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L’ancien président Rabbani assassiné

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Kaboul, Afghanistan. L’ancien président Burhanuddin Rabbani a été tué mardi dans un attentat suicide à son domicile de Kaboul. Figure importante de la scène politique afghane, il jouait dans les dernières années un rôle de négociateur auprès des autorités talibanes. Son assassinat est un coup dur pour le gouvernement du président Hamid Karzai.

Un attentat symbolique

Rabbani était le chef du Haut conseil pour la paix du gouvernement afghan, structure chargée de conduire les négociations avec les insurgés talibans, et allié clé des États-Unis et d’Hamid Karzai. « Avec cette attaque, les talibans ont envoyé un message clair au gouvernement du président Karzai : nous n’allons pas discuter avec vous. Nous rejetons tout type de négociation pour la paix avec vous, explique Mir Ahmad Joyenda, un membre du parlement afghan. Je pense qu’à partir de maintenant, le gouvernement de Karzai changera sa politique vis-à-vis du processus de paix. »

L’étrange silence des talibans

Rabbani a été tué mardi 20 septembre par un terroriste, prétendu ancien combattant taliban partisan de la paix avec le gouvernement. Invité à rencontrer Rabbani à son domicile, il aurait déclenché une bombe cachée sous son turban alors qu’il saluait son hôte. Quatre des gardes du corps du président ont également péri.

Les talibans, d’habitude prompts à revendiquer la responsabilité des attaques spectaculaires ou de grande échelle, se sont déclarés indisponibles pour commenter l’événement. À cette heure, ils ne se sont toujours pas exprimés. Pourtant, pour les autorités américaines, leur position est sans équivoque : « Les responsables de cette attaque ont manifesté le mépris qu’ils éprouvent pour tous les efforts menés par Rabbani dans l’avancée de la cause de la paix en Afghanistan », a déclaré l’ambassade américaine à Kaboul dans un communiqué.

Un désastre pour les négociations de paix

Cette attaque, qui survient alors que les troupes de l’Otan ont commencé leur retrait graduel d’Afghanistan et que les autorités américaines prônent des pourparlers avec les autorités talibanes, semble avoir frappé en plein cœur le processus de paix initié par le gouvernement avec le soutien de la coalition. Rabbani, féroce commandant anti-taliban durant les années 1990, a été nommé il y a un an pour tenter de parvenir à un accord de paix avec les talibans. Depuis, les efforts pour persuader les combattants terroristes de déposer les armes et de rejoindre le gouvernement afghan n’ont abouti à rien.

Au moment où la coalition internationale menée par les États-Unis transfère les responsabilités de sécurité aux forces afghanes dans sept régions clés, la violence continue de s’y s’intensifier : cette année a été la plus meurtrière pour les civils afghans depuis le début du conflit en 2001, selon les Nations unies.

Figure controversée

Rabbani n’était pas populaire parmi tous les Afghans, lui-même de l’ethnie des Tadjiks. Son mandat présidentiel de 1992 à 1996 a été entaché de luttes intestines meurtrières qui ont abouti à la prise de pouvoir par les talibans. Il a été vilipendé non seulement par les Pachtouns qui nourrissent les rangs des talibans, mais aussi par des Afghans ordinaires, qui le voyaient comme un chef militaire opportuniste responsable d’atrocités à grande échelle. « Un chef militaire de moins dans ce pays, même s’il nous en reste des milliers », estime Mohammed, un ancien interprète pour les forces spéciales américaines en Afghanistan. « Je me fiche de savoir si quelqu’un est anti-taliban ou pas. Des milliers de personnes sont mortes sous son règne, et il se comportait comme s’il allait sauver l’Afghanistan. ». Fermez le ban.

Une chance pour les partisans de la guerre

Non seulement la mort de Rabbani va affaiblir Hamid Karzai, lequel, dans les derniers mois, a vu certains de ses plus proches conseillers assassinés par des insurgés talibans, mais elle va vraisemblablement aussi, selon les experts, diviser les groupes anti-talibans dans le nord du pays.

De nombreux hommes forts tadjiks dans les provinces du nord, affiliés à Rabbani, et qui dès le départ se sont opposés aux négociations de paix avec les Talibans majoritairement pachtouns, pourraient profiter de la mort de Rabbani pour renforcer et réarmer des milices basées ethniques. Ces milices, disent les observateurs, se battraient alors non seulement contre les talibans, mais aussi contre un gouvernement afghan prêt à négocier avec eux.

Après la mort de Rabbani, le gouverneur tadjik de la province de Balkh, Atta Mohammed Noor, a déclaré à la chaîne d’information locale Tolo TV que le gouvernement « ne pourrait pas faire la paix avec les talibans. » « Beaucoup de chefs au nord avaient déjà émis leurs doutes à propos de la position purement symbolique de Rabbani, estime un analyste politique occidental à Kaboul. Si le gouvernement de Karzai maintient de tels pourparlers, nous pouvons nous attendre à voir la colère monter au nord, parallèlement à un plus fort sentiment d’aliénation, et les milices chercheront peut-être même à s’armer encore davantage. »

 

Global Post/Adaptation JF – JOL Press

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