Site icon La Revue Internationale

Les taxis prennent leur envol

[image:1,l]

Combattre les idées reçues

Johannesbourg, Afrique du Sud. L’industrie du taxi en Afrique du Sud lance sa propre compagnie aérienne. Il s’agit de transporter plus rapidement, et par les airs, les innombrables voyageurs. Vous pouvez même voyager avec votre chèvre si le cœur vous en dit !

Mais pour que cette compagnie tienne son pari, il lui faut d’abord restaurer l’image des taxis sud-africains : véhicules délabrés, accidents fréquents, violences…

Quand vous pensez aux taxis en Afrique du Sud, n’imaginez pas les beaux taxis jaunes de New York. Le mot « taxi » se réfère, ici, aux camionnettes blanches de 15 places « officielles »… La plupart du temps ils embarquent au moins 20 (souvent plus) passagers ! Les chauffeurs ont la réputation d’adopter une conduite dangereuse, d’ignorer les réglementations (et le code de la route). Quant à la résolution d’un conflit avec un autre automobiliste, pas de constat amiable : les poings et les pieds servent d’arrangement.

Taxis minibus, fruit de l’apartheid

Ce système de taxi a vu le jour pendant l’apartheid en raison du manque de transport en commun pour les Sud-Africains noirs travaillant dans les zones des Blancs, souvent très éloignées de leurs habitations. Ces « taxis minibus » sont encore couramment utilisés aujourd’hui. Le client doit hurler et gesticuler pour indiquer la route au chauffeur, sans oublier de prier sans l’espoir de s’être bien fait comprendre.

De la route à la voie des airs

Désormais, l’industrie des « taxis » sud-africains, souhaite proposer ses services de façon aéroportés… Quitte à embarquer dans le ciel sa réputation terrestre.

Nkululeko Buthelezi, agent de développement commercial au Conseil national des taxis d’Afrique du sud (Santaco), a confié lors d’une conférence de presse à Johannesbourg : « Je vois certains écarquiller les yeux à l’idée de voir les chauffeurs de taxis piloter de la même manière les avions… mais je peux vous assurer que nous ne laisserons pas nos chauffeurs de taxi piloter ! »

La compagnie aérienne Santaco a été inaugurée officiellement le 16 septembre de cette année, et les premiers vols sont prévus fin novembre. Les premières destinations seront l’aéroport de Lanseria à Johannesbourg, l’aéroport de Bisho dans la province rurale du Cap oriental, et Cape Town International.

Rendre l’avion accessible à tous

Buthelezi explique l’intérêt réel d’un tel projet pour les Sud-Africains noirs qui devaient parfois prendre un taxi pendant 14 heures pour se rendre à un enterrement de cinq heures, par exemple.

La compagnie aérienne Santaco l’affirme : « Les clients potentiels de notre compagnie sont les personnes qui prendraient un taxi minibus pour un long trajet. On souhaite casser l’image que l’avion n’est réservé qu’aux riches ».

Jabulani Mthembu, le président de Santaco, a déclaré que les compagnies aériennes à bas coût rendent ce type de transport beaucoup plus accessible. Qu’elles apporteront dignité, fierté à des personnes qui, sans ces tarifs, auraient seulement pu regarder voler les avions toute leur vie sans jamais pouvoir en prendre un.

Embarquement des chèvres !

Par respect pour la culture, les cérémonies et les traditions locales, les lignes Santaco autoriseront les passagers à apporter leurs chèvres dans les appareils à l’aide de cages spéciales. La compagnie ne précise pas si des gilets de sauvetage seront adaptés à ces passagers à quatre pattes !

À propos des chèvres à bord, Mthembu a défendu son point de vue avec vigueur dans les colonnes de New Age : « Avec certaines compagnies aériennes, les gens voyagent avec leurs chiens dans de petites cages. Alors pourquoi ne pourrions-nous pas faire de même pour le respect des traditions de notre peuple qui nous soutient depuis des années ? »

Opinion publique dubitative

Les prix des billets n’ont pas encore été annoncés, mais pour le moment la compagnie affirme qu’ils seront pris à bord des taxis minibus, lesquels pourraient dès lors servir de navettes « gratuites » vers l’aéroport.

Reste à la compagnie d’envisager de convaincre l’opinion à travers d’importantes opérations de relations publiques. Un sondage en ligne orchestré par le Times de Johannesbourg a démontré que 65 % des sondés ne pensent pas que cette compagnie pourrait fonctionner.

La compagnie aérienne ne sera pas gérée par les patrons des taxis, du moins, dans un premier temps. Santaco sera tout d’abord exploité par Air Verseau, qui fournira les licences des avions et les équipages. Puis, après 18 ou 24 mois d’activité, Santaco devrait reprendre les rênes.

Lorsque Santaco avait annoncé sa volonté de lancer une compagnie aérienne, personne n’avait pris cette annonce au sérieux. Les blagues fusaient sur les réseaux sociaux : les pilotes feraient demi-tour dans les airs, l’argent collecté ne correspondrait pas au nombre de personnes à bord, ou bien les passagers devraient recourir aux gesticulations pour indiquer leur destination aux pilotes…

Jacob Zuma y croit

New Age a rapporté que les dignitaires invités par la compagnie aérienne Santaco pour un vol inaugural « ont été traités comme des rois et ont été accueillis à bord par une équipe souriante, serviable, à la différence des chauffeurs de taxi, grossiers, qui, vous imposent d’un ton rogue votre place ».

Aucune plaisanterie, en revanche, ne vient écorner l’image de la Santaco, tenue pour l’une des compagnies les plus importantes d’Afrique du Sud. Elle est du reste le plus grand des actifs détenus par les Noirs sud-africains : plus de 100 000 propriétaires de taxis seront actionnaires. Pour cette initiative, la compagnie a reçu les félicitations et les encouragements du président Jacob Zuma. Dixit : « Les risques pris par Santaco Airlines sont importants et encouragent l’émancipation économique et sociale de notre pays. »

Après les airs… la voie des mers !

L’industrie du taxi n’entend pas se limiter à la voie des airs. Encouragé par Zuma, Santaco a annoncé vouloir se développer dans le secteur maritime et souhaite lancer une flotte pour la côte orientale du Cap. Peut-être ce redéploiement incitera-t-il la confrérie des taxis mal léchés à changer d’attitude ? Zuma lui-même le déplore : « Pendant de nombreuses années, l’industrie du taxi a été très controversée. Réputée pour la violence, les mauvais services et les résultats très négatifs, l’industrie paie maintenant les frais d’une telle image. » Si c’est le président – et son image – qui le dit…

 

Global Post/Adaptation Pasqualine Nelh – JOL Press

Quitter la version mobile