Site icon La Revue Internationale

Ce jour-là, Syrte n’est pas tombée

[image:1,l]

Syrte, Libye. Les insurgés de l’ouest libyen ont investi Syrte au prix de trois attaques massives le samedi 24 septembre. Elles étaient la suite logique de quatre journées au cours desquelles les révolutionnaires avaient mené des escarmouches destinées à évacuer le maximum des civils de la ville.

Selon Mustafa Stewi, l’un de ces civils syrtiens, 65 % de ses co-résidents sont encore chez eux, même si quelque 200 familles se sont massivement exfiltrées ce jour-là. Mais c’est sans attendre que le flux des Syrtiens en fuite ne se raréfie, comme l’avait prévu le chef des opérations, Osama Swecki, que les brigades Misrata pro-Kadhafi sont passées violemment à l’attaque au matin du samedi. Pour Swecki, il leur fallait absolument tenir une position de force dans la ville pour la garder sous contrôle, ce que les insurgés avaient déjà subi à Syrte. Rappelons-le, elle est la ville de résidence de l’ex-leader libyen, Mouammar Kadhafi.

La guerre des douches

C’est un autre chef de l’attaque, Mohammed Ahmed Asawai, du haut de son lourd véhicule hérissé d’antennes, qui laisse entendre que ses homologues et lui avaient décidé de cet assaut surprise la veille. Son argument : les soldats restés fidèles à Kadhafi avaient pris les civils en otages. Il fallait donc foncer.

Pourtant, l’un des attaquants, blessé à la main par un éclat de grenade, a sans doute livré un témoignage plus proche de la réalité : « Je n’avais pas pris de douche depuis 15 jours. Il fallait bien que ça finisse. » Quoi qu’il en soit, cette attaque pour le moins désordonnée a permis aux insurgés de gagner quelques kilomètres. Au prix fort : la mosquée transformée en hôpital de guerre a vu un afflux de blessés l’envahir. En début d’après-midi, les médecins militaires ont fait état de 30 blessés, dont 10 sérieusement atteints. Une noria d’ambulances s’est mise à transporter les combattants touchés vers un autre hôpital distant de 40 kilomètres, d’où quatre hélicoptères ont emmené les cas critiques vers un bloc à Misrata. Au final, en fin d’après-midi, le conseil militaire de Misrata a fait état de 7 soldats anti-Kadhafi tués, et de plus de 145 blessés.

Ouvrir la voie au lance-roquettes

C’est rue du 1er-Septembre, l’un des accès majeurs à Syrte, que les combats ont particulièrement fait rage. Les assaillants ont investi la ville sous une pluie de lance-roquettes et de snipers. Des centaines de pick-up équipés de canons de DCA ont labouré la rue, canons en avant, crachant le feu. Une mosquée, repérée une semaine plus tôt comme le siège d’un sniper, offre désormais le spectacle d’un bâtiment constellé d’énormes trous dus aux projectiles.

Camouflées sous la fumée des tirs, des poignées d’attaquants se sont offert de solides casse-croûte dans des boutiques désertées, quand d’autres sillonnaient la ville, en tongs, leurs AK-47 sur l’épaule, le canon dirigé vers les zones de combat.

La tactique habituelle des anti-Kadhafi ? S’ouvrir la voie à coups de canons de DCA et de 106 contre les positions des tireurs embusqués, puis de repartir vite recharger les canons pendant que les fantassins, avec leurs armes légères, prennent le relais, pour arroser le même immeuble. On a, semble-t-il, renoncé à investir les à-côtés faute de connaître le voisinage : les snipers peuvent se cacher n’importe où dans les habitations adjacentes, ou bien les tirs pouvaient être occasionnés par une seconde attaque destinée à s’assurer du contrôle d’une route côtière du nord. Quelques soldats ont alors remonté le mitan de la rue en l’arrosant de roquettes, filmés par leurs compagnons en retrait à l’aide de leurs smartphones. Des équipes se relaient pour alimenter les chargeurs des lance-roquettes de munitions grosses comme le bras, sous les tirs assourdissants des canons lourds.

« Shahid »

Cette nouvelle attaque aura été la plus violente que les résistants de Misrata auront subie depuis que leur ville est assiégée. « Sans doute la plus lourde, après celle de Tripoli », estime Farouk, un chauffeur du coin. Les abords de l’hôpital de Misrata étaient envahis par des centaines d’hommes venus alourdir la liste des blessés et des morts. D’autres se pressent autour des ambulances qui se fraient un passage sur la voie d’accès de l’entrée des urgences. À chaque fois qu’un cercueil de bois sort de l’hôpital, « Shahid », crient les poitrines, « Martyr ».

Quitter la version mobile