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Comment en finir avec les néonazis ?

Après le massacre norvégien

Aux dernières élections du land en 2006, le bras politique du mouvement, le Parti National Démocratique (PND), a gagné six sièges au Parlement de MecklembourgPoméranie. Du coup, le parti a pu former un groupe parlementaire et se voir attribuer des fonds pour son personnel et ses campagnes, de l’ordre de 7 millions d’euros. Que le contribuable allemand subventionne des néonazis n’a jamais été bien accepté par bon nombre de politiciens.

Désormais, dans la foulée des tueries accablantes accomplies par Anders Behring Breivik le 22 juillet, des politiciens allemands ont demandé à nouveau l’interdiction de l’extrême droite. En juillet, le ministre allemand de l’Intérieur a approuvé la constitution d’un groupe de travail œuvrant en ce sens.

 

Leur couper les vivres ?

Sigmar Gabriel, chef de l’opposition sociale-démocrate, a mis tout son poids dans le projet d’interdit. Dans un pays où l’on peut se voir emprisonné pour avoir manifesté des sympathies pro-nazies, la loi protège néanmoins le droit d’association, y compris pour des partis politiques d’extrême droite, et autorise l’expression d’idées relevant de l’idéologie nazie – pour peu que leurs zélateurs ne s’en réclament pas formellement.

L’un des moyens possibles de contrer le parti d’extrême droite serait de tarir ses subventions, puisque les partis politiques allemands se voient remboursés leurs frais de campagne. « Nous sommes nombreux à penser qu’il faut les interdire, opine Julian Barlen, vice président de l’opposition à Rostock, capitale du MecklembourgPoméranie, et militant actif anti-extrême droite. Non pas dans l’espoir d’éradiquer le phénomène sur le long terme : une interdiction fera d’eux des extrémistes. Mais ils ne disposeront plus de moyens financiers. »

 

Sont-ils une vraie menace ?

« Les leaders [du parti] ne cachent pas que leur but ultime est d’en finir avec l’ensemble du système démocratique, et une démocratie devrait être en mesure de s’en prémunir, ajoute Barlen. Ils utilisent les outils mêmes de la démocratie pour la détruire. Je ne pense pas que la tolérance soit de mise en pareil cas. »

Malgré tout, une interdiction paraît peu probable.

Une précédente tentative du gouvernement d’arracher l’illégalité du parti fut mise en échec par la Cour constitutionnelle en 2003 après les révélations de la mise en place par l’exécutif d’informateurs rémunérés chargés de l’infiltrer. « Les chances [d’interdire le parti] sont très minces parce que les politiques responsables n’ont toujours pas décidé du moyen de provoquer l’interdiction, explique Robert Philippsberg, chercheur en sciences politiques à l’université de Munich, expert des mouvements d’extrême droite allemands. Et en outre, on ne voit pas de raison impérieuse de se lancer dans l’affaire maintenant. Tout dépend de la façon dont ces partis vont se développer. Ils ne sont pour l’heure pas assez importants pour constituer une menace. »

 

Campagne xénophobe dans un land à faible immigration…

Les résultats de l’élection en MecklembourgPoméranie le 4 septembre seront observés comme un indicateur important de la tendance du parti. Avec le land de la Saxonie, l’état sur la mer Batique a franchi le seuil des 5 % qui ouvrent l’accession au Parlement lors des dernières élections.

Dans le cadre des prochaines, les affiches de campagne du parti optent pour le slogan « Les criminels étrangers, dehors ». D’autres accroches évoquent la crainte que suscite le projet de construction d’une mosquée à Rostock. Dans ses bastions, le parti déploie une rhétorique xénophobe, même si en MecklembourgPoméranie la population émigrée ne se compte qu’à hauteur de 2,3 %. Soit parmi les taux les plus bas d’Allemagne.

 

L’immigration nest pas la vraie motivation

L’année dernière, une vague de sentiments xénophobes se manifesta dans le pays quand un ancien dirigeant de la Bundesbank, Théo Sarrazin, écrivit dans un livre que les émigrés « tiraient le pays vers le bas ». Le livre vint jeter de l’huile sur un feu qui couvait : il fut le plus gros best-seller de l’après-guerre.

Et pourtant, les sondages menés au cours de cette période ne montrèrent pas de tolérance accrue en faveur du parti néonazi. Ralf Welt, associé du Dimap Group, think-tank politique à l’origine des sondages, pense que l’immigration n’est pas une préoccupation majeure pour les sympathisants du mouvement néonazi et du parti. Ce sont les tensions économiques qui motivent ses partisans, et les tensions sociales. « Si vous examinez le profil socio-économique de ses électeurs [ceux du parti], c’est le manque d’emplois, le manque d’opportunités et de flexibilité parmi les jeunes qui ne trouvent pas de travail, et c’est aussi l’impression que le gouvernement et la société ne prennent pas suffisamment on compte les citoyens lambda qui les animent. »

 

Nostalgie de l’Etat socialiste

Dans le MecklembourgPoméranie, le chômage atteint 14,3 %, bien au-dessus de la moyenne nationale de 7,6 %. L’étude du Dimap montre aussi que le parti tire son plus important soutien des chômeurs de sexe masculin au-dessus de 30 ans. Welt exprime l’idée que les attitudes héritées du land préalablement socialiste poussent cette classe d’individus à attendre davantage du gouvernement qui les jette dans les bras des partis durs quand il n’est pas capable de leur procurer travail et sécurité.

« Depuis la réunification allemande, la majorité de la population de [l’ancienne] Allemagne de l’Est croit que l’État et la société constituent des solutions pour chacun, analyse Welt. Si bien que l’on retrouve l’écho de [ce] régime qui prit en compte tous les aspects de la vie quotidienne. »

 

Le passé nazi inhibe la résurgence nazie

En Allemagne de l’Ouest, le parti d’extrême droite n’a plus retrouvé de réel socle après de piètres succès et le gain de quelques sièges dans les parlements locaux au tournant des années 1960. Aucun des partis extrêmes à droite n’a jamais réussi à trouver de représentation à l’échelle fédérale. Pour certains analystes, la raison tient principalement au passé totalitaire du pays. « En Allemagne, les médias restent très critiques à l’encontre des mouvements d’extrême droite au nom du passé nazi, confirme Florian Hartleb, spécialiste du populisme au sein du Centre des études européennes à Bruxelles. D’autres facteurs entrent en jeu, comme le fédéralisme fort – qui s’oppose à l’émergence d’une organisation nationale – et l’absence de personnalité charismatique de premier plan à la tête d’un tel parti. »

 

Des mots à éviter

Des partis d’extrême droite se sont établis en Europe ces dernières années. Au Danemark et aux Pays-Bas, les coalitions de gouvernement sont arbitrées par l’extrême droite qui milite contre l’immigration et les musulmans. Mais alors que le parti néonazi allemand professe les mêmes oppositions, les analystes le tiennent à part du courant général en raison de ses racines ancrées dans l’idéologie fasciste, qui sape sa popularité dans la majorité du pays. Au début du mois par exemple, les Allemands s’en prirent au parti responsable d’une campagne d’affiches à Berlin qui montraient le leader du mouvement juché sur une moto avec ces mots : « Gas Geben » – « Plein gaz ». Le parti eut beau affirmer que cette image ne faisait en rien allusion aux méthodes d’extermination des nazis dans les camps de concentration, le mal était fait…

 

Échec ou pas, le parti néonazi ne disparaîtra pas

Faute de pouvoir interdire le parti, les opposants ne désespèrent pas de peser sur le vote en MecklembourgPoméranie, au point de le sortir du jeu. Les sondages du moment le créditent de 4 %. Mais lors des dernières élections, les sondages avaient prédit le même résultat alors qu’il avait obtenu 7,3 %.

« Se voir interdire l’entrée au Parlement constituerait un beau revers, commente Philippsberg, l’expert en sciences politiques. Mais le parti existe depuis 1964, des revers, il en a déjà connus, et pourtant, il est toujours là. Je le répète, même s’il connaissait la défaite, il ne disparaîtrait pas rapidement pour autant. »

 

GlobalPost/Adaptation JOLPress

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