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Hael Al Fahoum, chef de la mission de Palestine en France, s’exprime sur l’intervention de M. Abbas à l’ONU

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JOL Press : Qu’attendez-vous de la démarche engagée par le président Abbas devant les Nations unies ?

Son Excellence Hael Al Fahoum : Toutes nos démarches ont pour objectif de reprendre l’initiative et de débloquer une situation qui n’a que trop duré. Depuis 63 ans, ce conflit [israélo-palestinien ndlr] a été destructeur pour nos deux peuples, nos deux sociétés, nos deux États. Résoudre la situation au Proche-Orient est dans l’intérêt de la communauté internationale dans son ensemble.

Depuis vingt ans et les accords de Madrid, rien de concret ne s’est produit. Le président Abbas va devant les Nations unies pour faire état de la situation telle qu’elle est. En 1948, les Nations unies ont signé deux certificats de naissance. Depuis, l’un des deux bébés a vu le jour, l’autre attend toujours. Un consensus international s’est exprimé, et pourtant nous ne parvenons pas à la paix. Nous voulons être traités d’égal à égal dans la région, de sorte que nous puissions ensemble imaginer l’avenir et libérer les énergies positives.

JOL Press : Que pensez-vous de l’attitude du président Obama et de son administration, de l’annonce de leur intention d’user de leur veto devant le Conseil de sécurité de l’ONU si nécessaire ?

Son Excellence Hael Al Fahoum : Je ne comprends pas cette attitude. Aux quatre coins du monde, le président Obama prêche en faveur de la paix, des droits de l’Homme et de la démocratie. C’est comme s’il voulait la liberté pour tous les peuples, sauf pour le peuple palestinien. Dans le passé, il a mis en avant des solutions de compromis. On se souvient de son discours du Caire [en 2009, ndlr]. Aujourd’hui, l’image qu’il donne est bien différente. C’est comme s’il entendait donner le feu vert pour massacrer, détruire, occuper le peuple palestinien.

S’il estime avoir besoin pour des raisons de politique intérieure, des raisons électorales, du soutien de la communauté juive, qu’il ne paie pas de la poche des Palestiniens. Il encourage ainsi la stratégie de destruction suicidaire du premier ministre Benjamin Netanyahou et de son ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman.

Ce n’est pas l’Obama dont le monde entier s’est réjoui de l’élection en 2008.

JOL Press : L’initiative diplomatique que mène l’Autorité palestinienne a-t-elle été encouragée par le contexte international et en particulier régional, après ce que l’on appelle le « printemps arabe » ?

Son Excellence Hael Al Fahoum : Le président Abbas est un homme de paix. Il a tout fait pour débloquer la situation. Il a fait preuve d’un courage extrême en favorisant les étapes successives en vue d’une issue positive et pour établir une dynamique de paix. Le résultat après vingt ans, zéro, rien ! Des reculs au contraire, plus de territoires annexés, plus de souffrances, en particulier pour 1,5 million de Palestiniens à Gaza. L’inégalité devant la loi internationale demeure.

Il est impossible de continuer à accumuler ces reculs. Il faut placer la communauté internationale devant ses responsabilités. Reconnaître qu’Israël est soutenu, subventionné par les États-Unis et certains pays européens. Enough is enough ! C’est assez ! Il est temps de stopper la déstabilisation de la région, car cela constitue un danger majeur pour le monde entier, y compris pour le peuple israélien… Du reste, ce sentiment est partagé par de nombreux Israéliens qui ne se reconnaissent pas dans la stratégie aveugle d’un gouvernement extrémiste.

JOL Press : Les habitants de Ramallah se préparent à fêter les avancées qui seraient obtenues à l’ONU. Ne craignez-vous pas de les décevoir, ne craignez-vous pas une reprise des violences ?

Son Excellence Hael Al Fahoum : La société palestinienne a profondément changé ces dernières années. C’est désormais une société très mûre qui ne risque plus de tomber dans le piège tendu par d’autres. La violence côté palestinien a toujours été en réaction à une situation insupportable dont Israël était responsable.

Dans le passé, nous n’avions pas compris la solidarité d’une partie de la communauté internationale vis-à-vis d’Israël qui a généré déception et frustration.

JOL Press : Quelle stratégie, concrètement, souhaitez-vous mettre en œuvre aujourd’hui ?

Son Excellence Hael Al Fahoum : Notre stratégie repose sur quatre piliers.

• Premièrement, mettre la communauté internationale, une grande famille dit-on, devant ses responsabilités et établir les conditions d’un partenariat réel. C’est le sens de notre démarche devant l’ONU.

• Deuxièmement, mener une résistance pacifique contre l’occupation injuste, et reconnue comme telle, par les peuples du globe. Ne plus tomber dans le piège de la violence. J’espère et j’ai confiance dans notre peuple.

• Troisièmement, continuer en faisant toujours plus d’efforts à montrer que nous sommes un peuple capable, doté du potentiel de créer les structures d’un État. Cette semaine, la Banque mondiale et le comité des donateurs ont reconnu les efforts et progrès que nous avons réalisés.

• Enfin, quatrièmement, nous devons vaincre le virus de la division entre Palestiniens, établir les conditions d’une réconciliation nationale.

JOL Press : Comprenez-vous que certains craignent que la reconnaissance d’un État palestinien puisse nuire à la paix dans la région ?

Son Excellence Hael Al Fahoum : La Palestine que nous construisons sera une valeur ajoutée pour la sécurité du monde. Nous entendons lutter contre tous les extrémismes. Nous sommes indéfectiblement attachés aux droits de l’Homme, à la démocratie, à la reconnaissance des lois. Tolérance et rejet de tous les extrémismes, d’où qu’ils viennent.

C’est pour ça que je ne comprends pas l’attitude du président Obama.

Interview réalisée par Olivia Phélip et Franck Guillory, avec la collaboration de Pasqualine Nelh et toute la rédaction JOL Press

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