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La métamorphose olympique de Pyeongchang

Une explosion de joie dans les rues

 

Pyeongchang, Corée du Sud. La foule regarde les informations à la télévision. Juste après minuit, un jeudi, les gens pleurent et crient de joie. « Je n’ai pas pu retenir mes larmes lorsque j’ai entendu la nouvelle », confesse Koh Seung-hee, assise dans le salon d’un hôtel de luxe de Pyeongchang, dans un quartier à trois heures de Séoul, et qui fait office de pays des merveilles coréen en hiver. « Nous avons tant attendu », dit la jeune femme. Arrivé deux fois deuxième, Pyeongchang a enfin gagné la compétition pour accueillir les Jeux Olympiques d’hiver de 2018.

 

La fierté des Coréens

 

La bonne nouvelle est venue du président du Comité international olympique. Jacques Rogge est apparu en direct de Durban en Afrique du Sud pour desceller l’enveloppe contenant le nom de la ville qui allait accueillir les Jeux. La célébration s’est étendue de la station de ski d’Alpensia jusqu’à la place du village. Un sentiment de soulagement intense fait place à l’attente presque animale de ces derniers mois : la Corée du Sud va finalement accueillir les Jeux de 2018. « Tous les Coréens souhaitent que les Jeux Olympiques se déroulent ici », nous confie Chang Ju-ree, gérante avec son mari d’un petit hôtel dans les environs d’Alpensia. C’est plus que de la fierté nationale qui se répand dans les cœurs des 46 000 habitants du village. Les commerçants s’attendent à une hausse significative des rentrées d’argent dès les prochains mois.

 

Une aubaine pour la croissance

 

« Ce peut être une bonne opportunité, dit Chang. Nous allons ouvrir un restaurant au premier étage de notre hôtel. Nous souhaitons aussi fournir des équipements de ski et de snowboard à la location, voire peut-être lancer un karaoké. » Son mari Kim Yong-tae considère les Jeux Olympiques comme une opportunité à saisir après les revers économiques de ces dernières années. « La croissance était un peu lente, dit-il, mais maintenant elle devrait repartir. » L’enseigne de l’hôtel que sa femme et lui ont ouvert apparaît en vert et bleu : vert pour la campagne des alentours et bleu pour la mer à l’ouest du village. L’objectif est de construire six patinoires dans la ville portuaire de Gangneung pour accueillir le patinage artistique, le hockey et le curling. « Peut-être que cette aubaine que représentent les Jeux, observe Kim, attirera les grandes chaînes hôtelières du monde pour faire une joint-venture avec notre établissement. » Les Jeux aideront aussi la région à apparaître aux yeux du monde comme une destination touristique de premier plan.

 

Le résultat de la volonté des élites

 

Le rêve de Kim correspond parfaitement à celui des élites coréennes, aussi bien celles de la politique que du monde des affaires. Ont été investis des millions de dollars dans cette région qui vit se dérouler les plus sanglantes batailles de l’histoire du pays, soixante ans auparavant. Parmi les programmes les plus coûteux : la construction d’une voie ferrée à grande vitesse et le perçage de tunnels dans les montagnes reliant la capitale à la côte est. Ce tunnel est une véritable prouesse d’ingénierie et devrait réduire le temps entre Pyeongchang et Séoul à une heure seulement. Le président sud-coréen Lee Myung-bak, dont la popularité était en baisse au nom des 20 % de chômeurs du pays, a personnellement ordonné cette métamorphose de la région.

 

Une rancune d’où va naître une détermination sans faille

 

Cette offensive des élites contre les membres récalcitrants du comité olympique renvoie aux défaites du passé : après s’être fait « doubler » par Vancouver pour 2010 et par la station russe de la mer Noire Sochi pour 2014, Lee devait absolument accueillir les Jeux. Il a dirigé une délégation de plusieurs centaines de collaborateurs et d’hommes d’affaires à Durban. Chacun avait pour mission d’établir un contact avec les organisateurs et de les convaincre d’orienter les Jeux Olympiques d’hiver vers de « nouveaux horizons ». Qui sont devenus le slogan des Jeux d’hiver, car c’est la première fois qu’ils sont organisés en Asie hors le Japon (Sapporo en 1972 et les Alpes japonaises en 1998). D’ordinaire sévère, Lee sourit publiquement lorsqu’il s’affiche avec ses collaborateurs le jour des résultats du vote du comité. « Il n’y aura pas d’erreur, et cela jusqu’à la fin, ajoute Lee, cité par l’agence de presse Yonhep. La sincérité mène au paradis. Avançons ensemble vers le paradis. »

 

Lee et Lee

 

Lee sera au moins certain d’un vote : celui du président de Samsung, Lee Kun-hee, l’homme le plus riche de Corée selon le classement de Forbes. En tant que membre du comité olympique, le PDG Lee était souvent aperçu aux côtés du président Lee. Pour nombre d’observateurs, l’influence du PDG qui s’étend à la plupart des entreprises coréennes (dont la plupart sont des filiales de Samsung) a joué un rôle important dans le choix de la ville. En fin de compte, la machine à gagner coréenne a fait un si remarquable travail que l’issue du vote n’a pas été contestée. Pyeongchang a réuni 65 votes sur 106 contre 25 pour Munich – son principal challenger – tandis qu’Annecy en France ne récoltait que… 7 votes.

 

Un président toujours en quête d’image

 

Mais cette relation entre le PDG Lee et le président sud-coréen Lee risque de déplaire aux Coréens qui ne comprennent pas le favoritisme dont jouit l’entreprise – elle domine déjà les secteurs tertiaire et secondaire du pays. Chiche en aide aux petites et moyennes entreprises pourtant très nombreuses, le président sud-coréen a favorisé l’expansion du conglomérat Samsung ces dernières années en assouplissant la réglementation sur les entreprises. La popularité de Lee va peut-être connaître un bref regain, mais accueillir les Jeux Olympiques ne garantit pas forcément le retour de la confiance des électeurs. Lee ne peut se présenter pour un second quinquennat, mais il espère profondément que son successeur au sein du parti majoritaire – le Grand Parti National – gagnera la présidentielle de 2012. Le Parti Démocrate, au pouvoir pendant la décennie précédant la prise de pouvoir de Lee en 2007, a déjà commencé la campagne d’opposition en insistant sur la question du chômage et sur l’écart grandissant entre riches et pauvres.

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

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