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La dure télé-réalité : recherche immigré à expulser !

Dernière émission à sensation sur la chaîne hollandaise VPRO : sur le plateau, cinq jeunes immigrés en cours d’expulsion tentent de prouver leur attachement aux Pays-Bas. Comment ? En répondant à des questions sur la politique, les institutions, la culture ou le sport… mais aussi les tulipes, les vélos et le dernier tube ringard à la mode. Dans l’épreuve-reine, ils doivent même sculpter les contours du pays dans une tranche de gouda. Quel bon goût !


Pour le gagnant : 4 000 €, pour le perdant : un gilet pare-balles


Le grand vainqueur remporte le prix de « Fou des Pays-Bas » avec une mallette contenant 4 000 euros. Attention : il ne percevra cette somme qu’une fois revenu dans son pays natal. Pour les perdants, le prix Hors des Pays-Bas, au choix, un sachet de bulbes de fleurs, un kit de survie ou un gilet pare-balles décoré de motifs locaux.


Une émission à la limite du réel


La première diffusion nationale du jeu a eu lieu jeudi 1er septembre. Un show irréaliste à l’ironie de bien mauvais goût. Pourtant, Weg van Nederlands – jeu de mots intraduisible (littéralement « Hors des Pays-Bas » ou « Fou des Pays-Bas ») – était bel et bien réel.


Les concurrents sont des jeunes immigrés qui ont fui leur pays d’origine enfants et ont grandi aux Pays-Bas. Mais, depuis, les services de l’immigration se sont penchés sur leurs dossiers… Verdict : expulsion !


Pendant une cinquantaine de minutes, un ton ironique et décalé, un présentateur ultra-souriant et deux bimbos déguisées en policières ultra-sexy, minishort et décolletés plongeants.


Sur le plateau, une énergique voix off  accueille les concurrents. Les téléspectateurs ont ainsi découvert la première gagnante : Gulistan, une jeune Kurde d’Arménie de 18 ans dont le frère a été assassiné. Elle vit aux Pays-Bas depuis 11 ans, désire devenir avocate, aime les gaufres au sucre… et est sur le point de retourner en Arménie !


Une émission interactive puisque les téléspectateurs peuvent eux aussi, depuis leur salon, participer. Pour le gagnant, un séjour sur l’île de Curaçao dans les Caraïbes. Le présentateur ironise : « Contrairement à nos demandeurs d’asile, ils seront libres de retourner au Pays-Bas à la fin du séjour ! »


Un débat qui divise


Ce jeu TV de mauvais goût a choqué bon nombre de téléspectateurs et certains médias. Mais curieusement, il n’a pas fait scandale au sein des instances s’occupant des immigrés. Certains pensent qu’il s’agit d’un bon moyen de faire réagir l’opinion publique et d’ouvrir le débat sur la politique d’asile du pays.


Pour Janneke Bruil, de la Fondation pour les étudiants réfugiés, « naturellement, ce programme est écœurant, mais la réalité est écœurante elle aussi ». Janneke participe au casting des candidats. « Lorsque vous regardez ce jeu, ça vous va droit au cœur. Vous ne pouvez pas les aider davantage, vous trouvez cela malsain, c’est le jeu. Mais en même temps, ces gens vont être expulsés par avion et par là même perdre leur vie qu’ils avaient ici. Vous devez vous demander : “Mais que se passe-t-il ? »


La montée du parti islamophobe de la Liberté


L’accueil des réfugiés est une vielle tradition aux Pays-Bas. Pourtant, depuis quelques années, certains partis politiques remettent en cause cette tradition. Pour eux, les étrangers présents sur le territoire portent atteinte au pays. Le parti islamophobe de la Liberté a récolté 15,5 % des voix aux élections de l’an dernier. Désormais troisième force du parlement, son soutien est indispensable au gouvernement de centre-droit. Dans ce contexte, la politique d’immigration a été considérablement resserrée.


Le rire pour faire réagir


Blessing a quitté le Cameroun lorsqu’elle avait 15 ans. Elle termine son diplôme d’ingénieur en aéronautique à l’université d’Hogeschool d’Amsterdam. Mais sa demande de droit d’asile a été rejetée, elle va être expulsée. Pourtant, elle défend l’approche non-conventionnelle du jeu : « Il y a eu tellement d’émissions sérieuses à ce sujet, des témoignages d’une telle tristesse ! L’immigration est un réel problème de société, en le traitant avec dérision on peut faire quelque chose de différent de ce que les gens ont l’habitude de voir, et attirer davantage l’attention et faire réagir. C’est pourquoi une approche non-conventionnelle, comique, de ce débat est une bonne chose. »


En compétition contre des immigrés du Sri Lanka, de la Tchétchénie et d’Arménie, Blessing a été la première candidate éliminée. Les raisons de sa chute, son échec à cette question : « Combien de bicyclettes ont été volées aux Pays-Bas durant l’année 2010 ? » (la réponse : 524 000). En guise de consolation, un gilet pare-balles décoré aux couleurs de la ville de Delft. Chic et choc !


Global Post/Adaptation Pasqualine Nelh – JOL Press

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