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L’Europe traîne-t-elle l’euro comme un boulet ?

Londres. Euro ? Quelle crise ? La dette américaine qui explose ses plafonds, là, oui, c’est une crise. L’euro, pas vraiment. Ainsi va l’Europe qui vient de repousser le spectre d’une faillite inévitable de la Grèce. Même l’alarme de l’agence de notation Moody’s qui estime que la Grèce ne pourra échapper au défaut de paiement, pas plus que la montée en flèche des taux d’intérêt en Espagne et en Italie, n’ont ébranlé la confiance du continent européen.

Les observateurs de longue date de la zone euro comprennent que la plus grande région mondiale d’échanges commerciaux ne se gère que dans l’urgence – à coups d’accords de dernière minute entre la France et l’Allemagne.

 

Non, l’euro n’a aucune chance…

Ce qui ne veut pas dire que ces accords ne se prennent pas dans le sturm und drang (littéralement « l’orage et la tension ») pour la France et l’Allemagne avant que leurs dirigeants ne trouvent un accord tard de dernière minute. Et ce scénario limite a tous les risques de se poursuivre tant qu’une question-clé demeure : l’euro survivra-t-il ?

Aucune chance, avait affirmé en juin le fameux économiste américain Nouriel Roubini, lui qui avait prédit la crise immobilière américaine et ce qui s’ensuivit en 2008. Son opinion se fondait sur une Athènes au bord du gouffre en proie aux manifestations des Grecs opposés à la rigueur exigée par les circonstances. La zone, avait-il écrit, est une construction artificielle incapable de fonctionner, compte tenu du gouffre qui sépare ses États membres à économie faible, comme la Grèce, et les économies dynamiques comme celle de l’Allemagne.

 

… sauf qu’il est indispensable !

Mais bien sûr que la zone euro perdurera ! affirme a contrario Stuart Thomson, chef économiste chez Ignis Asset Management, sur son blog quotidien. Pour Thomson, la raison majeure est toute simple : « L’euro survivra pour la bonne raison qu’aucun des États n’a la possibilité de revenir à sa devise d’origine, si ce n’est l’Allemagne. » Des 17 pays de la zone euro, aucun – à l’exception de l’Allemagne – ne dispose d’une économie assez forte pour soutenir une devise nationale face à une économie mondiale de faible croissance. Le dessein premier de la monnaie européenne était d’en finir avec l’inflation des taux de change de l’Union européenne. Pour les affaires, le coût de toutes ces devises qui montaient et chutaient sans cesse représentait un handicap énorme. À ses débuts, l’euro fut un succès et les nations de l’eurozone connurent une croissance rapide. Mais il fallut le choc de 2008 pour en révéler la faille, pense Thomson. « En éliminant la volatilité des cours, l’euro créa les conditions de la volatilité des taux d’intérêt. C’est un moindre mal pour l’économie que les cours fluctuants de monnaie, mais ce n’est en aucun cas un effet favorable. »

 

Union monétaire, mais pas union politique

Le défaut de la construction de l’euro, dénoncé par tous dès l’origine, repose sur sa nature d’union monétaire et non pas d’union politique. La politique fiscale est encore déterminée par chacun des pays membres. « Si vous vouliez en finir avec les dettes de l’Euroland, souligne Thomson, il vous faudrait éliminer les parlements nationaux des membres de la zone euro. » L’Europe devra gérer avec délicatesse ses relations entre États, mais, en attendant, les pays de l’euro devront continuer à gérer individuellement leurs finances à travers les marchés des obligations. Des marchés qui peuvent se révéler cruels dans la mesure où ils obéissent à des arbitrages instantanés relayés par des ordinateurs à l’échelle de la nanoseconde.

 

Marchés instantanés contre décisions humaines

Le volume des intérêts qu’un gouvernement doit acquitter sur ses obligations se pilote en instantané, alors que, dans un même pays, un Premier ministre et son ministre de l’Économie sont susceptibles de mettre deux heures à décider de mesures visant à calmer les marchés. Et la mise sur pied d’un sommet d’urgence entre les dirigeants de la zone euro destiné à évoquer la question de la dette d’un État membre va exiger des semaines. Délai suffisant pour risquer l’effondrement d’une économie nationale pour des années. Une crise en engendre une autre qui en déclenche une troisième alors que la zone euro est encore en train de se bâtir. Et avant que les lois de l’évolution n’aboutissent, bien des économistes estiment que les politiques vont patauger dans la semoule.

 

En attendant la Chine

Car la grande question de la survie de l’euro se pose de la même façon pour tous les pays dans le monde : la faiblesse planétaire de la croissance. La Chine, c’est le Godot de Beckett ! Chacune des économies en situation de faiblesse, en attendant Godot, repousse ses investissements en billets verts sur son propre marché. Ce qui se montre préjudiciable à toute croissance. Mais il semble qu’il n’existe aucune autre stratégie à l’heure actuelle. Les journaux européens n’en finissent pas de gloser sur les intérêts chinois dans les économies de leurs pays. Un exemple, l’hebdomadaire grec E Kathimerini citait il y a quelques jours l’ambassadeur chinois Luo Linquan : « Nous estimons que la prétendue difficulté qu’affronte aujourd’hui la Grèce n’est que transitoire. Je suis heureux de constater qu’un nombre grandissant d’entreprises chinoises expriment leur intérêt à travailler avec leurs amis grecs. » Le China Daily offrit une crédibilité aux propos de l’ambassadeur à échelle de l’Europe : « La Chine a davantage acquis d’actifs en euros qu’elle n’a investi dans les obligations du Trésor américain. »

 

C’est encore loin, les États-Unis d’Europe ?

Ce point est fondamental. Il souligne l’implication directe de l’Euroland et des pays européens telle la Grande-Bretagne hors zone euro dans les conséquences de la crise américaine. Vince Cable, secrétaire d’État britannique au commerce, répondit à la BBC que « le danger majeur pour le système économique mondial est l’attitude de quelques barjots à l’aile droite du Congrès américain, et non pas l’eurozone ».

Cette zone euro passera le cap, comme toute économie en ces temps difficiles, pourvu que les zozos qui jouent à la corde raide à Washington finissent par leur acmé habituel : un accord de dernière minute qui ne résout rien mais qui calme les marchés.

Les États-Unis d’Amérique et les États non encore unis d’Europe partagent toujours des enjeux communs.

 

GlobalPost/Adaptation JOLPress

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