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Les fêtes barbares d’une Libye pas tout à fait libre…

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Une fois pris d’assaut, mardi 23 août, le complexe de Bab al-Azizia jusqu’alors imprenable, les rebelles passèrent des heures à la recherche du leader déchu. Mais l’inspection du labyrinthe de tunnels creusés sous la résidence ne donna guère d’indices sur la cache de Kadhafi. La plupart des insurgés sont désormais persuadés qu’il a fui la cité pour se terrer au sud du pays, d’où, pensent-ils, il doit préparer son retour au pouvoir.

 

Benghazi en liesse

 

Mais à Benghazi, là où l’insurrection a éclaté, pour les révolutionnaires libyens la guerre est finie. « La chute de Bab al-Azizia signe la chute d’un dictateur, tranche Essam Agila, 31 ans,            à l’occasion des manifestations de joie à Benghazi. Les Tripolitains – et la Libye – ont finalement été libérés. »

à Benghazi toujours, galvanisés par la chute du siège du pouvoir à Tripoli, les Libyens firent la fête à tout va toute la nuit et une grande partie de la matinée, ce qui eut pour effet de mettre carrément au point mort la seconde ville du pays.

Des milliers de véhicules inondèrent une ville déjà envahie par la foule. Des chauffeurs surexcités roulaient dans le flottement des drapeaux aux couleurs de l’indépendance, le vert, le rouge et le noir. Ils faisaient hurler leurs klaxons sans se préoccuper d’unisson : « Nous avons gagné ! »

Des gosses faisaient la course entre les voitures immobilisées aux feux, ils lançaient des fusées d’artifice dans la foule de Libyens hurlants sur les trottoirs. Les adultes semblaient ne pas s’en préoccuper.

« J’ai déjà envoyé deux de mes fils combattre Kadhafi au front, explique Mohamed Abu Bakr, 71 ans. Si j’avais pu envoyer les autres, je l’aurais fait pour une Libye libre. » Sur la place des Martyrs, épicentre du soulèvement, la population se répand un peu partout en chantant, en dansant au gré de la fête improvisée. « Allez, ramène-les, tes avions et tes chars, on n’a plus peur de toi, Kadhafi », scandaient de jeunes enfants sur la place. Des orateurs sur l’estrade se réjouissaient de l’opportunité unique pour les insurgés de créer une Libye nouvelle, unifiée et indépendante. Ce à quoi des milliers de poitrines répondaient par des hourras sonores et reprenaient l’antienne musulmane : « Dieu est grand. »

 

« Explosions »… de joie

 

Puis les festivités de Benghazi prirent un tour plus guerrier. Les policiers se mirent à tirer dans les rues. Les insurgés déclenchèrent le tir de canons de 50, montés à l’arrière de pick-up, meurtriers pour les oreilles, histoire de tracer des courbes orange dans le ciel. Certains firent même exploser des bâtons de dynamite, de quoi générer des explosions fracassantes amplifiées en écho par toute la ville aux petites heures du matin du mercredi. « Les mots ne peuvent traduire ce que je ressens, exprime Abdel Bary, 25 ans, porteur de son fusil au cœur de la place. Alors, au lieu de parler, je fais cracher mon arme. »

 

Syrte, la ville kadhafienne symbole

 

La vaste distribution d’armes qui a suivi l’expulsion de Kadhafi de l’est libyen ne semble pas inquiéter les dirigeants de l’insurrection à Benghazi. À l’image des résidents, les membres du Conseil national de transition (National Transition Council) étaient bien trop occupés à brailler leur victoire. Le NTC revendiquait le contrôle de la quasi-totalité de Tripoli dès le mardi 23. Les forces armées loyales à Kadhafi, disent-ils, ont déposé les armes dans plus de 95 % du pays. Shamsiddin Abdulmolah, directeur des médias et de la communication du NTC, a annoncé que les rebelles avançaient également sur le front est, qui avait été la ligne la plus statique du conflit depuis des mois. « Nous progressons vers la ville ancestrale de Kadhafi, Syrte. Une fois qu’elle sera tombée, c’est tout le pays qui sera à notre main. »

 

Exécutions revanchardes probables

 

Les dirigeants de Benghazi avaient bon espoir que Syrte succombât avant la fin de la semaine. Ras Lanuf et Brega, deux sites stratégiques de raffinage, sont tombés entre les mains des insurgés le mardi 23, à en croire le NTC. Des reportages indépendants de journalistes à Tripoli et ailleurs faisaient état toutefois du maintien de poches de résistance. Et la crédibilité du NTC quant à l’information en provenance des fronts est remise en cause depuis l’apparition d’un rapport douteux sur la capture d’un fils de Kadhafi plus tôt cette semaine. Du coup, en modérant la portée de ses prévisions, le NTC parle désormais d’une guerre longue pour le contrôle complet de la Libye. Nombreux sont ceux, à Benghazi, qui s’attendent à ce que les fidèles Kadhafi poursuivent le combat, au besoin dans la clandestinité, sans perdre l’espoir de recouvrer le pouvoir. Les responsables du Conseil de transition ont d’ores et déjà dévoilé un plan agressif de prévention d’une prétendue « contre-révolution ». « Nous détenons une liste d’individus dans tout le pays restés loyaux à Kadhafi. Ils seront pourchassés et traduits en justice », a déclaré Abdulmolah. Le dirigeant espère que l’administration de la justice restera entre leurs mains, et non entre celles de factions rebelles, au sein de leur propre rang. « Nous nous attendons à quelques cas isolés d’exécutions revanchardes », dit-il, en évoquant le potentiel de violence de l’après-victoire. « Mais, ajoute-t-il, la grande majorité des combattants rebelles respecteront les ordres de leurs commandants tout au long de la chaîne de commandement. »

GlobalPost/Traduction adaptation JOLPress.

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