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Helle Thorning-Schmidt vue par un journaliste danois

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[image:1,l]JOL Press : Le Danemark connaît l’alternance pour la première fois en dix ans, le Premier ministre conservateur, Larse Lokke Rasmussen, a reconnu sa défaite, et une coalition de gauche, autour des sociaux-démocrates d’Helle Thorning-Schmidt, s’apprête à former un nouveau gouvernement. Est-ce un résultat attendu ?


Aske Munck : Tout au long de la campagne, à en croire les sondages, les deux coalitions sont restées au coude à coude. Il y a quelques semaines, un basculement s’est opéré et la gauche est passée en tête. On s’attendait donc à cette alternance et, en réalité, le résultat apparaît encore plus serré qu’imaginé. Quand Rasmussen a reconnu sa défaite, on pouvait même imaginer que ce soient les quatre députés des territoires autonomes, Groenland et Îles Féroé, qui fassent basculer la majorité.


S’agit-il d’un vote de rejet de la coalition sortante ou d’adhésion à une nouvelle ligne politique ?


La majorité sortante disposait au Parlement de l’appui de la droite populiste, l’extrême droite. Ce parti subit une défaite cinglante. Les conservateurs du parti du Premier ministre sortant sont aussi en recul. Un des aspects essentiels de la politique conduite par ce gouvernement était la fermeté vis-à-vis des immigrés, régulièrement stigmatisés, et la volonté très affirmée de contrôler l’immigration, illégale comme légale. Le rejet croissant de cette ligne explique en partie le basculement vers la gauche. Pour preuve, la progression de la gauche radicale, un parti charnière, de centre gauche, des sociaux libéraux en rupture avec Rasmussen précisément sur la question de l’immigration. Au-delà, l’image du Danemark sur la scène internationale a été altérée, le pays a été mis au ban des nations. Les Danois, par tradition plutôt libéraux et ouverts, ont jugé que ça allait trop loin et, peut-être, ont-ils voulu changer l’image de leur pays.


Pensez-vous que la double tuerie conduite par Anders Behring Breivik le 22 juillet en Norvège ait pu jouer un rôle dans ce choix ?


Indéniablement, la peur des extrêmes, sous toutes leurs formes, a dû jouer. Les Danois aspirent sans doute à des relations sociales plus apaisées.


Cette élection s’est déroulée en pleine crise économique et financière. Un autre facteur explicatif de l’alternance ?


Les gens ont peur, forcément. Le pays connaît, notamment, une forte crise du logement. Peut-être aussi ont-ils voulu se rassurer. C’est pour ça qu’ils auraient privilégié un État plus protecteur, une coalition qui dénonce plus ouvertement les excès du capitalisme bancaire et affirme vouloir y remédier de manière plus frontale. Tout cela s’est aussi traduit par une montée de l’extrême gauche.


Cette nouvelle coalition de gauche sera-t-elle solide ?


Comme presque toutes les coalitions, elle est disparate. Les sociaux libéraux ont conclu pas mal de compromis avec Rasmussen par le passé. Pour l’essentiel sur les questions économiques, au nom du libéralisme qu’ils revendiquent, et, notamment, sur la réforme des retraites. Le gouvernement avait décidé de repousser l’âge de la cessation d’activité, les sociaux libéraux ont soutenu. À l’inverse, les sociaux-démocrates s’y sont farouchement opposés et, durant la campagne électorale, ils ont assuré qu’ils reviendraient dessus, une fois élus.


Pressentie pour devenir le prochain Premier ministre, une jeune femme de 44 ans, Helle Thorning-Schmidt. Comment est-elle perçue dans l’opinion ?


Beaucoup de femmes danoises ont voté pour elle parce qu’elles voulaient une femme à la tête du gouvernement. C’est la première fois dans notre histoire politique et, dans un pays qui se vante autant d’être à la pointe en matière d’égalité entre les sexes, il était grand temps. Au-delà, Helle Thorning-Schmidt n’a rien d’une figure lisse, elle est parfois controversée. Certains à gauche, jusqu’au sein même du parti des sociaux-démocrates, lui reprochent son style, un peu trop chic. Elle avait d’ailleurs commis un faux-pas qui aurait pu lui coûter cher… Lors d’une visite en Afghanistan, elle arborait un sac laqué rouge d’une marque de luxe. Cette ostentation a paru assez inappropriée. Mais c’est une redoutable politique et, dans l’ensemble, une figure capable de rassembler.


[image:2,s]Entretien avec Aske Munck, correspondant à Paris du Jyllands-Posten – l’un des principaux des journaux danois dans lequel avait été publiées le 30 septembre 2005 les caricatures du Prophète Mahomet.


Propos recueillis par Franck Guillory, JOL Press.

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