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La nostalgie du porno « soft »

capture_decran_2011-09-16_a_13.21.37.pngcapture_decran_2011-09-16_a_13.21.37.png

New Delhi, Inde. Sur une affiche peinte à la main pour un film à faible budget des années 1990, Qatil Jawani (« Nymphette Meurtrière »), se distingue une actrice potelée, nue, à cheval sur un homme au torse nu, la tête renversée en arrière, apparemment en extase, pendant que l’homme pelote sa poitrine.

 

Une industrie victime de la pornographie en ligne

Le porno « soft » fait référence à des films érotiques au contenu sexuel moins explicite que dans le « hard », par définition. Autrefois omniprésents dans les « spectacles matinaux » des cinémas indiens, ces films licencieux style Biwi Anadi Sali Khiladi (« Femme innocente, belle-sœur infidèle ») ont lentement disparu du grand écran en Inde. Explication : l’émergence d’une pornographie « hard » de plus en plus accessible sur Internet.

Mais désormais, alors que l’industrie du cinéma dominant surmonte peu à peu sa réticence traditionnelle vis-à-vis du sexe et de la sexualité féminine, les Indiens commencent à porter un regard nouveau sur l’érotisme gentillet – et ils redécouvrent dans ces films des aspects de leur propre culture.

 

La redécouverte du porno « soft »

En décembre, Ekta Kapoor, guru des feuilletons télévisés en Inde, diffusera L’image obscène, une bio autour de Silk Smitha, stripteaseuse des années 1980, qui s’est mise aux numéros de cabaret sensuels dans des films commerciaux.

Mais il y a plus subtile encore : dans le récent film – d’action – Tees Maar Khan, l’actrice Katrina Kaif, véritable bombe indo-britannique, a généré du buzz avec la chanson Sheila Ki Jawani (« Jeune Sheila »). La chanson est un hommage en forme de jeu de mots au titre hindi d’un des films de Silk Smitha, Reisha Ki Jawani.

Le monde de l’art tire également parti de cette résurgence du porno « soft » : à New Delhi, l’agence publicitaire Wieden+ Kennedy (W+K) a récemment organisé une exposition d’affiches de films érotiques, pour leur valeur artistique.

« Des collégiens, lycéens, et même des hommes adultes allaient autrefois voir ces films dans l’espoir d’apercevoir une femme au bain ou une scène d’amour », explique la directrice artistique de W+K, V. Sunil, qui a exhibé sa collection personnelle d’affiches pour l’exposition, Spectacle matinal.

 

Désir = pornographie

Avant la mondialisation de la sexualité sur Internet, les stars du porno indien avaient beaucoup de succès. Silk Smitha elle-même était devenue une véritable star. Avec ses formes généreuses mises en valeur par des vêtements toujours serrés, elle renversait les méchants voyous comme des quilles, constante du porno « doux » indien.

Selon Meena T. Pillai, critique culturelle à l’université de Kerala, la province où l’industrie du porno indien était produite, les films indiens classés comme pornographiques exploitaient plutôt la sexualité féminine que la nudité ou les ébats explicites.

En dehors des stars sensuelles et de quelques zooms sur des décolletés, le seul trait distinctif de ces films restait la figure de la femme sexuellement agressive, qui contrastait visiblement avec l’idéal de la femme domestique et sage. « Vous seriez surpris si vous regardiez un film porno d’ici. En gros, le caméraman s’arrête à hauteur du genou. Ça ne va pas plus loin, décrypte Pillai. Mais à partir du moment où l’on montre le désir de la femme, le film sera automatiquement classé comme pornographique. »

 

Affiches et gros seins

Avalude Ravukai, par exemple, réalisé en 1978 par I. V. Stasi, fait partie des films pornographiques en raison de son héroïne : une prostituée qui exerce son pouvoir sur les hommes en offrant puis en refusant des faveurs sexuelles.

D’une manière similaire, le titillant Layanam de 1989, avec Silk Smitha, montre trois femmes adultes qui séduisent un jeune homme.

Le public se satisfaisait-il de ces films presque candides à côté des films érotiques occidentaux ? Pas toujours : pour compenser le manque de nudité, il arrivait souvent que les producteurs et régisseurs de cinéma incluent de courtes séquences tirées de films étrangers – de brefs flashs de nudité, ou même des scènes explicitement pornographiques. Cette pratique était si répandue que dans la province de Kerala elle a fait l’objet d’une nouvelle classe de films, littéralement le « cinéma des petits morceaux ». Il arrivait même que certains de ces films soient promus à l’aide d’affiches illustrées par ces « petits morceaux ». Pour Chérie, je t’aime, par exemple, l’affiche montre une femme blanche en bikini dont le corps est « habillé » par des accroches du style : « Bonnes parties, Parties sexy, Séquences corporelles »…

Après Silk Smitha, l’héroïne la plus célèbre de l’industrie de la pornographie dans la province de Kerala fut Shakeela, une jeune actrice bien en chair de plus en plus ronde à l’aune de sa notoriété. « Ici, dans le sud, on aime les femmes plutôt rondes, décode Sunil. N’importe qui avec des gros seins fera un tabac… »

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