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La fin de l’âge d’or pour les manufactures chinoises

Guangzhou, Chine. Il y a quelques années seulement, les usines du quartier de Haizhu travaillaient jour et nuit, débordaient sur les appartements, les devantures des magasins et tout autre espace disponible, produisaient dans le labeur incessant des vêtements pour le monde entier.

 

Un carnet de commandes presque vide

 

Ces derniers temps, les milliers de fabriques de chaussures et de vêtements d’Haizhu, et beaucoup d’autres situées dans le delta de la rivière des perles en Chine, ont ralenti leur activité pour ne plus faire entendre qu’un bourdonnement inquiet. Les commandes sont moins nombreuses et plus espacées entre elles, et de nombreux ateliers restent fermés pendant plusieurs semaines en même temps. De nombreuses entreprises reconnaissent qu’elles ont laissé partir de larges pans de leurs effectifs, qu’elles ne conservent que le strict minimum de main-d’œuvre pour honorer les commandes sporadiques qui arrivent. Alors que le travail bat son plein dans certains secteurs comme l’électronique, la confection bas de gamme est en pleine mutation en Chine.

 

Une source d’inquiétude pour les ouvriers

 

À l’intérieur d’un immeuble de cinq étages sans ascenseur, les appartements ont été remplacés par des ateliers qui ont connu des jours meilleurs. Des travailleurs migrants de la province du Sichuan cousent des jupes en partance pour le Moyen-Orient. C’est là leur unique grosse commande actuellement, et, une fois bouclée, ils ne savent pas quand ils auront à nouveau du travailLi Kaigan, contremaître âgé de tout juste 20 ans, originaire de la région du Sichuan, a été embauché à 14 ans, et a commencé à fabriquer des vêtements destinés à l’exportation. Il rit quand on lui parle de la violation évidente des droits de l’enfant en matière de travail : toute la Chine agit de même. Mais après avoir passé six ans dans la confection de vêtements destinés majoritairement à l’exportation, Li Kaigan voit son avenir s’assombrir.

 

La multiplicité des facteurs explicatifs du déclin

 

« Cette année a été particulièrement mauvaise pour les affaires », explique-t-il en débarrassant sa machine à coudre de restes de fils. « Quelques usines reçoivent des commandes, mais très peu. Beaucoup de petites fabriques ont abandonné et fermé leurs portes. » Des données publiées le 30 juin 2011 montrent que le secteur manufacturier chinois a le moins augmenté en 28 mois. Il est encore en expansion, mais de plus en plus difficilement. La crise manufacturière chinoise semble le produit de plusieurs facteurs convergents.

• Les prix du travail ont augmenté ces dernières années, à cause des augmentations successives du salaire minimum et de l’inflation continue.

Le coût des matières premières augmente rapidement.

 

Une prise de conscience des travailleurs

 

• Dans le même temps, l’investissement dans les infrastructures du milieu rural, qui avaient pour but de maintenir la Chine à flot durant la récession économique mondiale, a changé l’équation. Les travailleurs migrants ne sont plus à la recherche désespérée d’un travail : ils ne veulent pas non plus lutter constamment pour obtenir un salaire plus élevé en voyageant à travers tout le pays, quitte à sacrifier leurs familles. Beaucoup considèrent qu’ils peuvent gagner à peu près autant d’argent en restant chez eux plutôt que de se mettre en route vers Guangzhou et le delta de la rivière des perles.

« Un grand nombre de petites usines paient des salaires vraiment très bas, ça n’en vaut vraiment pas la peine », calcule Han Lin, un jeune ouvrier de 19 ans qui travaille sur des jeans en partance pour l’Afrique. « Les travailleurs migrants sont beaucoup plus conscients de leurs droits actuellement, confirme Zen Feiyang qui dirige un groupe d’aide pour les migrants de Guangzhou. Ils savent que la loi leur reconnaît certains droits. »

 

Un secteur en crise

 

Il semble que les consommateurs américains et européens n’aient pas relancé ce secteur affaibli de l’économie en achetant autant de marchandises chinoises qu’avant 2008 et la crise économique mondiale. Partout dans Guangzhou, les patrons et les ouvriers des usines ont conscience que les jours glorieux des ateliers qui produisaient à moindre coût 24 heures par jour sont maintenant loin derrière eux. La question est désormais de savoir ce qui va se passer. Suspendre la fabrication de produits peu chers et bas de gamme entre directement dans les plans d’une Chine qui entend aller de l’avant et devenir une économie essentiellement fondée sur l’innovation plutôt que sur la production manufacturière.

 

L’irrémédiable mutation

 

L’économiste chinois Mao Yushi considère que les services constituent le nouveau secteur clé. Les patrons d’usines et les travailleurs ont besoin de comprendre comment opérer la transition entre la fabrication et l’industrie des services. Le temps d’adaptation pourrait certes se vivre difficilement, mais Mao estime que la structure économique actuelle de la Chine ne supportera pas les usines et manufactures des jours anciens. « Les entreprises doivent apprendre de nouvelles choses, tandis que le gouvernement doit aider les nouvelles industries », résume l’économiste. « Une solution réside dans l’industrie des services qui peut absorber beaucoup de travailleurs. »

 

Mais comme le montrent les troubles récents qui ont frappé certaines usines du sud du pays, le changement ne sera pas facile.

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

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