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Le show Noah-Parker à l’EuroBasket, un avant-goût de leur retour en France ?

Le leader outre-Atlantique mène la France vers la victoire

On ne présente plus Tony Parker, TP pour les intimes, Français devenu star de la National Basket Association (NBA, ligue de basket américaine). Excellent meneur outre-Atlantique, il s’illustre en tant que leader incontestable de l’équipe de France, laquelle affiche un niveau de jeu jamais atteint jusqu’à présent par les Bleus.

Le plus grand palmarès français en NBA est en forme et ça se voit sur le terrain. Parker a d’ailleurs reconnu qu’il « [n’a] jamais été aussi en forme que cette année parce qu’on a perdu très tôt [avec les Spurs en playoffs] et [qu’il a eu] deux mois et demi de vacances ». « J’ai travaillé dur pendant l’été. J’ai travaillé sur mon jeu, j’ai travaillé sur la piste d’athlé parce que je savais que ça allait être un long championnat d’Europe et que j’étais très motivé. »

Parker au sommet de son art

Parker rayonne. Deuxième meilleur marqueur de la compétition avec 22,7 points par match, il porte les Bleus vers le succès. Encore invaincue, l’équipe, déjà qualifiée, a encore deux matchs à disputer : vendredi 9 septembre contre la Lituanie et dimanche 10 contre l’Espagne. Deux matchs de classement donc, qui permettront à TP de rester un peu sur le banc. « Ce serait bien qu’on arrive à faire jouer un peu tout le monde », confie-t-il, généreux. Le sélectionneur français Vincent Collet sait parfaitement qu’il doit ménager les efforts de TP, que ce soit pour l’EuroBasket ou au-delà…

L’éclosion de Noah dans le groupe France

Autre joueur clé de l’équipe de France, Joakim Noah. Il joue en saison régulière dans l’équipe des Bulls de Chicago, rendue célèbre grâce à Michael Jordan, véritable légende vivante du basket. Joakim Noah, qui dispute son premier Euro, fait déjà l’unanimité chez les Bleus. Son physique et son énergie font déjà du pivot des Bulls un joueur indispensable en équipe de France. Tony Parker dit d’ailleurs à son sujet que « pour bien jouer dans une compétition européenne, il faut des bons intérieurs. [Noah] peut incarner la pièce manquante pour que la roue tourne enfin. Il prend de l’expérience. Plus il prend, mieux c’est pour nous. Il a beaucoup d’énergie. Tout le monde se nourrit de cette énergie. Il donne beaucoup de confiance. C’est un joueur unique dans son genre. Peu de joueurs peuvent jouer comme lui ».

Côté énergie, il a de qui tenir, à l’image de son père, Yannick Noah, l’ancien tennisman, vainqueur de Roland-Garros en 1983, aujourd’hui chanteur et compositeur.

TP ne s’est pas trompé, son style énergique et sa défense ont apporté un élément décisif à l’équipe de France désormais d’une grande solidité défensive. Avec son gabarit (2 m 11 pour 105 kg) et sa mobilité, Noah est une arme dissuasive et un « rebondisseur » hors pair (7,8 rebonds par match). Il pousse ses coéquipiers à adopter sa hargne.

Bye bye France, Retour en NBA ?

L’association Noah/Parker a souvent fait fantasmer. Elle est maintenant bien réelle et les chances de qualifier l’équipe de France pour les JO de Londres en 2012 sont plus importantes que jamais.

Mais quid de l’après EuroBasket, rendu illisible par le lock-out (la grève, qui « verrouille » la ligue, d’où son nom). L’avenir de nos deux stars de l’équipe de France dépend de la levée du mouvement.

Pour bien comprendre la situation délicate dans laquelle se trouvent Noah et Parker actuellement, revenons sur l’essence même de ce lock-out et du fonctionnement de la NBA.

La ligue, un véritable business en circuit fermé

Comme toutes les ligues majeures sportives américaines, la NBA est un championnat fermé, c’est-à-dire sans relégation possible. En NBA, les équipes ne changent pas, sauf rachats ou décision du commissionnaire actuel, David Stern. Ce système influe également sur le fonctionnement même des structures de chaque équipe, franchises en américain.

Parce que la ligue est fermée, les bénéfices générés par la NBA sont centralisés puis redistribués aux équipes membres de la ligue. Le salary cap, est la limite fixée par la ligue à la masse salariale de chaque équipe afin de minimiser les inégalités et limiter le regroupement de stars dans une même équipe. Le but est simple : plus les cartes sont partagées, plus la ligue est équilibrée et plus le spectacle est de qualité. Comme les franchises n’ont pas le droit de dépasser un certain seuil de revenu, celles qui enfreindraient les règles devraient payer une amende, redistribuée aux franchises qui les ont respectées…

Le déclencheur de la crise, la convention économique

Pour assurer le bon fonctionnement de la ligue, une convention collective dite « Collective Bargaining Agreement » rassemble les règles de fonctionnement. Cette convention est de durée limitée. Elle est négociée régulièrement entre les propriétaires des franchises et le syndicat des joueurs.

Elle fixe les données économiques de la ligue, le plafond, salaires minimums des joueurs, partages des bénéfices entre les franchises et les joueurs, etc. Ces enjeux économiques donnent naissance à des tensions. En cas de désaccord, les propriétaires possèdent une arme qu’ils utilisent actuellement : le lock-out !

Pour comprendre la « grève »

Techniquement, le mouvement des propriétaires des franchises s’assimile à une grève. Elle consiste à paralyser littéralement la ligue : les joueurs ne peuvent plus avoir de rapport avec la NBA, ils ont interdiction de jouer pour leur équipe, d’accéder aux infrastructures NBA, de communiquer avec les dirigeants, de porter le logo NBA et… de percevoir leur salaire ! Ça va très loin : la NBA a supprimé par exemple de son site Internet les images et vidéos des joueurs actuellement dans la ligue…

Quand le mouvement prendra-t-il fin ? Mais lorsque propriétaires et joueurs auront trouvé un accord. La cause directe tient aux salaires qui « plombent » la rentabilité de certaines franchises. Qui cherchent à obtenir des baisses de rémunération ou davantage d’aides de la part de la ligue. Ce qui était à l’origine un bras de fer entre propriétaires versus NBA s’est transformé en affrontement entre propriétaires et joueurs.

Les dégâts du premier vrai conflit

Ce n’est pas la première fois que la ligue est confrontée à cette situation. Le lock-out 2011 est même le quatrième de l’histoire de la ligue. Les deux premiers n’ont pas laissé de traces car ils n’ont pas duré et le conflit était moins profond.

En 1998, en revanche, la « grève » entamée le 1er juillet dura jusqu’au mois de janvier 1999. À la clé, l’annulation de 32 matchs par équipe au cours de la saison régulière ! Ce fut un désastre pour la réputation et l’image de la ligue autant qu’une catastrophe économique. Perçu par le public comme une « guerre de millionnaires », le conflit oblitéra la dimension sportive. D’ailleurs, au cours des trois années qui suivirent, on a pu sentir le mécontentement du public par la baisse sensible des ventes des entrées et des produits dérivés. Pour l’anecdote, ce lock-out a « aidé » au départ en retraite de Michael Jordan, véritable ambassadeur du basket, ce qui constitua un nouveau coup dur pour la ligue.

Le désastre d’un plafond à 62 millions de dollars

D’après la NBA, les franchises auraient perdu la saison dernière la modique somme de 300 millions de dollars. Vingt-trois franchises sur 30 sont en déficit. Les propriétaires souhaitent donc une redistribution des revenus, une diminution des salaires des joueurs et un hard salary cap (c’est-à-dire un plafond strictement respecté).

Réduire les salaires ? Les joueurs sont prêts à accepter, sur cinq ans, une baisse de 600 millions de dollars (masse salariale globale). Les propriétaires, eux, visent 750 millions. La négociation avance, mais pas sur un autre point : les joueurs refusent en bloc de fixer à 62 millions de dollars la masse salariale pour chaque franchise. Il est vrai que cette limitation aurait des conséquences désastreuses pour la constitution même des équipes.

Un exemple parlant : en Floride, chez les Heats de Miami, les joueurs stars James, Bosh et Wade, perçoivent à eux trois 42 millions… Le calcul est vite fait pour savoir le peu qu’il resterait pour les autres joueurs. Et que dire de l’incroyable Kobe Bryant ? Si la star s’offre d’aller au stade de temps en temps en petit hélicoptère privé, c’est grâce à un salaire annuel de 26 millions de dollars… Plus de la moitié du budget plafonné accaparé par un seul et même joueur ! Tout simplement impossible.

En gelant le budget de la masse salariale à 62 millions par franchise, la NBA s’expose à de terribles conflits entre les joueurs.

Le partage des revenus NBA est actuellement fixé à 57 % en faveur des joueurs et à 43 % pour les propriétaires. Répartition très conflictuelle, puisque les joueurs acceptent un rééquilibrage 54 %-46 % quand les propriétaires veulent un 60 %-40 %.

Joueurs en exode

Les conséquences sont désastreuses. Pas seulement pour le sport et les joueurs. D’abord pour les dommages collatéraux extra-sportifs. Depuis le mois de juillet, de nombreuses franchises licencient une grande partie de leur personnel (service d’entretien du stade, marketing, produits dérivés, etc.).

La presse spécialisée souffre. C’est donc tout un système qui se fissure.

Aujourd’hui, certains basketteurs envisagent l’annulation de la saison entière. Ils prennent les devants et envisageant, avec l’accord des ligues d’accueil, d’aller jouer ailleurs.

D’où l’arrivée de Nicolas Batum à Nancy, de Deron Williams à Fenerbahce en Turquie, et les rumeurs qui donnent Tony Parker partant à l’Asvel. Bien sûr, leurs contrats incluent une clause de retour du joueur dans sa franchise à tout moment.

Mais dès lors, les championnats européens ne seront-ils pas faussés par l’arrivée puis le départ de ces « NBA’ers » ? Certainement, mais la priorité est ailleurs : le mal qui ronge la NBA, mal dont on ne voit toujours pas le bout. Le patron de la Ligue, David Stern, a fixé un ultimatum : si, à mi-septembre, aucun accord n’est conclu, la présaison sera supprimée. Auquel cas, les joueurs américains resteraient en France. Le malheur des uns…

Un espoir de futur européen pour le duo Parker-Noah ?

Et après l’EuroBasket, quid du duo Noah/Parker ? Si la grève se poursuit, signeront-ils un contrat européen, à l’image de Batum ?

« Si ça dure longtemps, pourquoi ne pas jouer à l’Asvel […] ? On décidera fin septembre », confirme déclare un Tony Parker, lui-même actionnaire du club de Villeurbanne.

Quant à Joakim Noah, qui ne privilégie aucun scénario, l’hypothèse d’un club français, lui qui a toujours joué aux États-Unis, ne va pas de soi. Mais il apprécie le basket européen. Noah ne cache pas son enthousiasme pour l’EuroBasket : « C’est trop bon ! C’est vraiment la compétition. On a un petit public qui est à fond. C’est vraiment bien. »

En attendant, les deux joueurs seront encore présents sur les parquets européens dès demain 9 septembre sous le même maillot. Tant mieux pour l’équipe de France…

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