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Les Républicains accusent Obama de la crise de la dette

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Une mère de famille inquiète pour ses enfants

 

Il est trois heures du matin, une jeune femme sexy portant une nuisette en dentelle blanche ne semble pas arriver à dormir. Elle se tourne et se retourne, elle s’inquiète «de nos emplois, de notre maison et même de la santé de maman» confie-t-elle d’une voix anxieuse. Elle s’angoisse quand elle pense à la retraite, elle s’effraie de la vitesse à laquelle les prix montent, elle a peur pour ses enfants – dont la photo trône sur sa table de chevet.

 

Washington doit se montrer raisonnable

 

Elle soutenait Obama «parce qu’il parlait d’une si jolie façon», maintenant elle est déçue. Un fond de musique inquiétante se lance. Elle pousse les couvertures en arrière et la caméra la suit dans la salle de bain. «Notre pays a cette dette énorme et Obama dit qu’il faut augmenter les impôts et continuer de dépenser autant ? Washington ne comprend pas qu’on ne peut plus se permettre plus de taxes ni d’augmenter encore la dette ? S’ils n’arrivent pas à le comprendre, ça sera très dur pour nos enfants. Il doit forcément y avoir un moyen d’empêcher le président Obama de signer des chèques en blanc !»

 

Le message est simple : tout est la faute d’Obama

 

Ce spot politique tourne en boucle dans les quartiers importants de Washington. Il est convainquant, et très agréable à regarder…Financé par des millions de dollars venus du groupe de Karl Rove, un stratégiste républicain, le parti conservateur transmet à travers ce spot un message populiste et simplificateur : « Washington ne sait pas gérer les dépenses, c’est la faute d’Obama». C’est un message qui s’est répandu dans la presse ces dernières semaines, tandis que le plafond de la dette était en débat et le pays était poussé au bord du gouffre. Et il semble que les brimades du Tea Party envers Washington se fassent plus menaçantes : le parti dit vouloir forcer le pays à faire défaut de ses obligations si l’Obamacare n’est pas enterrée rapidement, ainsi que d’autres exigences.

 

Simplifier et transformer la réalité pour convaincre

 

Le problème c’est que le message n’est pas du tout pertinent. C’est le président George W. Bush qui a laissé courir la dette américaine, en réduisant les impôts drastiquement tout en augmentant drastiquement la taille du gouvernement. Obama n’a simplement pas résolu le problème dont il a hérité. Au contraire, s’il a effectivement creusé le déficit, il l’a fait plus lentement que son prédécesseur. Rappelons que lorsque Bush est arrivé au pouvoir en 2001, le budget du gouvernement était solvable. En fait, Washington remboursait même la dette nationale.

 

Le pays devrait actuellement être excédentaire, pas déficitaire

 

A l’époque, le bureau du Budget du Congrès américain projetait qu’en 2011, les Etats-Unis aurait amassé près de 2 milliards d’euros. Une petite somme qui aurait pu servir aujourd’hui à renforcer le pays où à fournir une retraite digne de ce nom à la population. L’administration Bush, et parmi elle Karl Rove, voulait réinvestir ce surplus attendu dans le peuple, à travers la Santé. Les coupes opérées dans les impôts par Bush, une augmentation rapide des dépenses militaires ainsi que d’autres mesures gouvernementales ont abouti à 8 billions de dettes publiques en 2009 (10,4 billions en 2010 selon le Washington Post). Une autre analyse, provenant du New York Times montre que Bush a contribué à la dette à hauteur de 5,07 billions et Obama « seulement » à 1,44 billions (les projections jusqu’à 2017 inclues).

 

Obama a hérité des erreurs de Bush

 

Incidemment, la relance de 2008 sur l’économie a contribué à rapporter 711 milliards de dollars dans les caisses de l’Etat. Pourtant relativement important, ce nombre n’est qu’une fraction du problème de la dette, et environ la moitié de ce qu’ont dépensé les Etats-Unis dans les guerres d’Afghanistan et d’Irak. Accuser Obama de dépenser une fortune pour restaurer l’économe c’est ignorer que la récession a éclos sous Bush, pas sous Obama. De même, personne ne daigne mentionner que le marasme financier a obligé le gouvernement à débourser environ 400 milliards de dollars pour l’emploi ces dernières années – un problème dont a clairement hérité Obama. Les inquiétudes de la femme du spot publicitaire sont donc mal venues.

 

Les intellectuels de droite s’en mêlent

 

Mais ce ne sont pas seulement Karl Rove et la machine politique des Républicains qui blâment Obama des problèmes économiques du pays. Dans le Financial Times, Martin Feldstein, professeur à Harvard, critique fortement la politique d’Obama et suggère que l’administration est la principale fautive dans la hausse du chômage et dans la crise de la dette. Martin Feldstein s’assure une écoute importante en tant qu’ancien président du Council of Economic Advisers (CEA). Il est aussi un des idéologues phare de la droite reaganienne.

 

Une politique coûteuse et néfaste

 

Il rejette «le plan de relance d’Obama» qu’il considère «trop mal conçu et qui va encore ajouter aux dépenses de l’Etat» sans même qu’il soit prouvé qu’il ait une efficacité. Contacté par mail afin qu’il étoffe ses propos, Martin Feldstein confie à Global Post : «Il y a de très nombreuses études sur l’impact des politiques fiscales sur l’économie. Je pense qu’une brève augmentation des dépenses étatiques ont un impact plus important qu’une seule coupe nette et précise dans les impôts ».

 

Alors, le plan de relance n’était-il vraiment qu’un grand gâchis d’argent ?

 

Selon des données rassemblées par un groupe apolitique du bureau du Budget du Congrès américain, le Recovery Act a contribué a dopé la croissance américaine de 1,5 à 4,2 % en 2010. Il a aussi permis de créer entre 1,3 et 3,3 millions de CDI, faisant baisser le chômage d’un taux se situant entre 0,7 et 1,8%. La relance a permis de réduire les impôts de 260 milliards de dollars selon la Maison Blanche et d’investir plus de 216 milliards de dollars dans la construction d’infrastructures, dans les énergies renouvelables, dans la recherche et dans d’autres projets à forte valeur ajoutée. Et 186 milliards ont été transférés vers les Etats à court de liquidités afin qu’ils ne licencient pas les professeurs, qu’ils puissent continuer de fournir un service de santé de qualité aux pauvres et soutenir d’autres initiatives, selon le Government Accountability Office (GAO). Aurait-il véritablement mieux valu pour le pays que ces programmes n’existassent pas ?

 

Un raisonnement faussé

 

Comme un clin d’œil à de longues théories entourloupées, Martin Feldstein accuse principalement le chômage : «Obama appelle de ses vœux une hausse des impôts et cela décourage à la fois les investisseurs et les ménages». Ce postulat ignore les 425 milliards de coupes dans les taxes qu’Obama a déjà mises en place – notamment en décembre 2010. En plus de cela, ce raisonnement défie la logique. De toutes les politiques qui ont creusé la dette publique américaine, les coupes dans les taxes opérées par Bush sont celles qui y ont le plus contribué, selon la Pew Fiscal Analysis Initiative.

 

Faire des choix éclairés

 

D’un autre côté, à moins que les législateurs n’augmentent les prélèvements sur les plus riches, il n’y a pas d’autre choix que d’emprunter plus (ce qui n’est à l’évidence pas l’option la plus populaire) ou faire des coupes dans des institutions de l’Etat providence comme Medicare, Medicaid ou la Sécurité Sociale. Beaucoup d’économistes (dont Martin Feldstein) sont d’accord sur la nécessité, pour relancer l’économie américaine, de dépenser plus d’argent pour les ménages et les entreprises. La question est : qui peut le mieux faire cela, un senior qui a besoin de chaque dollar pour payer ses factures et se nourrir ou une famille qui gagne déjà plus de 250 000 dollars par an ?

 

Fuite des capitaux face aux impôts, une peur irraisonnée

 

Il n’est pas non plus tout à fait limpide que d’avantage de coupes dans les impôts stimuleraient les investissements. Les entreprises américaines disposent déjà de 2 billions de liquidité, selon la Réserve Fédérale. Rapportée à la taille de leurs actifs, c’est la plus grosse somme que ces entreprises aient détenue depuis 1959. En quoi la menace d’une hausse des impôts pourrait-elle dans ce contexte engendré une fuite des capitaux ?

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

 

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