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L’aide parviendra-t-elle ?

Nairobi, Kenya. Des dizaines de milliers des personnes sont déjà mortes, et des centaines meurent chaque jour. Selon l’ONU, 750 000 pourraient mourir de faim dans une zone au sud de la Somalie touchée par la famine.

 

Un rapport alarmant

Lundi, l’ONU a annoncé que la famine a empiré, à nouveau en extension. Le rapport précise que des centaines de gens meurent de faim chaque jour, et que 4 millions – soit la moitié de la population – ont besoin d’une aide alimentaire de toute urgence.

Sur toute la corne d’Afrique, 12 millions d’Africains font face à une pénurie alimentaire, fléau d’une sécheresse. Mais c’est seulement en Somalie, déchirée par la guerre civile, que la famine a été déclarée.

Des pluies normales sont attendues pour le mois d’octobre. Elles viendront à bout de la sécheresse, mais l’on s’attend à ce qu’elles provoquent des maladies chez les 4 millions d’habitants en manque de nourriture.

 

Un taux de malnutrition record

La dernière région où la famine a été déclarée est la région de Bay, dans le cœur agricole du pays, qui produit 80 % de la production nationale de sorgho, plante servant d’aliment de base à la population nationale.

Selon les chiffres de l’ONU, la dernière récolte a été la pire en 17 ans : elle n’a produit qu’un quart du volume annuel moyen de sorgho.

Les niveaux de malnutrition habituels lors d’une famine ont de loin été dépassés dans la région de Bay, où 58 % des enfants sont sévèrement mal nourris.

« C’est un taux de malnutrition record, et certainement quelque chose que je n’ai jamais vu depuis que je travaille dans ce secteur », dit Grainne Moloney, directeur technique au FSNAU, le centre d’analyse pour la sécurité alimentaire de l’ONU, basé à Nairobi.

Auparavant, la famine a été détectée dans les régions de Shabeellaha Hoose, Shabeellaha Dhexe et Bakool, ainsi que dans des camps pour personnes déplacées. Mais Moloney avertit : la situation va s’empirer : « Nos prévisions pour les trois prochains mois sont que la crise alimentaire va continuer dans les régions agricoles du sud. Nous savons également que les populations de trois régions supplémentaires connaîtront aussi la famine. »

 

Des maladies à venir

« Nous ne pouvons sous-estimer l’échelle de cette crise, explique Mark Bowden, coordinateur humanitaire pour l’ONU en Somalie. L’échec de la récolte va mettre l’accent sur les régions agricoles du sud les plus affectées », dit-il. Pour lui, les famines précédentes, en Somalie en 1992 et en Éthiopie en 1984, ont montré que la plus grande part de la mortalité provient des maladies contagieuses.

La plupart des morts et des mourants sont des enfants qui, affaiblis par la malnutrition, succombent à des maladies courantes comme la rougeole, la malaria ou la diarrhée – maladies qui se répandent plus vite en temps de pluie.

 

Une crise exacerbée par la guerre

Et pendant ce temps-là, la guerre civile qui ravage la Somalie depuis 20 ans aggrave la situation, rendant l’approvisionnement en nourriture extrêmement difficile.

Quasiment toutes les régions touchées par la famine sont contrôlées par Al Shabab, un groupe d’insurgés islamistes étroitement lié à Al-Qaida. Il mène depuis quelques années une guerre féroce contre le gouvernement à Modagiscio, soutenu par l’ONU.

La semaine dernière, Médecins Sans Frontières a accusé d’autres organismes ainsi que les médias de « dissimuler » les vraies raisons de la famine, qui serait causée par les hommes, ainsi que les difficultés pour accéder à certaines régions du pays.

 

MSF excédé

« L’état d’urgence qui se développe en Somalie et dans les alentours est décrit par beaucoup d’organismes d’aide et par les médias en des termes qui manquent de profondeur, comme « famine dans la corne d’Afrique », ou « pire sécheresse en 60 ans », conteste le président de MSF, Unni Karunakara.

Or cette description négligerait, selon lui, l’importance de l’impact de la guerre civile en Somalie, et laisse croire, à tort, que « la solution consiste seulement à financer l’approvisionnement en nourriture », a-t-il expliqué dans un journal britannique. Trouver de l’argent ne suffira pas, pense-t-il, et il faudra que les organismes le reconnaissent : « Nous ne pourrons peut-être jamais atteindre les communautés qui ont le plus besoin d’aide. »

 

Un apport d’aide difficile, mais possible

Mais le pessimisme de Médecins Sans Frontières n’est pas unanime. Les propos de Karanukara ont même provoqué des réactions hostiles dans les camps des humanitaires. Ils craignent que mettre en cause l’efficacité de l’aide apportée en Somalie puisse affecter les efforts pour récolter des fonds.

Certains organismes ont affirmé être en mesure de faire parvenir leur aide jusqu’aux populations démunies. Save the Children a annoncé qu’il « apporte constamment de l’aide en Somalie depuis 20 ans ». L’apport d’aide est très difficile, mais c’est possible, quoi qu’en pense le président de MSF. D’autres, comme le Comité international de la Croix Rouge, ou Islamic Relief, affirment qu’il leur est possible de parvenir jusqu’aux régions contrôlées par Al Shabaab.

 

Une course contre la montre

Mark Bowden a tenté d’’apaiser le différend.

« C’est toujours malheureux de voir des conflits internes », a-t-il confié. Il nous a également assuré que l’aide parvenait à toujours plus de monde, souvent par l’intermédiaire d’organismes locaux qu’il ne pouvait nommer pour des raisons de sécurité. « Nous n’avons jamais prétendu que cette opération serait facile, mais les régions sont beaucoup plus couvertes que nous ne l’avions craint. » Un million de personnes auraient reçu une aide alimentaire en Somalie en août, et 750 000 en juillet.

« Oui, l’argent compte. Récolter des fonds n’a rien d’une routine désabusée. C’est une course contre la montre. »

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