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Prêts structurés : les nouvelles bombes à retardement ?

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Face à l’évolution de la situation liée à un impact des prêts structurés sur la finance des collectivités, je pense particulièrement utile de faire un point sur ces « bombes à retardement » qui risquent de produire un effet dévastateur sur l’ensemble de nos collectivités locales et, donc, de nos concitoyens.

 

Bref rappel de la définition des prêts structurés

Dans un prêt classique, le taux d’intérêt est égal au coût de ressource de la banque, en fonction des conditions financières prévalant lors du prêt, majoré d’une marge.

Un « prêt structuré » offre un taux d’intérêt à payer par l’emprunteur qui résulte de l’évolution de plusieurs paramètres (par exemple, différence entre taux fixes à 2 et à 10 ans, cours de certaines devises, niveau des taux du marché monétaire) avec ou sans effet de levier.

Les banques prêteuses couvrent ces prêts structurés en acquérant des options de taux ou de change sur les marchés financiers.

En fait, un prêt structuré est un prêt classique pour lequel l’emprunteur ou la collectivité locale vend une option – de taux ou de change, plus ou moins complexe, avec ou sans effet de levier – à la banque prêteuse. Laquelle revend cette option sur les marchés financiers.

Le gain réalisé par la vente de l’option est redistribué à l’emprunteur public sous forme de baisse de la marge de son prêt.

À l’origine, le taux du prêt structuré est ainsi plus bas que le taux d’un prêt classique, et reste inférieur aux taux du marché monétaire ou aux taux à long terme.

Comment et pourquoi un tel dérapage ?

Passé la première période, qui peut durer plusieurs années, la formule d’indexation va déterminer le prochain intérêt.

Celui-ci peut rester plus bas que les taux de marchés ou se révéler supérieur.

Si l’on veut évaluer le risque du prêt structuré sur les périodes à venir pour la collectivité, il suffit de calculer le prix de l’option contenue dans le prêt structuré : si sa valeur est supérieure à la valeur de l’option vendue par l’emprunteur lors de la souscription du prêt, alors la collectivité est potentiellement en perte sur ce prêt par rapport à un prêt classique.

Cette perte ne se matérialise néanmoins que si la collectivité rachète l’option qu’elle a initialement vendue, en remboursant le prêt structuré et en payant l’indemnité de remboursement anticipé prévue au contrat.

Sinon, la collectivité maintient son prêt, et espère que les paramètres redeviendront favorables.

Comme les conditions de l’intérêt acquitté par l’emprunteur public dépendent de l’indexation précédente, son niveau ne permet pas de déterminer le risque potentiel d’évolution ultérieure.

Ainsi la collectivité pourrait, actuellement, payer un intérêt au taux voisin de 1 %, soit très en dessous des taux de marché, et pour autant supporter une valeur de l’option contenue dans le prêt très négative.

Quelle est la situation actuelle ?

Nous pouvons estimer à environ 35 milliards d’euros les « prêts structurés » souscrits par les collectivités locales, les hôpitaux et les organismes de logement social en France.

D’après nos informations, les principales banques qui ont octroyé des « prêts structurés » sont : Dexia avec environ 25 milliards, puis BPCE avec environ 6 milliards, le Groupe Crédit Agricole avec environ 2 milliards, Société Générale avec environ 2 milliards d’euros également.

Le solde est détenu par des banques étrangères (DEPFA, RBS…).

Quelles ont été les initiatives publiques jusqu’à ce jour ?

La mission Gissler a été constituée qui a rendu ses premières conclusions.

Les prêts y sont classés en quatre catégories : des moins sensibles (sans effets de levier, sur niveaux des taux euros, aux plus sensibles, avec effets de levier sur les devises).

L’analyse de la valeur moyenne des prêts, aujourd’hui, de la première catégorie, peut se révéler actuellement négative (de – 6 % à – 10 %) pour les prêts consentis avant la crise financière. Et dépasser – 70 % sur les prêts les plus risqués octroyés à cette période.

On estime que pour l’ensemble des prêts structurés, cette indemnité théorique serait de l’ordre de 30 % du montant global des prêts, soit environ 10 milliards d’euros.

En comparaison, les indemnités sur taux fixe auxquelles ont dû faire face les collectivités locales lors de leurs réaménagements dans le début des années 2000 étaient de l’ordre de 15 % pour des emprunts à taux fixe contractés les années précédentes.

Pour autant, cette année, la quasi-totalité des emprunteurs continuent à payer des taux plus avantageux que les taux de marché. Ce paradoxe s’explique : lors des premières fixations, les situations des devises, par exemple, avaient été observées avant les variations brutales récentes des devises ou des taux.

Les prochaines refixations des taux devraient par contre faire apparaître ou amplifier le phénomène.

Les premières « affaires » (Conseil général du 93, St-Étienne…) indiquent que le processus est enclenché.

En effet, sur certaines formules, les plus risquées, le taux de réindexation actuel risque de faire augmenter le taux à plus de 15 %, soit plus de 10 % au-dessus du taux « normal ».

Le risque principal provient des collectivités qui présentant une situation financière dégradée, et qui ont massivement utilisé ces formules pour masquer la hausse de leur coût de dettes, en choisissant alors les formules les plus risquées.

Quelles conclusions devons-nous en tirer ?

Une telle situation doit conduire à la mise en place d’un consensus national de l’ensemble de nos responsables politiques, toutes les tendances confondues.

À l’image de la médiation du crédit, il serait souhaitable de voir émerger une « commission de conciliation » dont la présidence pourrait être assumée conjointement par M. Jérôme Cahuzac, président de la Commission des Finances à l’Assemblée nationale, et par M. Philippe Marini, rapporteur général de la Commission des Finances au Sénat.

Cette Commission réunirait des parlementaires, des magistrats et des professionnels de la finance. Elle serait chargée de trouver une solution immédiate pour enrayer la judiciairisation de ce dossier.

Concomitamment, et afin de répondre aux besoins financiers qui, inévitablement émergeront des solutions envisagées, il nous paraît indispensable que l’État se dote d’une structure financière de mission d’intérêt public, comme l’avait été le Crédit Local de France. Avec capacité d’émettre sur le marché. Et de regrouper dans son capital des institutions financières, telles que la Caisse des Dépôts, La Poste, mais aussi les collectivités locales et régionales.

Véritable banque nationale du logement et des territoires, cette structure permettrait de répondre à une double problématique : celle de trouver une solution pérenne aux règlements des difficultés financières des collectivités locales, sans faire appel aux deniers publics et, en outre, d’éviter aux banques concernées de voir leur situation se dégrader dans un climat boursier particulièrement peu propice à entendre ce genre de nouvelle.

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