L’homme est « international », à l’image des footballeurs pros : ce triple champion d’Angleterre avec Chelsea est en outre le capitaine de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire. Mais Didier Drogba, 33 ans, se lance un nouveau défi, sur le terrain toujours, mais en Afrique : en s’alliant à une mission diplomatique, « Gbagbadè » veut contribuer à promouvoir la paix et la réconciliation en Côte d’Ivoire.
Une Commission pour réunir le pays
Le footballeur fera partie des 11 membres d’une commission réunie pour faire la lumière sur les violences post-électorales, et évoquer les moyens utiles à réconcilier les Ivoiriens divisés depuis le conflit entre les partisans du président sortant et non réélu, Laurent Gbagbo, et les troupes du président reconnu par la communauté internationale, Alassane Ouattara, qui avait dégénéré en véritable guerre civile cette année. La star internationale aura pour rôle officiel de représenter les Ivoiriens de l’étranger. Mais la présence de Drogba revêtira également une dimension symbolique très importante.
« Cette une question de patriotisme. J’aime mon pays et je veux contribuer à la réconciliation, a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse à Londres. Je ne pouvais pas refuser, parce que j’aime beaucoup la Côte d’Ivoire et le pays a tellement souffert. » Aux côtés du président la Commission, l’ancien président de la Côte d’Ivoire Charles Konana Banny, la star de Chelsea a livré son credo : « Nous voulons la paix, nous voulons que le pays avance, se développe, et je veux en faire partie. »
Héros national
Un rôle surprenant pour un footballeur ? Pas tant que ça : Didier Drogba est une icône du football en Côte d’Ivoire. Sa popularité, qui transcende les divisions politiques, apportera sans doute un poids supplémentaire à la Commission.
Joueur de foot, Drogba a toujours pensé « Côte d’Ivoire ». Après ses débuts en équipe nationale en 2002, il a emmené le pays en finale de la coupe d’Afrique des nations en 2003. C’est capitaine, qu’il l’a représenté au Mondial 2006 en Allemagne.
Le 4 juin 2010, Drogba est de nouveau « mondialiste ». Mais amer : il envisage un temps de déclarer forfait à cause d’une blessure au bras droit. Mais sa personnalité de combattant a eu raison du handicap : finalement, il se fait opérer, une semaine plus tard il est sur pied pour le premier match de la Coupe du monde, au cours de laquelle il deviendra le premier joueur africain à marquer un but contre le Brésil en phase finale.
Un « héros », Drogba l’est officiellement : il apparaît sur la couverture de Time du 10 mai 2010. Le magazine l’a sélectionné parmi les 100 personnalités les plus influentes de la planète, et classé 10e dans la catégorie « Héros » !
Un joueur engagé
En 2007, le « héros » crée la Fondation Didier Drogba afin d’apporter un soutien concret à la population africaine en termes de santé et d’éducation. Véritable star en Angleterre et à l’étranger, le footballeur organise des galas pour récolter des fonds. Et il y met su sien : tous les bénéfices de son livre C’était pas gagné et de son DVD L’Incroyable destin ont été intégralement reversés à la Fondation.
La lutte contre la pauvreté n’est pas la seule cause à laquelle Drogba ait prêté sa célébrité. En 2010, il participe à une campagne pour lutter contre les idées reçues liées au sida, en grande partie à destination des migrants d’Afrique subsaharienne. Drogba joue le rôle de porte-parole de la campagne. Il apparaît partout, à la télévision, dans des vidéos et sur des affiches.
Après le foot, une carrière politique ?
À 33 ans le moment approche, pour le triple champion d’Angleterre, de se tourner vers un autre avenir que le foot. Poursuivre son action caritative ? Ou peut-être une carrière politique ? Une chose reste sûre : la notoriété de Drogba et son engagement moral manifeste le désignent comme candidat idéal pour jouer un rôle politique en Afrique. Après tout, être invité par le président à participer à une Commission nationale, formée d’experts, n’est pas donné à n’importe quelle célébrité – et signifie toute l’importance du joueur sur sa terre natale.
Il ne serait pas le premier footballeur africain à s’engager en politique. En 2005, l’ancienne superstar du PSG, de Chelsea, et du Milan AC, George Weah, a récolté 40 % de voix à l’élection présidentielle au Liberia, et vient d’annoncer la formation d’une coalition politique en vue de la prochaine élection présidentielle prévue pour octobre 2011.
L’unité nationale, un défi de taille
Mais pour le moment, le défi qui se pose au président Alassane Ouattara, et à la population ivoirienne tout entière, n’est pas uniquement politique. La Commission Dialogue, vérité, et réconciliation (CDVR), instituée par un décret en juillet 2011, aura pour tâche de tourner la page en Côte d’Ivoire, et d’apaiser la tension entre les deux factions politiques du pays, les partisans de Laurent Gbagbo et ceux du nouveau président Ouattara.
Lors de la cérémonie d’installation de la Commission, Ouattara a demandé à chacun, qu’il soit parti politique, entité militaire ou société civile, d’apporter une « participation massive » à la réalisation de la paix et à l’unité nationale. C’est donc avant tout en sa qualité de citoyen ivoirien que Drogba s’implique aujourd’hui.
GlobalPost/Adaptation Jack Fereday – JOL Press