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Du sang et des larmes

Mais pourquoi s’acharnent-ils ? De l’homme d’affaires Jean-Pierre Brunois qui revend très vite son acquisition sur le constat qu’il n’est décidément pas un homme de presse, au jeune milliardaire russe Alexandre Pougatchev, fils d’un nouveau riche russe bientôt en délicatesse avec Poutine, en 2009, France Soir a épuisé les directeurs de la rédaction. Or le titre, de l’aveu même du financeur, perd 2 millions d’euros par mois. Il a englouti 32 millions en 2010. L’actuel directeur de la rédaction, Rémy Dessart, qui s’était illustré il y a des années aux côtés de l’Allemand Axel Ganz (Capital), n’a pas encore prouvé qu’il détenait la solution. L’analyse de l’une des dernières unes nous en donne une idée.

 

Populaire ou populiste ?

 

Dessart applique la formule Capital qui avait valu tant de succès aux titres du groupe Prisma Presse, filiale française de l’allemand Gruner + Jahr : des titres, seulement des accroches, pas un début d’article en une. Il s’agit de créer le réflexe d’achat sur quelques mots, une émotion, donc choisir les accroches les plus consensuelles. Démarche d’une presse dite populaire qui vise l’individu à travers ses besoins primaires : sa santé, sa sécurité, son goût du loisir… Quel meilleur exemple que le ton « poujadiste » de la une : il s’agit avant tout de flatter la xénophonie et le réflexe national (« Ils envahissent… », « Ce sont souvent des clandestins… », « les commerçants crient leur colère… »), pendant que la police est «impuissante».

 

Doubler les ventes

 

Cette une du week-end des 27 et 28 août l’illustre : beauté, santé en manchettes haute, sécurité et fait divers, avec appel aux réflexes d’agression renforcés par le rouge sang pour le titre écrasant, un zeste de politique qui écorne le Parti Socialiste pour rester dans la note conservatrice du titre, et le sport pour autant qu’il exalte les vertus françaises. On remarque bien que chacun de ces titres fait appel aux sentiments réputés panurgesques du lecteur moyen : rien qui évoque le recul, la réflexion, l’art ou la littérature. Mais même en s’en tenant aux moteurs primaires du comportement, Dessart et Pougatchev n’obtiennent que 74 000 ventes quotidiennes quand il leur en faudrait au moins 150 000. Les annonceurs, prudents, ne suivent pas.

 

Du titre au « papier »

 

Pougatchev, dont on se demande bien pourquoi et dans quel intérêt il s’acharne ainsi, se préparerait à chercher des partenaires financiers pour que France Soir ne devienne pas France Crépuscule. On lui prête l’intention d’investir à nouveau dans une « rédaction de qualité », ce qui en dit long sur l’analyse nouvelle qu’il fait de son titre populaire. Il est certain en tout cas qu’un titre accrocheur ne fait pas le printemps : encore faut-il que le « papier » qui accompagne l’emballage donne envie à l’acheteur d’impulsion de céder le lendemain au réflexe de s’approprier le journal pour 80 centimes (plus de 5 F…).

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