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Les Na Nachs, des religieux amateurs de musique électro

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Attachés à Tel Aviv

 

Tel Aviv, Israël. Si vous y avez déjà passé quelque temps, vous avez sûrement déjà rencontré les Na Nachs. L’apparition de ce groupe de Juifs ultraorthodoxes se manifeste toujours de la même manière : d’abord, le bruit sourd immanquable de la musique électro. Le son augmente alors que la source du bruit approche, une camionnette colorée, décorée d’autocollants et couronnée d’une paire d’enceintes énormes. La camionnette est pleine de jeunes hommes souriants aux cheveux longs, portant une barbe et arborant des vêtements blancs confortables ainsi qu’une kippa surmontée d’un pompon. À intervalles réguliers, la fourgonnette s’arrête et les hommes souriants s’en échappent, pour danser et tournoyer sur la musique.

 

Une pensée venue d’Europe

 

Vieux de quelques dizaines d’années, cette excentrique et insouciante « secte » semble gagner de plus en plus d’adeptes. Ils se réclament du judaïsme hassidique et suivent les enseignements d’un religieux kabbaliste qui connut de beaux jours il y a 200 ans en Ukraine, Rabbi Nachman de Breslev. Il constitue la base du mantra psalmodié dans les chansons et les prières et que les Na Nachs ont aussi imprimé sur leurs kippas : Na Nach Nachma Nachman Meuman.

 

Perpétuer l’œuvre de Nachman

 

En son temps, Nachman était perçu comme quelqu’un de « bizarre » mais, les années passant, ses disciples sont devenus de plus en plus conventionnels afin d’échapper à la persécution. Raabi Israël Ber Odesser – un mystique, maintenant décédé, qui pensait que Nachman lui envoyait des messages du ciel dans les années 1920 – a ravivé les principes fondamentaux de Breslov. Pendant un moment, il a gardé cette doctrine par-devers lui. Mais, dans les années 1980, il a commencé à rassembler des disciples et à voyager partout en Israël pour enseigner sa pensée et distribuer les livres de Rabbi Nachman. Odesser est mort en 1994, mais il a laissé derrière lui de l’argent, amassé grâce à des donations, afin d’aider financièrement à publier la littérature de Nachman. De nos jours, les Na Nach encaissent, lors de leurs voyages, des donations ou les ventes de livres – mais à prix coûtant –, pour compléter le financement de la publication.

 

Relativiser l’excentricité des Na Nachs

 

« De tout temps, les gens ont formé des groupes dissidents », explique Barry Freedman, un Na Nach américain qui a passé la majeure partie des années 1980 et 1990 en Israël, bien souvent dans des fourgonnettes afin de diffuser les enseignements de Rabbi Nachman. « Mais finalement, ces groupes dissidents finissent par s’assagir, et c’est quelqu’un d’autre qui se sépare alors de la masse ». Freedman s’est assagi lui aussi. Il a abandonné le style de vie itinérant des Na Nachs pour devenir vendeur en télécommunications dans le quartier financier de New York. Maintenant débarrassé des scories trop extravagantes du mouvement, il donne des cours une fois par semaine et transmet l’enseignement de Rabbi Nachman aux immigrants ukrainiens du sud de Brooklyn. Pourtant, Shaul Magid, professeur d’études religieuses à l’Université d’Indiana, a déclaré que, sans le soutien d’Israël, les Na Nachs ne seraient pas en mesure de se développer ailleurs.

 

Un mouvement en décalage

 

Contrairement à l’image typiquement conservatrice du judaïsme ultraorthodoxe – des hommes aux chapeaux noirs et en redingote, accompagnés de femmes en jupes longues avec une multitude d’enfants –, les Na Nachs offrent une image plus décontractéeEn tant que mouvement, Na Nach est très affectif, anti-intellectuel, non hiérarchique, et tend à attirer ce que d’aucuns considèrent des marginaux sociaux. Beaucoup d’entre eux n’ont pas d’emploi et passent une bonne partie de leur temps à voyager en Israël dans des camionnettes reconnaissables entre toutes, pour danser et vendre les livres de Nachman. Il n’existe pas vraiment de norme établie pour définir ce qu’est un véritable Na Nach.

 

Une multitude de profils

 

Ce mouvement inclut des adeptes qui ont grandi dans les quartiers pauvres de Tel Aviv, d’anciens punks et autres clubbers, d’anciens détenus et des hommes à peine sortis de l’armée israélienne qui sont devenus bouddhistes avant de se tourner vers le judaïsme. Certains, intéressés par le mouvement, ne se destinent pas nécessairement à devenir Na Nachs. Ce qui les attire demeure l’enseignement de Rabbi Nachman.

 

Les Na Nachs, critiqués et tolérés

 

« C’est une vraie contre-culture hassidique, comparable à Hare Krishna et à certaines adaptations du rastafarisme », définit Magid. « Je pense qu’ils ont été un punching-ball pour beaucoup de groupes, parce qu’ils ne sont pas conventionnels. » D’autres juifs religieux ont tendance à considérer Na Nach comme une plaisanterie et à rejeter le mouvement. Les Israëliens laïcs, eux, préfèrent les voir comme un mélange d’amusement, d’intérêt et de folie douce. Mais les Na Nachs croient profondément à la validité spirituelle de leurs chants, danses et prières pleins de joie.

 

Des valeurs fondamentales

 

Leurs croyances de base incluent la recherche constante du bonheur ou la prière intime à Dieu, comme une conversation avec un ami. Le facteur bonheur fait dire à beaucoup que les Na Nachs consomment des drogues (c’était vrai pour quelques-uns). Indépendamment de ce que les autres pensent d’eux, les Na Nachs continuent d’attirer de nouveaux adeptes, bien que leur absence de hiérarchie et de structure rende difficiles l’obtention de chiffres fiables. Comme les autres Juifs orthodoxes, les Na Nachs ont beaucoup d’enfants : de plus en plus d’adeptes sont donc élevés dès leur plus tendre enfance au sein de la secte.

« Il y a encore 40 ou 50 ans, Breslov n’était personne », dénonce Israël Blumenfeld, un expatrié américain qui a consacré la plus grande partie de sa vie à équiper les Na Nachs d’Israël d’une flotte de camionnettes ! « C’est assez incroyable de voir la différence aujourd’hui ».

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

 

 

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