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Flamands et Wallons vers un compromis ?

Un pays aux langues fourchues…


Bruxelles, Belgique. Il détient déjà le record de la crise la plus longue du gouvernement, 463 jours sans une administration qui fonctionne. Et maintenant, Yves Leterme s’apprête à décrocher le record d’un des gouvernements les plus étranges du monde.


Mercredi matin 21 septembre, le pays, linguistiquement divisé, semblait carrément courir à la rupture, après l’échec des pourparlers autour des querelles entre Francophones et Néerlandophones.


Le négociateur en chef, Elio di Rupo, se désolait : « C’est une impasse, l’avenir du pays est en jeu. »


Démission malvenue


Les sérieuses craintes d’une division définitive du pays pourraient bien précipiter la fin des vacances en France du roi Albert II. Le monarque devrait revenir d’urgence pour négocier le maintien de l’unicité de son royaume.


Yves Leterme, qui a maintenu à bout de bras comme il le pouvait le pays depuis sa défaite aux élections de 2010, a annoncé qu’il démissionnait pour occuper un poste dans une organisation internationale à Paris.


La fin de la Belgique semblait proche. D’où l’interrogation de Béatrice Delvaux, rédactrice en chef du journal quotidien Le Soir : « Comment pouvons-nous demander aux Belges de croire en leur pays lorsque leur Premier ministre démissionne ? »


Accord inespéré


À la demande du roi, Di Rupo, le flamboyant chef de file du Parti socialiste francophone, a arraché un accord aux sept autres partis.


Après des dizaines de négociations et des nuits sans fin, les Belges avaient peu d’espoir. Lorsque minuit sonna dans la nuit de mercredi, l’équipe de Di Rupo annonça une avancée significative.


Une question vieille de 40 ans


Un accord avait été conclu sur une question qui tourmente la politique belge depuis 40 ans : les droits de vote accordés aux Français installés officiellement à la périphérie de Bruxelles, mais néerlandophones.


Un peu mystérieux vu de l’extérieur, cet accord aura été le point déterminant du compromis obtenu entre politiciens des deux côtés de la barrière linguistique belge.


Le compromis a déclenché un immense soulagement. Toutes les unes des journaux sont parties sur cette nouvelle, qualifiée d’« historique ». Les partis qui ont perdu l’élection de 2010 se sont ligués pour soutenir le vainqueur de la négociation.


Le facteur déclencheur : la défaite du 13 juin 2010


La crise de la Belgique a commencé il y a 15 mois avec les élections au 13 juin 2010 qui donnait la victoire à la Nouvelle Alliance flamande, un parti séparatiste qui souhaite l’indépendance pour la Flandre néerlandophone dans la moitié nord du pays.


Bien que les sécessionnistes n’aient obtenu que 27 des 150 sièges au Parlement, Bart De Wever, alors chef du parti gagnant, a accepté de travailler avec d’autres partis pour former un gouvernement de coalition. Il a d’ailleurs déclaré que : « L’Indépendance de la Flandre était un objectif à long terme », et qu’il pouvait donc « se consacrer à la Belgique pour le moment ».


De lourdes contreparties


En contrepartie, toutefois, De Wever a exigé des concessions de la part des Francophones. Il a insisté pour que la part des impôts acquittés par la Flandre qui bénéficie à la partie bilingue de Bruxelles et aux plus pauvres de la partie francophone de Wallonie soit diminuée. Il a également insisté sur la nécessité d’un engagement plus prononcé du gouvernement fédéral en faveur des régions. Il a enfin exigé une annulation des droits des minorités accordés au cours de ces dernières années à environ 90 000 Francophones qui vivent dans les banlieues flamandes de Bruxelles.


Les sondages ont montré un large soutien pour ses mesures envisagées à l’égard des Flamands, qui représentent environ 60 % de la Belgique (10, 8 millions de la population). Les Francophones devraient sûrement manifester leur opposition. Pour la période chaotique qui a pu suivre ces événements, la Belgique a détrôné l’Irak et le Cambodge pour le record du monde de la plus longue crise politique.


Quand les Premiers ministres quittent le navire


Leterme, qui devrait avoir démissionné après que son parti a perdu l’élection de 2010, s’est maintenu en tant que Premier ministre, bienveillant et toujours dévoué. Il a reçu des éloges pour avoir amoindri les risques de voir la Belgique mise au ban de la zone euro à cause de sa dette.


Puis, mercredi, il a annoncé qu’il venait à Paris en tant que directeur adjoint de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).


Des reconversions qui ne sont pas rares chez les politiciens belges frustrés par la politique linguistique du pays.


Le prédécesseur de Leterme, Herman Van Rompuy, avait quitté le navire en décembre 2009 pour prendre la présidence du Conseil européen. En 1994, Jean-Luc Dehaene se préparait à abandonner le fauteuil du Premier ministre au beau d’une crise nationale née du génocide au sein de l’ancienne colonie belge, le Rwanda… jusqu’à ce que la Grande-Bretagne pose un veto de dernière minute sur sa nomination comme président de la Commission européenne.


Un départ qui libère les esprits


Heureusement pour la Belgique, le départ annoncé de Leterme semble avoir stimulé la réflexion des politiciens du pays.


L’accord dont ils sont convenus la semaine dernière implique un resserrement des circonscriptions électorales bilingues du pays dernièrement établies. Ces mêmes circonscriptions qui avaient ouvert un petit bout de territoire flamand aux Francophones. En retour, les Francophones vont conserver les droits linguistiques dans une zone plus restreinte autour de Bruxelles.


Les séparatistes flamands ont choisi de dénoncer l’affaire. Au prix d’une vive réaction : les parlementaires, et notamment le chef du parti, Jan Jambon, ont accusé les Flamands de « baisser leur culotte » par de telles concessions aux Francophones.


Et pourtant, avec le soutien de la plupart des politiciens, l’opération pourrait ouvrir la voie à la formation d’un nouveau gouvernement.


Un accord doit encore être trouvé sur le rééquilibrage du pouvoir politique entre les régions et le partage du budget. Un politicien a souligné que Leterme a peu de chance de prendre ses nouvelles fonctions avant la fin de l’année… ce qui laisse encore du temps pour négocier.


 


Global Post/Adaptation Pasqualine Nelh – JOL Press

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