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Maladies non transmissibles : l’ONU mobilise

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Vous avez dit MNT ? MNT, un acronyme passé inaperçu. Pourtant, ces maladies dites « non transmissibles » sont une réalité présente dans tous les esprits. Pas un être humain dans le monde qui n’y ait été confronté personnellement ou à travers ses proches. Sous le vocable, se cachent en effet, dans le désordre, les affections cardio-vasculaires, les maladies respiratoires, le diabète et, bien sûr, les cancers.

Le seuil épidémique est atteint

Elles sont, toutes réunies, la première cause de mortalité mondiale. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a réalisé un audit approfondi de la situation. Il fait l’objet d’un rapport, présenté en avril 2011 à Moscou lors du Forum mondial de l’OMS de la santé (OMS). 36 millions des 57 millions de décès enregistrés dans le monde chaque année sont dus à des maladies non transmissibles. Funèbre classement que celui des maladies : en tête, les maladies cardio-vasculaires représentent 48 % de ces décès, deuxièmes les cancers pour 21 %, suivis des maladies respiratoires chroniques 12 % et du diabète 3 % « seulement ». En ce début de XXIe siècle, alors que la peur des virus engendre psychose après psychose, on assiste bien à une épidémie mondiale des maladies qui ne s’attrapent pas et ne se transmettent pas, les MNT. Pour le directeur général de l’OMS, le Dr Margaret Chan, « l’augmentation des maladies chroniques non transmissibles représente un énorme défi. Pour certains pays, il n’est pas exagéré de décrire la situation comme une catastrophe imminente, une catastrophe pour la santé, pour la société et surtout pour les économies nationales ».

La fin d’un mythe

Derrière ces chiffres bruts, deux réalités toujours plus préoccupantes : l’âge et les disparités géographiques. Ainsi, en 2008, parmi tous ces décès, 9 millions sont survenus avant l’âge de 60 ans – on parle alors de décès « prématurés » – et près de 90 % sont recensés dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. On observe ainsi que, dans les pays à faible revenu par rapport aux pays à revenu élevé, les hommes et les femmes ont une probabilité trois fois plus élevée de mourir de MNT avant l’âge de 60 ans. Selon des estimations de l’OMS, la proportion des hommes mourant de MNT avant l’âge de 60 ans est susceptible d’atteindre 67 %. Pour les femmes de moins de 60 ans, la proportion la plus élevée est de 58 %. Chez les moins de 60 ans, les plus faibles taux de mortalité par MNT sont respectivement de 8 % pour les hommes et de 6 % pour les femmes. Le mythe selon lequel les MNT ne seraient qu’un fléau pour les pays riches s’effondre.

Un impact fort sur le développement

Pire encore, elles concernent davantage les pays à faible revenu et les maintiennent dans la pauvreté et le sous-développement. « Les maladies non transmissibles chroniques portent un double coup au développement. Elles provoquent des milliards de dollars de pertes pour le revenu national et entraînent chaque année des millions de personnes au-dessous du seuil de pauvreté », dénonce le Dr Margaret Chan. Près de 30 % des personnes qui meurent de maladies non transmissibles dans les pays à revenu faible ou moyen sont âgées de moins de 60 ans et sont donc dans leurs années les plus productives. « D’où d’énormes pertes, non seulement au plan individuel, mais aussi à l’échelle familiale puis pour la population active d’un pays. Pour les millions de personnes qui luttent pour sortir de la pauvreté s’ensuit un cercle vicieux. La pauvreté contribue aux MNT et les MNT contribuent à la pauvreté. À moins de combattre énergiquement l’épidémie de maladies non transmissibles, l’objectif mondial de réduction de la pauvreté sera très difficile à atteindre », alerte le Dr Ala Alwan, sous-directeur général de l’OMS, chargé des maladies non transmissibles et de la santé mentale.

Les causes évolutives des MNT

Les quatre principaux facteurs de déclenchement de maladies non transmissibles sont le tabagisme, la sédentarité, l’usage nocif de l’alcool et une alimentation déséquilibrée. Mais les comportements individuels n’expliquent pas tout. Loin de là. À la veille du Sommet de New York, une centaine d’experts ont tenu à alerter sur ce point les organisateurs : « Nous soutenons les recommandations en faveur d’une limitation de la consommation de tabac et d’un régime alimentaire sain, pauvre en sucres raffinés, graisses saturées et sel, mais nous n’acceptons pas que des pressions émanant d’intérêts économiques mettent en péril les efforts déployés par la communauté internationale des professionnels de santé pour accompagner ces populations vers un changement de comportement responsable ». Ensuite, ils demandent que la problématique soit élargie à d’autres facteurs de risques comme le travail, particulièrement celui des enfants, et l’environnement. Et de citer la pollution physico-chimique qui contamine l’air, l’eau, les sols… ainsi que la présence dans notre milieu professionnel et domestique de « substances cancérogènes, tératogènes, perturbateurs endocriniens et autres agents toxiques. Ils attirent également l’attention sur les personnes les plus sensibles à ces pollutions que sont les femmes enceintes et les enfants, et sur des maladies émergentes comme les troubles de la fertilité. En filigrane, une critique acerbe de nos sociétés et modes de vie, autant de pratiques désormais mondialisées.

La globalisation des pratiques

Fini le mythe des MNT, maladies de riches. Même dans les pays à faible revenu, la vie a bien changé sous les effets de changements politiques et socio-économiques intervenus au cours des 20 dernières années. C’est un des nombreux aspects de la mondialisation. Ainsi, avec l’émergence de classes moyennes aux modes de vie sédentarisés dans des villes toujours plus surpeuplées et polluées, se reproduisent les conditions de développement des MNT telles qu’observées il y a plusieurs décennies en Europe ou aux États-Unis. En même temps, la recherche a tant progressé qu’il existe des moyens beaucoup plus efficaces de soigner l’essentiel de ces maladies, ou en tout cas de vivre mieux, plus longtemps avec. On n’ose d’ailleurs pas imaginer les niveaux qu’atteindrait cette épidémie si de telles avancées n’avaient eu lieu, dans la lutte contre les cancers ou le diabète, notamment.

L’insuffisante aide au développement

Mais encore faut-il avoir accès à tous ces progrès… On sait très bien qu’au sein d’un même pays, riche et développé, il existe d’incroyables disparités d’un service hospitalier à l’autre. L’on ne peut ignorer que soigner, au moyen de longues et sophistiquées thérapies, coûte horriblement cher, et qu’il sera difficile aux gouvernements de faire face à une augmentation continue des dépenses de santé publique. Si les inégalités devant l’accès aux soins sont indéniables au sein d’un même pays, on imagine aisément ce qu’elles deviennent d’une région du monde à l’autre. Afrique, Moyen-Orient et Asie sont en première ligne face à l’offensive des MNT. Rien d’étonnant puisque l’on y assiste à un développement galopant mais très inégalitaire. Le fléau a atteint de telles proportions que l’on estime qu’en 2020 ces maladies tueront plus en Afrique que les maladies traditionnellement associées à ce continent, les maladies transmissibles comme le VIH ou le paludisme. L’aide au développement consacré à la lutte contre les MNT demeure insuffisante : « Seulement 3 % de l’aide officielle des pays membres de l’ONU au développement sont consacrés aux MNT », souligne le Dr Alwan.

Une seule solution, la prévention

La prévention est la pierre angulaire de la lutte contre cette épidémie. Des millions de décès pourraient être évités si l’on appliquait de façon plus stricte les mesures qui existent aujourd’hui. Il s’agit de politiques visant à promouvoir une action gouvernementale contre les MNT, une réglementation antitabac plus stricte, une alimentation saine et de l’exercice physique, tout en réduisant l’usage nocif de l’alcool et en améliorant l’accès aux soins de santé essentiels. Mais une amélioration de la situation passe aussi par une surveillance accrue, pour une détection plus précoce et un traitement adéquat, avec un accès sûr et bon marché aux médicaments.

La réunion d’experts qui s’ouvre ce lundi 19 septembre à New York débouchera sur la rédaction d’une déclaration de principes à suivre pour lutter contre l’épidémie mondiale de maladies non transmissibles. Au cours de la semaine, les 193 États membres, présents à la séance plénière de l’Assemblée générale des Nations unies, se prononceront sur ce texte à la demande expresse du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon.

Faute de mesures, les maladies non transmissibles tueront 52 millions d’êtres humains chaque année, environ le nombre total des victimes de la deuxième guerre mondiale… sans qu’un moindre coup de canon ne soit tiré.

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