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À Karachi, la terreur frappe à la maison

Une terrible nouvelle

Hier matin, quand j’ai ouvert mon ordinateur portable à New Delhi, où je vis maintenant avec ma famille, j’ai vérifié mon compte Facebook comme chaque jour.

Habituellement, je parcours les commentaires et actualités de mes amis. Mais aujourd’hui, un ami de Karachi avait mis à jour son statut : les kamikazes ciblent la résidence du Criminal Investigation Department (CID, Département des enquêtes criminelles) sur ​​la 32e rue. J’ai ressenti une douleur sourde et incommensurable. Comment est-il possible qu’une attaque de kamikazes survienne dans la rue même où habitent ma mère, mon frère et ma belle-sœur ?

Un quartier résidentiel pris pour cible

L’Autorité de défense des logements, où l’attaque s’est produite, est une maison d’un quartier huppé où vivent de nombreux dignitaires et membres de l’élite de Karachi. Les maisons de ce quartier résidentiel sont dignes de châteaux forts, avec des murs et des portes en bois d’une hauteur vertigineuse.

La maison de ma mère est située à l’extrémité ouest de la 32e rue. Je me trouvais là-bas il y a encore trois mois pour la réalisation d’un documentaire sur la danse classique au Pakistan.

En découvrant le post de mon ami ce matin, j’ai sauté sur mon téléphone et me suis mise à trembler. Le temps m’a paru une éternité avant que ma mère ne décroche… D’une voix calme elle me rassura, « Tout est OK ».

295 kg d’explosifs dans une voiture

Les talibans ont déjà revendiqué l’attentat qui visait le chef de l’unité antiterroriste du département d’enquête criminelle, Chaudhry Aslam. Il a enquêté sur d’innombrables affaires où sont impliqués les talibans, et il a affirmé avoir reçu des menaces de la part du Tehrik-e-Taliban, le groupe qui a revendiqué l’attentat de ce jour.

Le kamikaze avait chargé plus de 295 kg d’explosifs dans sa voiture avant de se jeter sur la porte de la maison du policier. Au moins huit personnes ont été tuées. Aslam a survécu.

Un cratère rempli de lambeaux humains

L’attaque a laissé un cratère de huit mètres de profondeur. En son centre, des corps démembrés, éparpillés. Toutes les vitres des maisons et des bâtiments aux alentours ont explosé.

Le bilan est désastreux, les six policiers qui gardaient la résidence sont morts, tout comme une mère et son fils de douze ans qui étaient à proximité, près d’une école.

Ceux qui sont décédés aujourd’hui ne faisaient pas partie des cibles habituelles des combats entre le Pakistan et les talibans. En touchant l’élite de Karachi, les terroristes visent, aujourd’hui, une nouvelle cible.

Viser des enfants

Depuis que le Pakistan s’est uni à la guerre américaine contre le terrorisme il y a 10 ans, je n’ai, personnellement, connu aucune des milliers de victimes de ce combat.

Que ce soit avec les frappes de drones dans la vallée de Swat ou à coups d’attentats suicides sur les places publiques et dans les sanctuaires, jamais ils n’ont attaqué de si près des maisons ou des quartiers résidentiels.

Je n’avais jamais vraiment eu peur. Mais aujourd’hui, tout a changé, et, malheureusement, il n’y a que peu de chances que la situation s’améliore dans les semaines qui viennent.

Dans le cas d’aujourd’hui, la mère et l’enfant ont été les victimes d’un « dommage collatéral ». Mais les militants talibans s’en prennent désormais directement aux enfants. Par exemple, la semaine dernière, des militants ont tendu une embuscade à un bus scolaire en dehors de Peshawar dans le nord-ouest du Pakistan, ils ont ouvert le feu et abattu quatre enfants.

Il y a douze jours, 23 personnes ont été tuées à Quetta dans un attentat que les talibans ont revendiqué comme la vengeance de l’arrestation d’un chef d’Al-Qaïda. La dernière attaque sur les bureaux du CID à Karachi remonte à novembre 2010, quand une voiture piégée a tué au moins 30 personnes.

Des relations tendues et instables

Le Pakistan n’a pas de ressources mais seulement quelques amisÀ l’est, avec l’Inde, nos relations sont regrettablement instables, malgré une grande possibilité d’échanges, de collaborations et de réseaux commerciaux. À l’ouest, l’Afghanistan, avec qui nous avons collaboré une fois pour soutenir les talibans qui nous attaquent aujourd’hui. Dans le nord, même en Chine, les relations semblent tendues. À l’intérieur même du pays, nous sommes une nation malheureusement divisée. Nous ne sommes pas stables dans notre choix de système politiqueNous sommes attachés à un système féodal, mais nous prétendons à une démocratie. Nous avons une armée très puissante, mais un président que le peuple traite d’escroc.

La grande majorité du Pakistan, 160 millions de personnes, ne supportent pas de vivre dans la terreur. Et malgré notre volonté de trouver la paix, nous n’arrivons pas à trouver le soutien extérieur qui nous donnerait la force de lutter efficacement contre ce fléau qui terrorise le pays.

 

Global Post/Adaptation Pasqualine Nelh – JOL Press

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