que la Chine a entamé des constructions de routes dans le Sud-Est asiatique.

 

Quelle posture américaine en cas de coup d’État ?

L’ambassade américaine de Bangkok se dit impatiente de commencer à travailler avec le nouveau gouvernement. Toutefois, certains font valoir que les États-Unis devraient tenir une ligne plus dure face à la Thaïlande en prévision d’un nouveau coup d’État. « Contrairement à 2006, les Américains ne peuvent pas cette fois-ci ne serait-ce que tolérer tacitement un coup d’État », écrit Joshua Kurlantzick, membre du Conseil des relations étrangères. Une intervention militaire signifierait que les exercices militaires américano-thailandais cessent immédiatement. Avec une condamnation très sévère de ce genre d’actions militaires, comme les États-Unis le feraient s’il s’agissaient de n’importe quel autre pays.

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

Quitter la version mobile