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L’Inde à l’heure du e-commerce

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11 ans après la bulle, l’e-commerce redémarre en Inde


Et pourtant, en Inde, tout avait commencé par un désastre : celui de l’éclatement planétaire de la bulle Internet en 2000, au cours duquel plus de 1 000 sites indiens d’e-commerce avaient disparu. Depuis, le business en ligne avait peu à peu réémergé. En 2011, on s’attend à ce que les Indiens dépensent quelque 10 milliards de dollars en ligne (source : Mobile Association of India). Les sites vedettes, ce n’est pas étonnant, restent ceux du voyage, tel MakeMyTrip.com, et la réservation en ligne avec le portail indien de vente de billets de chemin de fer. Mais les capitaux-risqueurs misent déjà sur le site de vente le plus fréquenté, Flipkart.com, sorte de grand bazar high-tech, de l’informatique à la prise de vue en passant par les livres : sa valeur est estimée à un « fantastique » milliard de dollars, à en croire les analyses.


 


Amazon, « boosteur » d’une offre insuffisante…


Est-ce à dire que l’e-commerce indien est de retour, et en force ? Flipkart est-il un Amazon-killer ? Ou bien assiste-t-on au gonflement d’une nouvelle bulle Internet en Inde ? « L’e-commerce ici en est aux balbutiements. Face à une demande énorme, l’offre n’est pas à la hauteur de ce qu’elle devrait être, confesse Ravi Vohra, vice-président marketing de Flipkart. L’arrivée d’Amazon va donner un coup de fouet à la tendance. Nous nous attendons à ce que de nouveaux entrants élargissent considérablement le gâteau à se partager. »


 


Suppléer l’absence de boutiques « physiques »


De fait, l’e-commerce explose : le marché a augmenté de 50 % cette année. Il est passé de quelque 7 milliards de dollars en 2010 à 10 milliards estimés à la fin de 2011. Mais le commerce de biens manufacturés, des livres aux cosmétiques – une part de marché qui n’excède pas 450 millions de dollars selon Vohra – pourrait bien compter sur une courbe ascendante plus affirmée. Pour des raisons simples : la vente de billets en ligne, train ou avion, en a fini avec la crainte initiale des acheteurs d’acheter en ligne. Flipkart et ses principaux concurrents ont réglé une fois pour toutes les aléas de livraison qui ont plombé l’enthousiasme des premiers acheteurs. Et même si les grandes surfaces et autres galeries commerciales poussent comme des champignons dans l’Inde tout entière, les consommateurs des petites villes trouvent dans l’achat en ligne une gamme de produits et services qu’ils ne trouvent pas sur place puisque les boutiques « physiques » n’ont pas eu le temps de s’implanter près de chez eux.


 


Effet repérage


Le marché du livre frise l’emballement. Un cadre d’entreprise qui a travaillé avec les éditeurs et les distributeurs estime que des vendeurs en ligne comme Flipkart sont à même d’offrir des remises sur les livres bien plus attractives que les libraires installés dans des galeries commerciales aux loyers élevés comme dans les hypermarchés et les aéroports – encore que les petites entreprises à faible marge soient encore à même de s’aligner. D’où, dit notre interlocuteur, cet effet de repérage dans les grandes surfaces et les aéroports, à partir duquel les acheteurs se dépêchent de commander l’article repéré en ligne.


Témoignage d’un habitant de Bombay : « Je préfère acheter chez Flipkart, où je trouve une libraire exhaustive, un site efficace, une livraison rapide, sans souci. Les livres, je ne les achète plus en librairie, sauf si je tombe sur un titre qui m’intéresse, mais à l’occasion d’un tour chez un libraire, ce qui ne m’arrive plus souvent. »


 


S’adapter aux déficiences locales


D’où vient Flipkart ? Il a été fondé en 2007 par Sanchy et Binny Bansal, qui étaient tous deux des salariés chez Amazon. Son succès a un secret : ses créateurs ont adapté le modèle Amazon aux particularités du marché indien. En commençant par développer en pionniers un système de paiement à la livraison et une organisation de transport des commandes « maison » pour pallier un taux de pénétration faible de la carte de crédit et un service postal réputé pour ses pertes et ses retards. Un réseau capable de couvrir presque ¼ du pays. Au-delà des livres, le vendeur en ligne propose musique, films, jeux, logiciels, téléphones portables et appareillage électronique, et annonce un chiffre d’affaires mensuel de 6 millions de dollars.


 


1 milliard de dollars


Le marché de Flipkart a beau plafonner au centième de celui d’Amazon, l’ancien employeur de Sanchy et Binny Bansal devra développer plus qu’une interface attractive pour espérer marginaliser ses nouveaux concurrents. Mais peut-on croire que Flipkart vaut vraiment 1 milliard de dollars ?


Une étude de VCCircle.com, datée de juillet 2011, estime l’appréciation fondée au regard des quelque 150 millions de dollars de prise de participation alléguée du capital-risqueur General Atlantic Partners. Vohra, le vp de Flipkart, ne confirme ni infirme. Mais à en croire les données rassemblées par Venture Intelligence, la montée des prix n’a pas dissuadé les investisseurs de miser de plus en plus gros sur les entreprises d’e-commerce indiennes – quand bien même aucunes d’elles n’ont encore réalisé de profit.


 


Vendre à perte ?


Les capitaux-risqueurs et les banques d’investissement ont injecté dans les 140 millions de dollars dans les start-up de commerce en ligne au cours des six derniers mois, à comparer aux 48 millions de l’année 2010 (alors que la valorisation de quelques « jeunes pousses » a été multipliée de 4 à 6 points, affirme un récent article paru dans Forbes India).


« Ces valorisations […] me paraissent un peu forcées, juge Alok Mittal, directeur général du capital-risqueur Canaan Partners. Quoique l’on assiste à l’émergence d’un fort marché de consommation qui adopte l’e-commerce. » En ce moment, les prises de participation dans bon nombre de start-up atteignent des prix qui les valorisent plus de dix fois le montant de leurs ventes. Et même si ces ventes décollent, le modèle d’affaires que Flipkart et d’autres ont initié en pariant sur l’émergence d’une nouvelle chaîne d’approvisionnement qui supplée les déficiences de l’existant indien et face à des consommateurs qui restent prudents – transports gratuits, paiements à la livraison, gros rabais –, laisse entrevoir que quelques-uns des acteurs du marché vont laisser des plumes sur chaque vente. En calculant les coûts du transport, des remises, du contre remboursement et des retours pour un livre, par exemple, Forbes India a estimé qu’un exemplaire vendu pourrait se vendre à perte de 15 %.


Bien sûr, c’est le genre de mise en garde que l’on a d’abord opposé à Amazon – lequel se prépare à débarquer en Inde au début de l’année prochaine. Et du reste, des libraires, sur place, estiment que dans le cas de Flipkart, les chiffres sont encore plus défavorables. « Les remises, dans le domaine du livre, sont un phénomène difficile à appréhender quand on n’est pas du métier. Mais cette logique, Flipkart l’a bien comprise, pense un responsable chez un distributeur de livres de Bombay. La plupart des revendeurs, explique-t-il, ne pratiquent des rabais significatifs que sur certains titres, qu’ils feront supporter à l’éditeur. « Au pire, les vendeurs en ligne vont courir des risques similaires aux vendeurs de beaux-livres, pas plus. »


 


GlobalPost/Adaptation JOLPress

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