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Sacrifices sorciers et cannibalisme en guise de bulletin de vote…

Monrovia, Libéria – Une femme enceinte dont le fœtus avait été prélevé, a été retrouvée morte dans les eaux peu profondes du lac Pasteur.

 

Sacrifiés pour le pouvoir

 

Parmi les personnes jugées pour meurtre en 2009, se trouvent un candidat au Sénat du Libéria ainsi qu’un ancien procureur du comté de Maryland. Ce meurtre est le dernier d’une longue histoire de sacrifices rituels accomplis pour le pouvoir politique au Libéria. Dans ce cas du sud du comté de Maryland, les procureurs ont été prévenus par un sorcier : il avait fourni une liste de 18 personnes qui seraient liées à l’assassinat. Y figurent notamment les noms de Yancy Fulton, l’ancien procureur du comté, envoyé spécial du président Ellen Johnson Sirleaf, et l’ambassadeur itinérant Dan Morias. Des fioles de sang ont été découvertes dans la maison de Yancy Fulton. Neuf personnes ont été accusées d’assassinat, mais ont été libérés en juillet sur décision de la Cour suprême.

 

Augmentation des sacrifices pendant les élections

 

Selon Jérôme Verdier, ancien président de la Commission de la vérité et de la réconciliation du Libéria (Truth and Reconciliation Commission – TRC), les assassinats ont tendance à éclater à l’approche des élections qui auront lieu plus tard cette année. « Malheureusement, ça arrive pendant le temps des élections parce que les gens sont en compétition pour le pouvoir politique, ils ne connaissent pas Dieu et croient que ces pouvoirs surnaturels viendront à eux une fois le sang humain répandu », a expliqué Jérôme Verdier. Durant les audiences, la TRC a découvert qu’au cours des deux décennies de guerre civile libérienne, des centaines de personnes ont été tuées à des fins rituelles. « Lors de nos recherches à la TRC, nous avons découvert que cette effusion de sang était très, très commune pendant le conflit. Les personnes tuées étaient indistinctement des femmes et des enfants. Leurs bourreaux y puiseraient un certain pouvoir pour continuer à se battre, protégés », dixit Jérôme Verdier.

 

Le comté de Maryland, plaque tournante de meurtres rituels

 

Le comté de Maryland au Libéria a traditionnellement été la plaque tournante de meurtres rituels du pays. Les meurtres ont hanté le comté du sud-est depuis des décennies. Ces rituels sévissent toujours, ces dernières années, des cas de rituels meurtriers ont surgi à travers le pays. Jérôme Verdier précise qu’à l’audience de la TRC, certaines personnes, à travers leurs confessions, ont donné les comptes de rituels meurtriers qu’ils ont réalisés. « Les gens sont allés jusqu’à manger le corps de leur adversaire – quand il est tué au combat, ils préparent son corps pour l’ingérer, persuadés que l’esprit, l’esprit puissant de cette personne, viendra à eux, et qu’en le mangeant, le pouvoir de la personne est complètement détruit, il ne peut donc n’y avoir aucune réapparition de la lignée familiale de cette personne ou de sa lignée ethnique. » Un ancien chef de guerre qui se fait appeler « Général Cul-Nu », qui s’est battu contre l’ancien dictateur libérien Charles Taylor, a avoué en 2008 avoir pris part à des sacrifices humains avec meurtre d’enfant, « lui avoir arraché le cœur, l’avoir divisé en morceaux afin que nous le mangions ».

 

La justice par la pendaison

 

En 2005, le chef du gouvernement de transition du Libéria, Gyude Bryant, a promis de pendre toute personne jugée coupable d’un meurtre pour rituel. Dépêchée sur le comté de Maryland par la présidente Johnson Sirleaf pour calmer les craintes des résidents plus tôt cette année, la ministre de la Justice Christiana Tah a reconnu « qu’il demeure encore beaucoup de cas non résolus de cette nature », selon un rapport publié dans le quotidien néo-démocrate.

 

Des notables présumés impliqués

 

Dans une affaire datant des années 1970, dite des « Meurtres Maryland », sept personnes, dont Allen Fulton, le frère aîné de Yancy Fulton, membre de la chambre des représentants, ont été pendues pour avoir tué un pêcheur. L’année suivante, le ministre de la Défense, D. Gray Allison, a été reconnu coupable du meurtre d’un policier dont le corps a été découvert sur le chemin de fer de Bong Mines, apparemment utilisé dans un sacrifice rituel. Dan Morias, l’un des accusés de l’assassinat en 2009 d’une femme enceinte, prévoit de se présenter aux prochaines élections législatives sénatoriales d’octobre. Il a maintenu que les accusations portées contre lui sont politiquement motivées. Il doit cependant en être relaxé s’il veut se présenter aux élections. Dan Morias apparaît dans le rapport de la TRC pour abus présumés commis alors qu’il était ministre de l’Intérieur sous le régime de Charles Taylor. Contacté par GlobalPost, Dan Morias a précisé qu’il ne pouvait pas commenter l’affaire, car ses propos seraient « préjudiciables », mais il a insisté sur l’idée que les preuves contre lui – le témoignage d’un sorcier – étaient faibles.

 

Interdire l’ordalie

 

Plus tôt cette année, la présidente Johnson Sirleaf a lancé un avertissement contre les citoyens du comté de Maryland qui cherchaient à se venger contre des tueries par une pratique traditionnelle appelée « sassywood » ou « ordalie » (ou jugement de Dieu). Le gouvernement insiste pour que l’ordalie soit illégale, Ellen Johnson Sirleaf en a interdit la pratique en avril 2007. Depuis lors, les chefs traditionnels sont allés plaider auprès du gouvernement pour que la mesure soit rapportée : c’est, à leurs yeux, la seule façon de rendre la justice dans de tels cas. « Sassywood » consiste à plonger les extrémités des membres d’un accusé dans de l’huile chaude, ou de passer un métal chauffé sur le corps d’un suspect. Si le suspect est brûlé, alors il ou elle est coupable. En l’absence de marque, il ou elle est présumé(e) innocent(e) et libéré(e). Les coupables sont exécutés. La police travaille à éradiquer les meurtres rituels et le « sassywood », a confirmé George Bardue, porte-parole de la police nationale du Libéria : « La police fait tout son possible pour s’assurer que ces choses n’arrivent pas. »

 

Emily Schmall est une journaliste multimédia maintenant basée à Monrovia, au Libéria, où elle sert en tant que directeur pays Nouveaux Récits, un projet de mentorat en journalisme pour les femmes. Wade Williams est un compatriote du Nouveau Récits et rédacteur au FrontPage Afrique, journal le plus distribué au Libéria.

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

 

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