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Vulcan : the « place to be » pour les fans de Star Trek

Vulcan, Canada. À voir les silos de grain, les voies ferrées rouillées et l’horizon qui s’étend sur le plat paysage des prairies canadiennes, on a bien du mal à y discerner quelconque élément de science-fiction. Pourtant, la petite ville de Vulcan, avec sa population de 1 900 habitants, dans la région d’Alberta, est devenue en l’espace de peu de temps La Mecque des fans irréductibles de Star Trek.

 

Vulcan, lieu de pèlerinage

 

Face à la perspective de disparaître dans un trou noir économique au début des années 1990, la ville du Far West canadien, qui ne compte qu’un seul cheval, a décidé de tirer profit de son nom venu d’un autre monde – celui de la planète Vulcain de Star Trek, bien sûr. Les résultats se sont révélés pour le moins surréalistes. Ils viennent désormais des quatre coins de la planète pour rendre hommage chaque année aux reliques de Star Trek, comme la paire d’oreilles de Spock conservées dans une vitrine du principal lieu de culte de la ville, ou cette station spatiale immaculée amarrée de manière incongrue le long d’une interminable autoroute isolée.

 

Spock, les oreilles emblématiques de la télévision

 

La fameuse paire d’oreilles est prêtée par Leonard Nimoy, l’acteur désormais emblématique qui incarnait Spock à l’écran. Pas loin de là, un fan enthousiaste raconte à qui veut l’entendre que l’acteur aurait tellement souffert avec ces oreilles postiches qu’il aurait exprimé le souhait de se faire tailler les oreilles en pointe chirurgicalement. « La preuve qu’il était prêt à aller très loin ! », s’extasie un habitant, Quel’Iv Satir de son prénom, qui déploie ses larges yeux sous son front strié de latex. C’est un Klingon, un extraterrestre originaire de la planète Kronos, d’où son nom et son déguisement.

 

Une ambiance bon enfant

 

Le festival annuel organisé dans la ville comprend un certain ombre d’événements extravagants tels qu’un défilé de rue de cow-boys à cheval, de fermiers sur leurs tracteurs, de joueurs de cornemuse portant un kilt et de porteurs du traditionnel chapeau marocain de Fez. Des ambassadeurs qui ne donnent guère le ton d’un festival de science-fiction, mais déjà quelques oreilles pointues et des visages grimés de vert se mêlent à la procession.

 

Des fans de tous les horizons

 

De toute façon, les visiteurs s’amusent bien trop pour se soucier du caractère hétérogène du défilé. Pas plus que les essaims d’enfants fondant sur les bonbons jetés sur les trottoirs. Les créatures de l’espace ne manquent pas durant le festival. Pour autant, tous les fans ne se repèrent pas à leurs costumes. Il n’est qu’à voir les trois femmes au foulard à pois affublées de vieux vêtements de fermier qui regardent la parade. Voyageuses dans le temps ? Il s’avère qu’elles sont en réalité huttérites, membres d’une secte anabaptiste fondée au xvie siècle en Europe, dont les membres ont fui la persécution pour se tourner vers la tranquillité des prairies américaines.

 

Un public hétéroclite

 

« Nous sommes venus ici pour voir Spock », annonce l’une d’entre elles avec un fort accent allemand (les huttérites parlent encore leur vieux dialecte tyrolien). Mais les apparences sont trompeuses. Même si elles donnent l’impression de vivre à une autre époque, les trois femmes collent en réalité parfaitement avec la tendance science-fiction du festival. Ces cinq dernières années, leur colonie entière, dans leur village tout proche de Milo, s’est prise de passion pour Star Trek, dévorant des heures et des heures d’anciens épisodes. On rencontre même beaucoup d’huttérites dans le centre-ville, à la recherche de manifestations autour de Star Trek.

 

Des invités de marque

 

L’acteur Garrett Wang, qui interprétait le rôle d’Harry Kim dans Star Trek : Voyager apporte la touche Los Angeles manquante au festival. Il gesticule dans tous les sens, passe d’un événement à l’autre, l’œil attiré par les femmes arborant l’uniforme de Starfleet, l’institution chargée de la défense de l’espace dans la série, avec leurs hautes bottes jusqu’aux genoux. Le sémillant acteur inaugure l’empreinte de sa main reproduite sur la façade de la boulangerie qui donne sur l’artère principale de la ville. « Il n’y a vraiment aucun autre endroit de ce genre en Amérique, dit-il, sinon, eh bien, peut-être Roswell… »

 

Un monde à part

 

Pour de nombreux fans, ce festival constitue une utopie en miniature. Pam Linton, qui dirige un fan-club Star Trek, vient à Vulcan depuis seize ans. Qu’est-ce qui la fait revenir ? « La philosophie. Aucun souci de la vie quotidienne ne nous rattrape. Si seulement, dans la vraie vie, tout se passait comme dans Star Trek… », soupire-t-elle. Son mari, Mike, apprécie le côté artisanal, un peu bricolé, de l’événement, tout comme le sentiment d’égalité : les fans et les acteurs qui viennent assister au festival sont invités à se mélanger les uns aux autres. « Vous pouvez toujours parler aux acteurs et même faire la fête avec eux. Nous ne les harcelons pas. Nous leur parlons comme s’il s’agissait de gens ordinaires. »

 

Difficile retour à la vie réelle

 

Une fois les grands soirs terminés, un léger sentiment de découragement tombe sur la ville. Certains traînent dans le centre-ville, à proximité des stands de tatouages dédiés à Star Trek, des vendeurs de hot-dogs ou de livres d’occasion. Les jeunes de la région semblent reprendre leurs droits sur la ville. Une voix sans passion s’élève dans l’air froid et humide. Une femme exprime en klingon son espoir de voir venir l’acteur canadien William Shatner, alias Capitaine Kirk, l’année prochaine.

 

Sauver Vulcan

 

Star Trek a sauvé cette petite ville – dont le nom évoque le dieu romain du feu, en français Vulcain – et a vaincu son déclin économique. La fondatrice de l’événement, Grace Klitmoller, se souvient que la ville comptait bien des sceptiques dans les premiers temps. Imperturbable, elle a tenu bon en lançant des manifestations telles que le rodéo-Spock ou la mise en service d’une reproduction de vaisseau spatial, avec des messages de bienvenue rédigés en anglais, en vulcain et en klingon, pour attirer un plus grand nombre de visiteurs. Finalement, une première canadienne ratée du film Star Trek XI a attiré la sympathie de l’acteur Nimoy (Spock) qui a vraiment mis un point d’honneur à visiter la ville en 2010.

 

Le western de l’espace

 

Créer un foyer spirituel de la science-fiction au pays des cow-boys canadiens a pu passer pour une idée saugrenue au début. Pourtant, d’une manière étrange, le projet fait sens. Comme les fans inconditionnels de Star Trek sont désireux de le souligner, la série a été présentée, dans les années 1960, comme un western dans l’espace intitulé Wagon Train to the Stars (« Le convoi de chariots de l’espace »). Logique, comme pourrait le dire Spock.

 

Global Post / Adaptation JOL-Press.

 

 

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