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Lobsang Sangay, une figure atypique pour le nouveau gouvernement tibétain

Un parcours d’excellence

 

Lobsang Sangay est de ces personnes à qui tout (ou presque) semble réussir et dont l’histoire ressemble aux plus belles succes-stories à l’américaine : après que sa famille a fui le Tibet en 1959, Lobsang Sangay naît dans un camp de réfugiés au nord de l’Inde en 1968. Il mène toute son éducation secondaire dans l’école des réfugiés tibétains de Darjeeling avant de rejoindre l’Université de New Delhi où il obtient son Bachelor of Laws. Tout s’accélère lorsqu’en 2004, il obtient une bourse Fulbright, un programme d’excellence, qui l’autorise à poursuivre ses études de droit à Harvard : là, il obtient un doctorat en droit et un master of Laws d’HarvardLobsang Sangay se pose dès lors comme un expert incontournable, spécialiste du Tibet et du droit international relatif aux droits de l’homme.

 

Le nouveau Kalon Tripa

 

Au-delà de ce parcours académique exemplaire, Lobsang Sangay se lance dans des activités politiques : en 1992, il est modestement membre du comité exécutif du Congrès de la jeunesse tibétaine, une organisation non gouvernementale particulièrement active pour la défense du Tibet qui revendique près de 70 000 sympathisants tibétains en exil de par le monde. En avril 2011, sa carrière politique prend une nouvelle ampleur et s’accélère considérablement suite au vote de la communauté tibétaine en exil dans 30 pays qui le propulse avec 55 % des voix Premier ministre du gouvernement tibétain en exil. Ce processus s’achève le 8 août 2011 à 9 h 09 lorsque Lobsang Sangay, 43 ans, prête serment en présence du Dalaï Lama, devenant ainsi le nouveau « Kalon Tripa ».

 

Le poids de responsabilités toujours plus importantes

 

Cette nouvelle fonction prestigieuse implique des responsabilités considérables que renforce l’annonce du Dalaï Lama de mettre fin à son rôle politique pour se consacrer essentiellement à sa fonction de chef spirituel pour tous les Tibétains. Pour la première fois, le Premier ministre endosse une responsabilité politique particulièrement forte. Et le premier défi de Lobsang Sangay sera d’asseoir sa légitimité aux yeux des Tibétains alors que lui-même n’a jamais vécu et ne s’est même jamais rendu au Tibet ! Néanmoins, au vu du plébiscite du mois d’avril 2011, la tâche devrait se révéler aisée pour le nouveau Kalon Tripa : il incarne cette nouvelle génération de Tibétains en exil qui n’a jamais connu ni la Chine ni le Tibet.

 

Une passation de pouvoir nécessaire

 

Cet abandon du rôle politique de la part du Dalaï Lama était souhaitable et nécessaire pour faire taire les critiques de Pékin qui dénonçait un peuple tibétain asservi par un gouvernement religieux. Compte tenu de la situation politique particulièrement hostile entre la Chine et le Tibet, le Dalaï Lama, déjà âgé de 76 ans, devait envisager sa succession politique pour mettre en place, avant sa disparition, un leader légitime approuvé par son autorité suprême. Il s’agit d’un garde-fou essentiel contre toute intrusion agressive de Pékin dans la politique tibétaine lorsque disparaîtra le chef spirituel.

 

Lobsang Sangay, arbitre indirect du match États-Unis/Chine ?

 

Quel rôle devra jouer Lobsang Sangay entre les deux grandes puissances mondiales, la Chine et les États-Unis ? Devra-t-il faire pencher la balance vers l’une des deux puissances ou rester un arbitre observateur des forces géopolitiques à l’œuvre ? Du côté de la Chine, Lobsang Sangay marche dans les pas du Dalaï Lama en se faisant le défenseur d’une voie moyenne, c’est-à-dire en prônant une « autonomie significative » du Tibet sous administration chinoise, sans évoquer à aucun moment une possible indépendance. Mais lui qui a étudié et s’est formé aux États-Unis demeure un pur produit américain estampillé Harvard avec l’approche contractuelle du droit qu’implique une telle formation.

 

Tout l’objectif de Sangay est alors d’inventer sa propre manière de gouverner, dans l’intérêt de tous les Tibétains, pour ne pas devenir un instrument supplémentaire du soft power américain ni une marionnette entre les mains des Chinois.

 

Global Post/Adaptation JOL-Press

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