Site icon La Revue Internationale

Une histoire d’amour entre l’Amérique et Paris

Un paradis nommé Paris

 

Boston. Si, au XIXe siècle, les Anglais aimaient leur Italie, les Russes leur Riviera, Paris a toujours été la plus grande histoire d’amour des Américains. C’est un bon vivant de Boston, du nom de Thomas Appleton, qui prononça dans les années 1830 ces mots : « à leur mort, les bons Américains vont à Paris » (Good Americans when they die go to Paris).

David McCullough, le plus populaire des historiens americains, rapporte tout cela dans son dernier livre à succès, numéro un des ventes, intitulé The Greater Journey, Americans in Paris (« Le plus long des voyages, des Américains à Paris »). Le livre relate la période de 1830 à 1900 durant laquelle l’Amérique était alors suffisamment riche et prospère pour commencer à envoyer ses enfants à Paris, au contact de la culture de la ville, de son art et de son architecture, de sa science et de sa joie de vivre. Oliver Wendell Homes y vint pour étudier la médecine, car Paris possédait alors les meilleures écoles du monde.

 

Le Paris rêvé et fantasmé par les grands noms de la littérature

 

« Depuis que je suis enfant, j’ai toujours été intéressé, charmé et fasciné par cette ville », me confie David McCullough qui vit Gene Kelly danser à travers la ville dans Un américain à Paris, le film dont la musique fut composée par George Gershwin. David Mc Cullough est bien entendu un grand admirateur de la littérature, il recherche l’inspiration dans des livres tels John Adams ou A path between the seas (« Un passage entre deux mers »), une ode au canal de Panama. Ou encore les jours de la « grande guerre » décrits par Harry Truman. David McCullough savait que le Paris du XVIIIe siècle, celui de Thomas Jefferson, de Ben Franklin et de John Adams avait déjà été évoqué dans la littérature. Il se disait que la période des Stein, Hemingway et autres Fitzgerald avait également été fouillée de fond en comble. Or, la riche histoire des Américains dans le Paris du XIXe siècle était d’autant plus négligée qu’elle ne mettait pas en scène de grands guerriers ni des politiciens de renom, mais en grande partie des artistes, des écrivains et des étudiants.

 

La ville en proie aux changements et aux secousses

 

Mais c’est Paris qui se métamorphosa durant ces années, « non pas seulement du fait des guerres, des révolutions et des épidémies de choléra », surtout en raison du chantier titanesque entrepris par Napoléon III et Georges Eugène Haussmann qui transforma la figure même de la ville. Les Américains à Paris vécurent au travers des empires et des républiques, des révolutions et des guerres. Mais jamais rien ne fut comparable aux horreurs et aux destructions subies durant la guerre franco-prussienne de 1871, pendant le siège de Paris et lors de l’avènement des « communards » qui commirent d’inimaginables atrocités aux yeux de leurs ennemis.

« Que la Ville Lumière, le centre de la civilisation, ait pu connaître de telles convulsions ne peut être ignoré, s’indigne David McCullough, ce n’était pas une partie de plaisir. »

 

Quelques illustres Américains s’installent à Paris

 

Certains Américains à Paris étaient riches. D’autres, à l’instar du sculpteur Augustus Saint Gaudens, étaient pauvres. D’autres encore cherchaient à être introduits à la cour des rois de France, et certains partageaient les idées radicales de quelques Parisiens dont l’une des anciennes gloires était le Marquis de La Fayette, héros de la Révolution américaine. Ou le grand dentiste américain Thomas Evans, à qui l’impératrice Eugénie demanda de l’aide lorsqu’on lui conseilla de quitter Paris. Il la fit sortir de la ville et traverser la Manche pour débarquer saine et sauve en Angleterre. L’un de ceux que je préfère est Charles Sumner qui, constatant la manière dont étaient traités les étudiants noirs à Paris, se mit à penser que l’esclavage n’était pas l’ordre naturel des choses. Il devint un fervent abolitionniste. Sénateur américain, il fut, à la suite d’un discours enflammé, quasiment battu à mort dans l’enceinte même du Sénat par un membre du Congrès de Caroline du Sud. L’un des préférés de David McCullough est un ambassadeur américain héroïque, Eilhu Washburne. Il resta à Paris pour aider les Américains et même les civils allemands de passage durant le siège et la prise de Paris par les Prussiens, puis lors de la Commune de Paris.

 

La ville entre histoire et politique

 

David McCullough écrit que « de nombreux écrivains de renom – Cooper, Longfellow, Emerson, Hawthorne, Mark Twain, Harriet Beecher Stowe – ont décrit leur vie parisienne, bien avant l’arrivée de Washburne. Et bien d’autres le feront dans les années à venir. Mais personne, ni avant ni après lui, n’a jamais rien écrit de tel que son journal relatant ses années parisiennes ». McCullough m’a confié qu’être le premier à trouver le journal puis le publier pour la première fois représentait l’un de ces frissons pour lesquels vivent tous les historiens. Les Américains du xixe siècle qui arrivaient en masse à Paris « ne se voyaient pas comme des réfugiés ou même des exilés volontaires d’un pays qu’ils n’aimaient plus », écrit-il. Ce sera davantage le cas des Afro-Américains qui vinrent à Paris pour échapper à la discrimination raciale, dans les années James Baldwin et Joséphine Baker.

 

Une ville vecteur de création artistique

 

Le Paris d’aujourd’hui n’est peut-être plus La Mecque des artistes comme elle l’était alors pour Winslow Homer, Mary Cassatt et John Singer Sargent. Et les écrivains n’ont plus comme idéal de vivre près des scieries, de boire un verre au Dôme ou au Select comme à l’époque. Mais les Américains créatifs sont toujours attirés par Paris. Le romancier américain Ward Just, qui par exemple passe chaque hiver à Paris, y a puisé l’inspiration pour trouver le titre de son dernier livre, Rodin’s Debutante, un après-midi alors qu’il visitait un musée.

« Nous aurons toujours Paris », (« We’ll always have Paris ») disait Humphrey Bogart à Ingrid Berman dans une réplique célèbre d’un film consacré à une autre ville (Casablanca). Pour un grand nombre d’Américains, il n’y a rien d’autre à dire.

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

 

Quitter la version mobile