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Pablo Escobar, nouvelle attraction touristique

Visite morbide

Medellin, Colombie. C’est une après-midi maussade, un van rejoint le cimetière du Jardin Sacré dans la banlieue de Medellin en Colombie. Les nuages sont gris et une violente averse s’abat.

Malgré l’aspect morbide que pourrait revêtir la visite d’une tombe, une vingtaine de touristes israéliens posent tout sourire à côté de la pierre tombale de Pablo Escobar.

C’est là que Pablo Escobar a dirigé d’une main de fer l’une des plus importantes organisations criminelles du monde. Il a repris le cartel de Medellin en 1975, puis, en 1980, il a contrôlé l’approvisionnement de cocaïne aux États-Unis. Connu pour son caractère impitoyable, Escobar est soupçonné d’avoir ordonné la mort de centaines, sinon de milliers de gens qui s’opposaient à lui.

Et maintenant, pour une somme modique, les touristes viennent faire le tour de la vie et de la mort d’« El Patrón ». Le but de cette excursion ? Pour Voir La Colombie, l’agence de voyage organisatrice, il s’agit de montrer tant la beauté que la face cachée, avec toute sa violence, de l’histoire de la Colombie.

Alors que les habitants ont longtemps visité de façon informelle la ville natale de Pablo Escobar, Voir La Colombie est la première agence à la rendre publique et d’en faire la publicité. Ils attirent désormais plusieurs centaines de touristes chaque mois qui viennent explorer la vie de celui qui fut, autrefois, l’homme le plus recherché du monde.

Les bénéfices à des œuvres caritatives

Les bénéfices de la « Tournée Escobar », gérée par sa famille, sont reversés à deux cents patients atteints du VIH qui ne peuvent pas payer les frais médicaux, et à d’autres collectivités pauvres de Medellin.

JL Pastor, directeur de Voir la Colombie, déclare que « nous ne voulons pas faire d’Escobar un mythe, et nous ne voulons nullement glorifier ce qu’il a fait. C’était un homme répugnant, qui a tué énormément de gens et a semé la terreur dans tout le pays. Le but de cette tournée est que les gens du monde entier réalisent ce qui s’est passé en Colombie et que maintenant, nous sommes entrés dans une nouvelle ère. »

Les touristes posent sur la tombe et « post » ensuite leur photo sur Facebook. Natalia, la guide touristique de la tournée, nous explique que la tombe d’Escobar est loin d’être la plus luxueuse de Medellin.<!–jolstore–>

La tombe, modeste effectivement, est tout simplement un carré d’herbe où des fleurs déposées par la famille, font office de pierre tombale. La seule couleur est une rose quasi morte. Sa simplicité est surprenante lorsque l’on sait que Pablo Escobar était considéré comme le septième homme le plus riche du monde par Forbes, avec une fortune estimée à plus de 25 millions de dollars.

Première étape : la maison de sa mort

Au-dessus des graffitis colorés, communs aux villes de Colombie, voilà le toit, où, après un an et demi de traque, Escobar a finalement été tué. Il a été traqué par les forces de sécurité colombiennes, avec le soutien des États-Unis. Une balle en pleine tête a mis fin à sa carrière. Sur ce toit.

Debout sous la pluie, Natalia anime le débat sur la mort d’Escobar : a-t-il été tué par la police ou s’est-il suicidé ? ​​ Sa famille affirme mordicus qu’il s’est suicidé : l’angle de la balle dans son crâne. De plus, ils affirment qu’Escobar disait souvent : « Je préfère être dans une tombe en Colombie que dans une cellule aux États-Unis. »

Arrêt suivant : la maison du frère

Il nous accueille chaleureusement à la porte, dans sa veste de sport et une casquette de baseball vissée sur la tête. Le seul signe apparent de sa vie d’avant est une blessure à l’œil droit (une tentative d’assassinat par lettre piégée).

« Bienvenue chez moi, n’hésitez pas à prendre des photos et je vous souhaite une bonne découverte de notre histoire », dit-il timidement en espagnol. Roberto a passé dix ans en prison pour son rôle en tant que comptable dans le cartel, à travailler à cacher les vastes profits de l’organisation. Après sa libération, Roberto a décidé de créer la fondation, d’utiliser la tournée pour lever des fonds.

L’attraction principale de la tournée est la maison où vit maintenant Roberto. Elle a été l’une des favorites de Pablo, une maison qui renferme les souvenirs de sa carrière criminelle.

Dans le garage se trouve une jeep encore chargée 4,5 tonnes de balles données en cadeau par le cartel de Cali, rival acharné du cartel de Medellin, pour tenter une trêve. La tentative de paix a été un échec. Avec cette voiture, Pablo avait forcé un barrage de police… un orifice de balle est toujours visible dans la fenêtre du passager. Mise en scène.

Prison Escobar

Dans l’entrée de la maison, derrière une Harley Davidson achetée à Frank Sinatra, figure une grande photo de Pablo Escobar debout derrière les barreaux à « La Catedral », une prison qu’il avait construite pour lui-même au cas où les États-Unis auraient voulu l’emprisonner en Colombie à défaut d’extradition !

« La Catedral » comporte un jacuzzi, un zoo et même une maison de poupée géante. Sur la photo, il portait un chapeau que les Américains ont demandé à avoir, pour s’assurer qu’Escobar était toujours derrière les barreaux. Maintenant, les touristes ont la possibilité de prendre une photo avec Roberto avec le même chapeau que celui de la photo…

Dans la maison, on visite la chambre forte construite pour cacher Pablo et ses proches collaborateurs. Un bureau, toujours garni de 4 millions de dollars, en réserve. Ce qui plaît énormément aux touristes, c’est de s’asseoir à la table même où Pablo a pris son dernier dîner.

La rumeur veut que le garde du corps favori de Pablo ait renversé un verre de vin le jour d’avant le raid. Le verre brisé a atterri à l’envers. Le garde du corps y a vu un présage. Il dit à Pablo qu’ils devraient fuir immédiatement. Pablo n’en a pas tenu compte. Il a été tué le lendemain.

Roberto Escobar anime la fin de la tournée

Un touriste péruvien insiste pour poser des questions sur ses liens avec les cartels de drogue au Pérou. Le timide du début s’enflamme : « Je ne vais pas trahir ceux avec qui nous avons travaillé. » Et lorsqu’on lui demande quel souvenir il voudrait que l’on retienne de son frère, il répond dans un sourire : « C’était un homme travailleur, fier d’être colombien, un bon politicien qui voulait seulement aider les pauvres et améliorer son pays. » Ses derniers mots : « C’était un homme bien, mais comme nous tous, il a fait quelques erreurs. » Quelques milliers d’erreurs ?

 

Global Post/Adaptation Pasqualine Nelh – JOL Press

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