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Pour en finir avec la contrebande des animaux

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Récupérés avant de prendre le large

Mogadiscio, Somalie. Derrière une enceinte fortifiée entourée de sacs de sable près de l’aéroport de Mogadiscio se trouve un grand enclos clôturé où vivent les deux adorables petits lionceaux sauvés de justesse plus tôt dans l’année.

Les deux lionceaux, surnommés Grincheux et Scar, ont été découverts à bord d’un navire dans le port de Mogadiscio, une ville déchirée par la guerre depuis février. Ils ont été récupérés et soignés par des membres de l’ONG Bancroft Global Development.

Les agents pensent qu’ils devaient être expédiés vers la maison d’un riche propriétaire d’animaux exotiques dans le golfe Persique. Leur découverte nous éclaire sur l’important marché noir de la faune de la Somalie mais également sur le pillage des ressources naturelles de ce pays où règne l’anarchie.

Pays du Golfe, Extrême-Orient et Asie : principaux acteurs du trafic

Le Dr Osman Gedow Amir, président de l’Organisation pour le développement de l’agriculture biologique en Somalie, explique que « le trafic d’animaux est devenu un réel drame depuis la chute de l’État somalien ». Formé en Allemagne, il est l’auteur de recherches sur les ravages provoqués sur l’environnement par 20 ans de guerre en Somalie.

En se référant à un document soumis à l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature en 2006, il constate : « Mes études ont permis de révéler que les pays du Golfe et de l’Extrême-Orient, suivis de l’Asie, sont les principaux demandeurs de contrebande en provenance des régions de Somalie. » Ses recherches montrent que la contrebande de grands oiseaux tels que les rapaces et les outardes (sortes de vautours), ainsi que des antilopes, est plus répandu que le trafic des lions. Ils sont tous achetés illégalement pour devenir animaux de compagnie. La demande en provenance d’Asie concerne principalement les reptiles, dont les serpents et les caméléons.

Contrebande : « La grande entreprise »

Amir a estimé que Grincheux et Scar pourraient valoir environ 1 000 dollars chacun, « C’est la grande entreprise », dit-il. La contrebande, prévient-il, pourrait conduire à la disparition de certaines espèces.

Selon lui, les animaux ne sont pas les seuls à souffrir de la contrebande, « D’énormes quantités de charbon de bois sont exportées vers les pays du Golfe, nous détruisons notre écosystème. »

Le charbon, autre or noir de la contrebande

Un rapport publié récemment par une équipe d’enquêteurs des Nations unies pour la surveillance de l’embargo sur les armes en Somalie, décrit le commerce du charbon de bois comme de l’« or noir » pour Al-Shabaab, un groupe d’insurgés islamistes en Somalie, qui tire d’importants bénéfices de ce commerce.

Le rapport indique également que « le charbon est recueilli dans les zones riveraines et agricoles », qu’il « provient principalement des forêts d’acacias entre les rivières Juba et Shabelle. Le charbon est ensuite emballé et vendu dans des sacs de 23 à 25 kg chacun. Le charbon de bois est devenu la source la plus lucrative de revenus pour Al Shabaab. On estime que 80 % du charbon produit en Somalie est destiné à l’exportation. »

Des bénéfices de près de 15 millions de dollars

Le rapport estime que le revenu annuel d’Al Shabaab généré par l’exportation du charbon de bois par le port Kismayo, au sud de la Somalie, est de plus de 15 millions de dollars. Les conséquences de ce trafic sont désastreuses : une déforestation massive et une destruction de la faune.

À Mogadiscio en août, le Premier ministre somalien Ali Mohamed Abdiweli s’en prend à la famine, qui, d’après lui, est la cause de l’anarchie et favorise la « dégradation de l’environnement ». C’est surtout d’un durcissement des lois dont on a besoin pour sauvegarder la faune, réplique Amir, « et surtout que l’État veille à leur application ». Les deux petits lionceaux ont été extrêmement chanceux. Avec leurs pattes surdimensionnées, leurs oreilles poilues et leurs adorables tâches sombres sur le ventre, les lionceaux rescapés sont devenus une véritable attraction dans le camp dirigé par Bancroft Global Development à proximité de l’aéroport de Mogadiscio.

Rescapés et heureux

Comme de vraies stars, ils disposent d’un enclos spacieux, sous haute protection, avec un bosquet d’acacias et un abri en bois en cas de pluie tropicale.

Leur gardien, qui souhaite conserver l’anonymat, était un maître-chien sud-africain, il a travaillé avec l’équipe des conseillers en sécurité de Bancroft à Mogadiscio. C’est lui qui a escorté les lionceaux loin de l’endroit où ils avaient été embarqués illégalement.

Ses mains et ses avant-bras sont couverts d’entailles et d’égratignures faites par les lionceaux, que ce soit le jour de leur sauvetage ou lorsqu’il joue avec eux. Car Grincheux, surtout, se montre parfois digne de son nom en jouant !

Le soigneur : « Ils sont tombés entre nos mains car personne d’autre n’avait la capacité de s’occuper d’eux, donc nous les avons pris immédiatement. Nous les avons tiré d’affaire, les avons nourris et soignés avec des antibiotiques pour les garder en bonne santé. Ce n’est pas la même chose que s’occuper de chiens ou de chats. »

Quand ils sont arrivés, les lionceaux étaient de la taille de chatons. Ils ont été nourris avec un mélange d’œufs, de viande et de lait. Ils ont grandi rapidement. À la fin de leur séjour à Mogadiscio, ils mangeaient une chèvre entière tous les jours…

Récemment, un vétérinaire de l’Ouganda les a examinés soigneusement, a réalisé des prélèvements sanguins et les a vaccinés afin qu’ils soient fin prêts pour leur « exfiltration » vers leur futur terrain de jeux, la réserve sud-africaine.

Les petits lionceaux manquent cruellement aux résidents et aux visiteurs de Bancroft à Mogadiscio, mais chacun sait qu’ils seront heureux dans la réserve et surtout en sécurité en Afrique du sud, loin de la Somalie.

 

Global Post/Adaptation Pasqualine Nelh – JOL Press

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