Site icon La Revue Internationale

Israël à la croisée des chemins ?

Les réactions à Jérusalem sont alarmistes et l’inquiétude croît. Subitement, le pays s’est retrouvé sans ambassadeur dans aucune des capitales de ses traditionnels alliés régionaux : la Jordanie, l’Égypte et la Turquie, après qu’Ankara a expulsé les diplomates israéliens au motif que les autorités israéliennes refusaient de présenter leurs excuses pour le raid sur la flottille pour Gaza dans lequel des citoyens turcs ont perdu la vie.
 


Le prix de l’inaction


Pour certains observateurs, Israël se trouve à la croisée des chemins, incapables de faire demi-tour. Danny Rubinstein, ancien spécialiste des questions arabes pour le quotidien Ha’aretz et désormais maître de conférence à l’Hebrew University, estime qu’Israël paie le prix de son incapacité à trouver un accord avec les Palestiniens. « Si ça continue, les Israéliens deviendront une force d’occupation permanente ou leur État hébergera de fait un État binational », affirme-t-il. « Aujourd’hui, je ne vois pas comment il serait possible de diviser Israël entre une Palestine indépendante et un Israël rétréci. Il suffit de regarder la réalité géographique et démographique. »
 


Hésitants face à l’offensive diplomatique des Palestiniens


Alors que les médias locaux cachent de moins en moins leurs inquiétudes devant l’avalanche de mauvaises nouvelles, le gouvernement semble impuissant. À l’inverse, Benjamin Netanyahou et son équipe semblent uniquement préoccupés par la question de savoir qui, si seulement il en faut un, représentera l’État hébreu à l’Assemblée générale du 23 septembre, lorsque Mahmoud Abbas présentera, au nom des Palestiniens, une demande de pleine reconnaissance de leur État et l’adhésion comme 194e membre à l’organisation internationale.


La rumeur avançait deux noms, deux options : Avigdor Lieberman, le sulfureux ministre des Affaires étrangères, ou Shimon Peres, le très modéré président qui avait, lui-même, offert ses services au gouvernement. Finalement, la décision est tombée jeudi 15 : c’est Netanyahou en personne qui conduirait la riposte israélienne à l’ONU. « Les Palestiniens prennent des décisions et font avancer leurs plans, tandis qu’ici, pour notre gouvernement, la principale décision de la semaine est celle de savoir si Netanyahou irait prononcer un discours ou pas », a moqué la leader de l’opposition Tsippi Livni.


Face à l’éventualité d’un soulèvement après le vote – même s’il entraînera, en réalité, aucun ou peu de changements –, Israël a autorisé l’Autorité palestinienne a acheté du matériel antiémeute habituellement utilisé par la police israélienne.
 


De dangereux écarts verbaux


Pour accentuer encore la tension, Ma’en Areikat, le représentant palestinien aux États-Unis, a annoncé que les Juifs ne seraient pas les bienvenus s’ils souhaitaient venir s’installer dans un futur État palestinien. « Dans un premier temps, nous devons être complètement séparés », a déclaré Areikat. « Après l’expérience des 44 dernières années, l’occupation militaire, tous les conflits et frictions, je crois qu’il sera dans l’intérêt des deux peuples d’être séparés. »
 


La fermeture des ambassades sous la pression


Tard, vendredi 9 septembre, une foule dense s’en est prise aux barrières de sécurité autour de l’immeuble de l’ambassade israélienne et a envahi les locaux de la mission, dans les derniers étages, malgré six gardes de sécurité. Le lendemain matin, deux jets de l’armée israélienne ont été dépêchés pour rapatrier 85 diplomates et leurs proches et les mettre en sécurité en Israël. Seuls un ambassadeur adjoint et deux gardes sont restés en Égypte, pour la première fois depuis 1979. Par crainte d’une action similaire à l’occasion de manifestations annoncées à Amman, Israël a ensuite évacué, mercredi, sa représentation en Jordanie.


 


Hésitations face aux éruptions anti-israéliennes


Yitzhak Levanon, l’ambassadeur rappelé d’Égypte, qui attend l’ordre de regagner Le Caire, a raconté qu’il avait vu « des tanks et des soldats égyptiens debout à côté », alors qu’une foule hostile approchait, et qu’ils n’avaient pas bougé pour stopper l’émeute jusqu’à ce que, en urgence, devant le degré de violence, les commandos aient été envoyés. En dépit de quoi, il croit que la situation n’est pas irréversible : « Je pense que les responsables égyptiens comprennent ce qu’impliquerait l’ouverture d’une nouvelle ère d’hostilité. »


Rubinstein ne partage pas ce relatif optimisme. « Il est clair, depuis des décennies, que les traités de paix concernant Israël ne sont que des accords entre une poignée d’hommes politiques, et qu’ils ne survivront pas sans un soutien des peuples. C’est pourquoi je ne suis pas surpris par les crises avec l’Égypte et la Turquie. Elles pourraient facilement s’étendre à la Jordanie et au Maghreb. Ce qui me surprend le plus, c’est que ce ne se soit pas intervenu plus tôt ».


Pourtant, dans le cas jordanien, les manifestations anti-israéliennes ont échoué. Seules quelques dizaines de participants y ont été recensés et la police les a contenus à l’écart de l’ambassade. Vendredi soir, Israël a renvoyé son ambassadeur à Amman.
 


La Turquie d’Erdogan en mouvement


Eli Shaked, ancien ambassadeur en Égypte et consul général à Istanbul, remarque qu’« en diplomatie comme dans la vie, tout n’est que flux et reflux ». En Turquie, il met en cause la responsabilité du gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan dans la dégradation des relations. « Depuis 62 ans que nous entretenons des relations diplomatiques, nous avons connu des difficultés. Il y a toujours eu des hauts et des bas. En ce moment, la moindre déclaration du Premier ministre turc paraît terrible – mensonges et provocations –, mais il n’en reste pas moins que la Turquie est une grande et importante nation dont les intérêts dépassent ceux du seul Erdogan. »
 


La radicalisation de la rue arabe


Shaked estime qu’il existe peu de points communs entre les situations égyptiennes et turques. « En Turquie, la source des difficultés, ce sont les dirigeants. Le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères sont tentés de conduire la Turquie dans un conflit avec Israël et peut-être même avec l’Otan et les États-Unis. En Égypte, la crise provient de la rue, du peuple, et non des autorités. L’anarchie prévaut dans le pays depuis 7 ou 8 mois, depuis la chute de Moubarak le 11 février. Tant que le Conseil suprême militaire reste au pouvoir, même affaibli ou instable comme c’est le cas en ce moment, il continuera à protéger les intérêts de l’Égypte sur la scène internationale, y compris la relation particulière avec les États-Unis, les liens étroits avec l’Occident et la paix avec Israël. À l’approche des élections législatives, j’envisage la possibilité d’une victoire des Frères musulmans et la transformation de cette organisation, jusqu’à peu illégale, en la principale force au Parlement. Ce qui constituerait un bouleversement historique. S’ils sont en tête, ils influenceront l’élection du prochain président égyptien, et je ne suis pas certain que la paix avec Israël sera garantie. »
 


Parole aux cassandre


Comme pour soutenir ce point de vue, et, en même temps, faire grimper dramatiquement les tensions entre les deux pays, le Premier ministre égyptien par intérim, Essam Sharaf, a clairement indiqué que le traité de paix, vieux de 32 ans, pourrait être révisé. « L’accord de Camp David n’est pas sacré et peut toujours faire l’objet de discussions pour servir l’intérêt de la région et établir une paix juste », a lancé Sharaf à la télévision turque. « Nous pourrions l’amender en cas de besoin. »


Les élections législatives égyptiennes, deux fois repoussées, sont désormais prévues en novembre.
 


GlobalPos /Adaptation FG pour JOL-Press


 

Quitter la version mobile