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Un week-end « normal » de missiles et manifs

Jérusalem. Tout a changé cet été : 20 000 manifestants dans les rues qui protestent contre leurs conditions de vie tandis que deux missiles frappent le sud du pays, rien de plus normal, le non-événement !

Désormais, un week-end « RAS » en Israël ne se traduit que par des missiles tirés depuis Gaza, des tensions à la frontière sud avec l’Égypte, de discrètes manœuvres diplomatiques et – mais oui, il dure – un mouvement social de protestation qui n’en finit pas.

 

Contre le logement cher

 

Les manifestations d’ampleur qui ont impliqué pour la première fois ce week-end la ville de Katzrin, sur les hauteurs du Golan, visent à dénoncer la cherté exorbitante du logement et à soutenir les droits des locataires. Les manifestants se sont répandus dans tout le pays chaque samedi soir depuis six semaines, ils ont fait fleurir des dizaines des campements de tentes dans les centres-villes, un peu partout. Le plus grand défilé – une marche d’un million de personnes dans cette nation de 7 millions d’habitants – est prévu au cours du week-end des 3 et 4 septembre. Le rassemblement du samedi 27 août, le plus densément suivi à Tel-Aviv et Jérusalem, intervient après une brève accalmie due à la mort, une semaine plus tôt, de huit personnes au cours d’une attaque terroriste dans la ville d’Eilat, près de la mer Rouge.

 

Squats : la police laisse faire

 

Les leaders du mouvement qui avait montré des signes de divisions cette semaine, sont repartis de l’avant et ont diversifié la nature des actions sociales. Les ministères impliqués dans le logement font l’objet désormais d’installations régulières de piquets de grève à leur proximité, fort bruyants, et de jeunes activistes ont forcé la mise le week-end précédent en squattant des immeubles vides, propriétés municipales à Tel-Aviv et à Jérusalem. La troisième action de cet ordre au fil d’un mouvement engagé depuis si longtemps ajoute au cri unanime de tout un pays, cri qui ne cesse de s’enfler contre le manque d’habitations abordables en Israël. Elle a marqué spectaculairement le point de départ d’une rupture dans le mouvement qui s’était jusqu’alors rigoureusement inscrit dans le respect des lois et des tolérances policières. Le premier groupe de squatters fut délogé par la police. Le 27 août, les deux autres ne furent pas inquiétés.

 

Nétanyahou mise sur le comité de conciliation…

 

Cette semaine, le comité mis en place par le Premier ministre Benjamin Nétanyahou pour répondre aux exigences des manifestants a entamé ses premières réunions publiques, mais il s’est trouvé confronté aux leaders du mouvement : ils ont demandé la démission du président du comité, un professeur de l’Université de Tel-Aviv, Manuel Trajtenberg. À l’heure actuelle, impossible de dire si le comité va trouver un consensus public, ou bien s’il sera balayé par la clameur de la foule.

 

… mais pas sur l’échange du soldat Shalit

 

Comme s’il soulignait l’inefficacité de Nétanyahou telle que la ressent le public, le 25e anniversaire de Gilad Shalit, le soldat israélien kidnappé par le Hamas et détenu à Gaza depuis six ans, a été célébré le dimanche 28 août. Pour la première fois, son père, Noam Shalit, se joignit aux rassemblements populaires, même s’il ne put trouver en lui-même la force de s’adresser directement à son fils absent, comme il le fit en d’autres occasions. Au lieu de quoi, il s’en prit, à Tel-Aviv, à Nétanyahou, jusqu’à accuser le dirigeant de se montrer « indigne de sa position s’il renonçait en raison des contreparties au retour d’un soldat ».

 

3 septembre, marche ou crève

 

Plus de 6 000 manifestants se sont rassemblés devant la résidence de Nétanyahou à Jérusalem au cours de la nuit de samedi, tout autour de la tente où vivent depuis près de 18 mois les parents de Gilat. La marche humaine du million de manifestants, appelée à se tenir le 3 septembre, qui semblait remise en cause il y a encore quelques jours, est désormais considérée comme la mesure de l’enracinement du mouvement de protestation sociale et de sa pérennité. Le nombre relativement réduit des manifestants du dernier week-end a valu une floraison d’articles pour le moins sceptiques sur la vigueur du mouvement de la part des médias israéliens. Pour l’ancien ministre de l’Infrastructure et du Travail, Isaac Herzog, membre du Parlement, la pause pourrait avoir pour cause la préparation de la rentrée scolaire, « la fin des vacances d’août et une valse-hésitation naturelle ».

 

Remettre en cause le traité de paix entre l’Égypte et Israël

 

Itzik Shmuly, président de l’association des étudiants de l’Université israélienne, qui fut très actif au sein du mouvement né cet été, dit ne pas se montrer déçu par l’état de la situation : « On n’en est pas à compter les têtes, on est engagés dans un marathon. » En Égypte, au sud d’Israël, une manifestation dénommée à son tour la « marche du million de gens », est appelée à se tenir vendredi 2 septembre, dernier jour du ramadan, pour protester contre la présence de l’ambassadeur d’Israël au Caire et, de façon plus significative, pour exiger des amendements au traité de paix signé il y a 30 ans entre les deux pays.

 

« Un traité qui n’a rien de sacré… »

 

Même si un millier de personnes seulement s’étaient rassemblées devant l’ambassade israélienne à Gizeh, les mots d’ordre revendicatifs, impensables sous la chape de plomb d’Hosni Moubarak, avaient causé un profond émoi à Jérusalem. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil el-Araby, ancien ministre égyptien des Affaires étrangères, avait soufflé sur les braises en expliquant à la télévision Al-Arabiya que le traité de paix « n’avait rien de sacré, qu’il n’était ni le Coran ni la Bible ».

 

À l’Est, rien de nouveau

 

Et pendant ce temps, à Gaza, le Jihad islamique annonçait la levée du cessez-le-feu égyptien pour mettre un terme à la pluie de quelque 60 missiles lancés depuis Israël la semaine passée, attaque qui s’était soldée par 30 blessés. Dès le jeudi, 15 missiles avaient atteint le sud d’Israël et la situation était restée tendue tout le week-end, même si le climat semblait s’apaiser. Au matin du vendredi, un bombardement de la force aérienne israélienne avait tué deux dirigeants du Jihad à Gaza. Et le vendredi soir, le cessez-le-feu fut rompu par le tir de deux missiles sur le territoire israélien.

Missiles, manifs : tout est normal en Israël.

 

GlobalPost/Adaptation JOLPress

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