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Les réformes constitutionnelles ouvrent le débat au Maroc

Casablanca, Maroc. Hommes, femmes et enfants brandissent des drapeaux marocains, des photos du roi Mohammed IV et portent des T-shirts sur lesquels est imprimé un grand « oui ». Les Marocains manifestent dans plusieurs grandes villes du pays, ils montrent ainsi leur soutien à la nouvelle constitution proposée par le roi. Mais toute une frange du pays, pendant ce temps, prépare une révolution qu’elle voudrait sans heurts. Une réforme qui ne satisfait pas tout le monde.

 

Mais ces manifestations en énervent certains. Les Marocains militants d’une démocratie nouvelle dénoncent des manipulations gouvernementales visant à influencer les électeurs à un mois du vote sur la réforme constitutionnelle qui s’est déroulée le 1er juillet. « Comment osez-vous manipuler des enfants ? s’écrie un homme dans la ville de Kenitra. C’est ridicule de voir des enfants dans la rue comme ça, ils ne sont même pas en âge de voter ! » Le referendum sur la réforme constitutionnelle introduite par le roi du Maroc a ouvert un houleux débat dans le pays.

 

L’influence du Printemps arabe

 

Le « Printemps arabe » s’est étendu au Maroc depuis février 2011 lorsque les premières manifestations ont éclaté. Elles réclamaient plus de démocratie et une réduction des pouvoirs du roi. Bien que les revendications du pays restent modestes si on les compare à celles qu’ont connues la Tunisie ou l’Égypte, elles ont néanmoins convaincu le souverain chérifien de l’urgence d’entreprendre des réformes. Il a donc annoncé en mars sa volonté d’étendre les libertés civiles dans le pays. Le roi a réuni une commission chargée de rédiger une nouvelle constitution qu’il a présentée le 17 juin à la télévision marocaine.

 

Les changements introduits par le texte…

 

Le roi déclare que la nouvelle constitution sera « le socle solide du modèle marocain original de démocratie et de développement ». Selon le texte, le roi doit choisir un Premier ministre issu de la majorité du Parlement et qui deviendra le chef du gouvernement. Le roi garde le pouvoir de dissoudre ou d’annuler le vote du Parlement. Toutefois, le statut « sacré » du monarque qui a servi de motif dans de nombreux procès contre des journalistes est transformé en statut « inviolable ». Le texte introduit également plus de libertés individuelles et d’égalité entre les sexes. « Je voterai “oui” », déclare le roi à la fin de son discours du 17 juin, en donnant aux Marocains deux semaines de réflexion.

 

… sont contestés

 

Des milliers de manifestants pro démocratie sont descendus dans les rues depuis lintervention du roi pour s’opposer au projet de réforme. Le Mouvement du 20 février qui a amorcé la contestation dans le pays dit qu’il ne votera pas lors du referendum. Le Parti socialiste marocain, le parti islamiste Justice et Charité (interdit mais toléré) ainsi que d’autres associations se sont joints au mouvement du 20 février pour appeler au boycott du referendum, considéré comme antidémocratique. « Cette constitution n’est pas démocratique et elle n’émane pas du peuple contrairement à ce qu’on nous dit ! s’exclame Omar, 25 ans, membre du Mouvement du 20 février. Nous rejetons le discours du roi car il n’existe aucune garantie de changements fondamentaux ».

 

La propagande

 

Mais même avant la fin du discours du monarque, une partie de la population a montré sa liesse dans la rue. Pas si spontanée : c’est l’entourage même du roi qui l’a suscitée… Une vidéo diffusée sur le site web Mamfakinch (« Nous ne céderons pas ») montre un groupe de manifestants face aux policiers Que crient-ils ? « Nous voulons rentrer chez nous ! Donnez-nous largent que vous nous avez promis ! » Les policiers, eux, vendent la mèche : « Attendez que le roi termine son discours, vous serez payés après. »

Le site est proche du Mouvement du 20 février. « La propagande a atteint un niveau tel que même les clubs de sport montrent leur soutien en faveur du “oui” comme s’ils représentaient légitimement leurs membres », déplore un jeune blogueur marocain sous couvert d’anonymat. Pendant ce temps, le gouvernement assure accorder un temps de parole égal aux deux positions.

 

« Le pouvoir central sous-traite sa répression »

 

« Tous ceux qui participent au referendum – y compris ceux qui y sont hostiles – pourront s’exprimer librement », assure le ministre des Communications, Khalid Naciri. Le parti islamiste Justice et Développement, l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et le parti conservateur Istiqlal (3e force du pays) ont appelé leurs partisans à voter « oui ». « Cette constitution va apporter beaucoup de choses positives au Maroc », récite sans surprise le ministre de l’Industrie, Ahmed Reda Chami. D’après Radi, nombre de manifestants pro démocratie ont été blessés par des partisans du « oui ». « Les violences ciblées envers les jeunes du Mouvement du 20 février sont soutenues par les autorités locales : la situation est dangereuse et très inquiétante », déplore l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) dans une lettre adressée au ministère de l’Intérieur. « Les autorités profitent de la situation socio-économique difficile du pays pour monter la population contre les jeunes qui manifestent pacifiquement ». Khalid Jamai, journaliste du Mamfakinch, écrit : « Avec cette stratégie, on peut dire que le pouvoir central “sous-traite” sa répression ».

 

Un résultat connu d’avance

 

« Un tel niveau de propagande n’est pourtant pas nécessaire étant donné que l’issue du scrutin est connue d’avance, soutient Lise Storme, maître de conférence en politique du Moyen-Orient à l’Université d’Exeter au Royaume-Uni. Je pense que tout cela est en fait un grand spectacle pour la communauté internationale, et révèle aussi un sentiment d’unité soudain des hommes politiques qui se sont sentis quelque peu menacés. La constitution proposée par le roi est un grand pas pour le Maroc puisque de nombreux pouvoirs sont transférés au Premier ministre. Toutefois je ne pense pas que ça aille assez loin, explique Storm. Le roi décide de l’agenda, les politiques s’exécutent, simplement. »

Au-delà de la controverse autour du texte, certains déclarent soutenir la réforme constitutionnelle simplement parce qu’elle représente un pas vers plus de démocratie. « Je pense que la nouvelle constitution est meilleure que la précédente, estime Leila, de Rabat, 45 ans. Je considère cette constitution comme quelque chose de provisoire qui aura toutefois des répercussions positives dans le futur. »

 

Le « oui » obtient 98 % des voix

 

Les résultats du referendum sont parus samedi 2 juillet : le « oui » rafle 98 % des voix, avec une participation atteignant 72 %. Les associations qui avaient appelé au boycott dénoncent d’ores et déjà des fraudes massives et d’inquiétantes irrégularités dans la prise en compte des bulletins, et par conséquent une violation des droits démocratiques des citoyens.

 

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

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