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Le pouvoir du président Zuma de plus en plus contesté

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Johannesburg, Afrique du Sud. Le sémillant chef de la Ligue de la Jeunesse de l’ANC (Congrès national africain), Julius Maléma, 30 ans, a choisi de rejoindre le camp des opposants au régime de Jacob Zuma. Manifestations orchestrées par ses sympathisants, déclarations sur la nationalisation des mines, provocations, réintégration d’un chant incitant à la haine raciale, « Tuer les Boers » (fermiers blancs d’Afrique du Sud)… Julius Maléma multiplie les gestes hostiles au président sud-africain. Pourtant, le temps n’est pas si loin, en 2008, où Maléma déclarait pouvoir « tuer et mourir pour Zuma ». Désormais, la hache de guerre est déterrée entre le président et le jeune leader. De quoi compromettre un second mandat, tant désiré par Zuma. Retour sur la période où tout a basculé.

La Ligue de la Jeunesse… liguée contre Zuma

Si le président Jacob Zuma s’était rendu au siège du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, à Johannesburg cette semaine, il aurait assisté à un spectacle étonnant. Les membres de son propre parti, la Ligue de la Jeunesse, qui l’avaient porté au pouvoir, se sont déchaînés contre lui.

« Zuma, tu es un violeur », ont clamé quelques centaines de jeunes hommes et femmes qui s’étaient rassemblés devant Luthuli House, le siège de l’ANC. Ils faisaient référence au procès du président pour viol en 2006. Certains brûlèrent même des T-shirts à l’effigie de Zuma, d’autres jetèrent des pierres sur les policiers et les journalistes tout en scandant « Zuma doit partir ! »

Maléma : un allié loyal devenu un ennemi redoutable

À mi-parcours de son premier mandat de chef d’État d’Afrique du Sud, Zuma se bat pour sa survie politique dans un milieu de plus en plus hostile. Les analystes politiques doutent qu’il franchisse le cap d’une nouvelle élection.

On n’est jamais mieux trahi que par les siens : le danger principal pour Zuma vient de l’intérieur même de la Ligue de la Jeunesse, et en particulier de son très controversé jeune leader, Julius Maléma, un allié devenu un ennemi redoutable. La Ligue de la Jeunesse, forte de 350 000 votants, a apporté un soutien décisif à Zuma pour son accès à la présidence de l’ANC, puis de l’Afrique du Sud, après l’éviction de Thabo Mbeki. Depuis, Maléma fait presque quotidiennement les gros titres des médias sud-africains par ses déclarations incendiaires sur la nationalisation des mines et par ses provocations. En 2010, l’ANC le rappelle fermement à l’ordre. Qu’à cela ne tienne. Après des mois d’attaques incessantes contre Zuma, il obtient l’effet désiré : Zuma réagit.

Condamner ou ne pas condamner Maléma ?

Maléma est cette fois traîné devant le comité de discipline de l’ANC. L’agitation bruyante observée cette semaine-là devant les portes de Luthuli House était celle de ses partisans. Il répond de l’accusation de discrédit de l’ANC pour avoir appelé à un changement de régime au Botswana, voisin démocratique de l’Afrique du Sud, et d’insultes à l’encontre du président Zuma. Pour faire bonne mesure, le voilà l’objet d’une enquête pour fraude et corruption.

Zuma a-t-il eu gain de cause ? Pas si sûr. Si Maléma est expulsé de l’ANC – issue possible de l’audience disciplinaire –, le président perdra sans doute le précieux soutien de la Ligue de la Jeunesse. Mais si Maléma s’en sort en toute impunité grâce à l’aide d’alliés politiques, alors l’image de Zuma au sein de son parti en aura pris un coup, sous les coups de boutoir d’un jeune arriviste impudent. Entre deux maux…

L’avenir présidentiel de Zuma compromis

Quelle que soit l’issue de l’audience disciplinaire, une professeure de science politique à l’université de Johannesburg du Witswatersrand, Susan Booysen, auteure d’un livre sur l’ANC qui sera publié en octobre 2011, exprime clairement son doute sur les chances du président de conserver une image suffisamment positive pour espérer se maintenir. « Après avoir affaibli l’ANC face la Ligue de la Jeunesse, on voit mal comment Zuma pourrait ne pas avoir nui à son parti. » Tinyiko Sam Maluleke, enseignant à l’université d’Afrique du Sud, confirme l’analyse de Booysen : « Peu importe si Maléma reste ou pas, Zuma perdra de son influence sur l’ANC et l’estime du parti. » Pour lui, un second mandat est inenvisageable.

Mauvaises fréquentations…

Mais les dérives de Zuma ne se résument pas à son opposition à Maléma. Une autre controverse fait rage : le choix du nouveau juge de la Haute Cour de justice du pays, nomination actuellement en cours d’examen par une commission judiciaire.

Zuma a manifestement mal évalué son candidat et a commis une grave erreur de jugement politique en choisissant Mogoeng Mogoeng, juge inexpérimenté dont la clémence systématique prononcée à l’encontre des auteurs de violence contre les femmes et les violeurs d’enfants lui colle à la peau. Il est en outre membre d’une église qui s’emploie à guérir les « déviations » comme l’homosexualité.

Zuma est aussi critiqué pour son amitié avec le patron de la police nationale, mouillé dans des affaires de transactions immobilières douteuses.

… piètre politique et grand géniteur

Cerise sur le gâteau, les initiatives du président d’Afrique du Sud en politique étrangère se sont avérées inefficaces et décevantes, notamment du côté du Zimbabwe, de la Côte-d’Ivoire et plus récemment de la Libye. Il a engagé une série d’actions inopérantes à coups de médiations dont les solutions politiques « clé en main » ont surtout servi les dictateurs.

La vie personnelle du président a également fait l’objet de critiques tout au long de son premier mandat. Les contribuables ont manifesté leur colère d’avoir à supporter le coût de la ribambelle d’enfants nés du mode de vie polygame de Zuma, auxquels s’ajoute la descendance née de ses relations extraconjugales.

Entraîner l’ANC dans sa chute

Zuma a été élu à la présidence en 2009 grâce à une manœuvre déloyale dont a été victime son prédécesseur Thabo Mbeki. Même s’il parvient à perdurer au sein de son parti jusqu’à l’élection prévue à Mangaung en 2012 pour un second mandat, le même sort pourrait lui être réservé.

« Zuma a accédé à la présidence dans la controverse, et cette canaille n’a jamais baissé sa garde », crache Maluleke.

Pour Booysen, le parti a été considérablement affaibli par le jeu des nombreuses factions qui se battent en interne pour le pouvoir, y compris la Ligue de la Jeunesse de l’ANC et d’autres partenaires de l’alliance politique comme le Parti Communiste sud-africain et les syndicats. D’où sa conclusion : « L’ANC tout entier est hors jeu – au-delà de la personne de Zuma.

Global Post/Adaptation JOLPress

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