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Les prostituées lesbiennes de Prague : gays par haine des hommes

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« Fini les hommes ! »

 

Prague, République Tchèque. Betka dit qu’elle a plus appris en travaillant dans la rue qu’en trois ans à l’école. La prostitution lui a appris à se défendre, à être honnête et à se battre pour la vérité. Elle a aussi appris à mépriser profondément les hommes. Et partant, elle est devenue lesbienne. Elle nous confie que son ancien petit ami l’a violée. Il l’a aussi forcée à se prostituer dans le voisinage de la gare principale de Prague lorsqu’elle venait de fuguer de chez ses parents à 17 ans. « Je lui ai donné deux ans, puis je me suis dit : fini les hommes ! » a tranché Betka, une jeune femme timide de 30 ans.

 

La clé de la survie : compartimenter

 

Depuis huit ans, elle file le parfait amour avec Helena, une femme de 33 ans. Toutes deux se considèrent lesbiennes bien que chacune ait passé la majeure partie de la dernière décennie à refréner leur attrait et besoins sexuels envers les hommes. Elles disent que la capacité à compartimenter leur vie et à décider que « les sentiments, c’est pour les femmes, le sexe pour les hommes » les a aidées à séparer leur travail de ce qu’elles appellent leur « vie personnelle harmonieuse ». Les experts praguois ont tendance à les approuver.

 

On ne naît pas lesbienne, on le devient

 

Ivo Prochazka, sexologue à l’Université Charles de Prague, affirme que le nombre de lesbiennes est plus élevé parmi les prostituées tchèques que dans l’ensemble de la population. Peu d’études quantitatives ont été menées sur le sujet. Ivo Prochazka pense que ce taux plus important s’explique ainsi : il est plus simple pour les prostituées de définir leurs relations avec les hommes comme « strictement professionnelles ». Mais c’est vrai à l’inverse. La plus grande « plasticité » de la sexualité féminine conduit « certaines femmes qui ont eu de mauvaises expériences avec les hommes à rechercher la tendresse et l’amour chez les autres femmes, même si leur préférence naturelle se porte sur les hommes », analyse le chercheur.

 

90 % des prostituées sont lesbiennes

 

Les prostituées qui entretiennent des relations homosexuelles ne sont généralement pas dans les rues tchèques, affirme Hana Malinova, présidente de Bliss Without Risk, une organisation non gouvernementale qui se bat pour l’amélioration des droits et de la sécurité des prostituées de République Tchèque. « J’estime que 90 % des prostituées qui viennent de la rue pour nous voir sont lesbiennes », avance-t-elle. « Généralement, ces filles ont essayé de vivre avec des hommes dans le passé, mais les seules relations positives qu’elles ont eues l’étaient avec des femmes. » Autre facteur explicatif, selon elle : un foyer brisé.

 

Les orphelinats, antichambre de la prostitution ?

 

Nombre de femmes qui finissent prostituées dans la rue ont grandi dans des orphelinats. La République Tchèque compte près de 8 000 enfants vivant dans ces institutions. Rapporté à la population, c’est le chiffre le plus important de l’Union européenne. Parmi les 60 à 70 filles qui se sont réfugiées chez Hana Malinova, la plupart sont des prostituées qui ont grandi dans des orphelinats non mixtes. Elle critique vivement ces institutions qui pervertissent les enfants.

 

Un pensionnaire sur deux commet un crime à sa sortie

 

Relâchées à 18 ans dans la nature, incapables d’appréhender le monde réel, de prendre soin d’eux et privées de relations affectives saines, ainsi décrit-elle les pensionnaires. Selon l’ANV, une organisation d’aide à l’enfance tchèque, 51 % des adultes qui sont sortis des orphelinats entre 1995 et 2004 ont été condamnés pour crimes dans l’année de leur sortie de l’institution. Condamnation pour prostitution comprise, puisqu’elle est illégale en République Tchèque. Mais la prohibition n’est pas efficace.

 

Loi contre l’indécence : plus de violence ?

 

Parmi les milliers de prostituées, seules 10 % travaillent dans la rue. La majorité se fait passer pour des masseuses thérapeutes ou de simples danseuses dans les très nombreux night-clubs que compte le pays. Leurs conditions de « travail » se sont dégradées depuis quelques années. Depuis 2007, lorsque la loi contre l’indécence publique est passée, beaucoup de prostituées de la rue ont été écartées des centres-villes et elles ont dû se rabattre sur des zones plus excentrées elles sont devenues plus vulnérables face à la violence. Une violence infligée par des hommes, souligne Hana Malinova. « Leurs relations avec les hommes sont… compliquées », euphémise-t-elle.

 

« Je n’aimais pas coucher avec les hommes »

 

Betka et Helena qui ont toutes les deux dû se battre contre leur dépendance aux drogues disent qu’elles n’ont jamais apprécié de coucher avec des hommes. « La seule chose à laquelle je pensais, c’était l’argent et le prochain coup », dit Helena.

 

Romantisme, raison et sentiments face à la violence

 

Aujourd’hui, les deux femmes disent leur relation basée sur le « romantisme et le soutien mutuel » plutôt que sur le sexe. Pour elles, on en fait trop autour du sexe. « Les gens disent tous que le sexe est super-important dans une relation, mais pour certains, ce n’est pas le cas. Ce n’est pas du tout le cas. Je ne vois pas du tout ce qu’il y a de si génial dans le sexe », confie Betka. Elle dit avoir des relations sexuelles avec son amie trois ou quatre fois par mois, grand maximum. « Ce qui est important, c’est que nous avons des choses à nous raconter et que nous nous faisons entièrement confiance. »

 

Une histoire sans fin ?

 

Lorsqu’on leur demande si elles font confiance à d’autres, les deux amies secouent la tête : « non ». Puis les yeux de Betka s’embrument à la pensée de sa fille adolescente. Elle ne l’a pas vue depuis des années. Elle dit que les services sociaux ont placé son enfant dans un orphelinat peu après sa naissance…

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

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