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Survivre avec l’hépatite B en Chine

Beijing (Pékin). La Chine regroupe un tiers des porteurs de l’hépatite B du monde. Paradoxalement, il s’agit du pays où la discrimination à l’égard des porteurs est la plus forte : ils sont rejetés par les employeurs et les écoles, par leurs amis et par leur partenaire. Cette tendance s’inscrit dans la durée. Du coup, certains organismes ont mis au point des solutions pour procurer à ces nouveaux « lépreux » une vie normale, sans être marginalisés.


Louer le sang d’un autre


Ces dernières années, de nombreux sites Web d’un nouveau genre ont vu le jour. Ils offrent aux porteurs du virus de trouver leurs « gunmen » (« hommes sains ») pour passer les tests sanguins… à leur place. Des « services » disponibles pour n’importe quel test sanguin en Chine. Pour une somme comprise entre 125 et 300 dollars, les « gunmen » se présentent aux examens de santé de pré-emploi. Les porteurs de l’hépatite B sont ainsi rétablis dans leur équilibre de chances par rapport aux autres candidats.


Yang Zhanqing, directeur exécutif du centre Yirenping de Pékin qui offre une aide juridique aux victimes de discrimination, soutient l’action de ces sites. « Leur service est vraiment une bonne chose en ce moment. »


Un virus qui coupe du monde


Les porteurs du virus, dans leur vie professionnelle ou personnelle, sont vraiment des parias. Des sondages très récents menés par le centre Yirenping montrent à quel point cette discrimination est forte et les croyances erronées sur la transmission du virus profondément ancrées.


Zhou Juejiang, 24 ans, s’est heurtée à de nombreux refus à cause de son hépatite. « En 2005, j’ai postulé pour un emploi et j’ai informé la société que je suis atteinte de l’hépatite. J’étais très émue au téléphone, à la limite de pleurer. J’ai promis de travailler dur. Ils ont dit devoir en discuter avec la direction mais ne m’ont jamais recontactée ». Les larmes, cette fois, coulent : « J’ai été recalée par beaucoup d’employeurs. Mon seul choix semble être celui de retourner dans mon village et travailler dans l’agriculture, car c’est le seul emploi qui ne nécessite pas d’examen médical ».


Les « gunmen » sont-ils immoraux ?


D’autres porteurs du virus, ont raconté des histoires similaires, les tests sanguins mettent malheureusement fin aux recherches d’emploi, aux carrières et même aux mariages.


Pourtant, Zhou considère le recours aux services de « location de sang » fournis par ces sites, comme immoral. Au lieu d’utiliser cette solution qui lui permettrait d’envisager une vie meilleure, elle préfère espérer que la société va changer.


Pourtant, plus d’un an après que le gouvernement chinois a interdit aux entreprises, aux administrations et aux écoles d’exiger des tests sanguins pour déceler l’hépatite B, la pratique reste très répandue. Les défenseurs des personnes atteintes ou porteuses du virus affirment que malgré l’ordre, la plupart des entreprises incluent encore ce test dans leur processus de recrutement et rejettent automatiquement tous ceux qui apparaissent positifs. 


Yang, du centre de dépistage Yireping, a déclaré que l’hépatite reste encore très répandue dans les écoles maternelles du pays, et que les enfants, au cours de leur croissance, garderont le virus et ontinueront à contaminer les autres, durant leurs études supérieures.


Yang précise que l’hépatite infecte malheureusement toute la vie du porteur : « Elle touche tout. S’ils veulent aller à un hôpital pour quelque chose, ils ne peuvent pas dire qu’ils sont porteurs. S’ils veulent se marier, ils ne peuvent pas parler. Ils ne peuvent pas le dire à leurs amis ou à quiconque, ils se feraient rejeter ».


L’hépatite est endémique en Chine


La transmission de l’hépatite B passe par le sang, la salive ou les relations sexuelles non protégées. Cette maladie s’est beaucoup répandue en Chine à cause d’un faible taux des vaccinations et une forte dépendance de la population aux injections et perfusions (aiguilles contaminées).


Yang a expliqué que les croyances erronées sur l’hépatite B remontent à une épidémie à Shanghai et à Nanjing dans le début des années 1990, quand des dizaines de milliers de personnes sont tombées malades. Depuis, le dépistage est devenu une routine.


Une enquête menée par le centre de Yirenping a constaté que les entreprises publiques et les bureaux gouvernementaux utilisent couramment les tests sanguins afin de disqualifier les candidats. Les entreprises privées sont, elles, moins exigeantes. Les sociétés étrangères se rangent aux pratiques des entreprises locales.


La solution se trouve dans le système juridique


Yang a indiqué que la solution n’est pas de faire appel aux « gunmen » pour se faire embaucher dans une entreprise, mais plutôt de s’intéresser au système juridique. La loi est du côté des porteurs d’hépatite, mais l’administration chinoise est bureaucratique à l’excès, sa mise en œuvre prend du temps. Yirenping, en délicatesse avec le gouvernement chinois dans le passé, aide les victimes de discrimination, notamment par la mise en relation avec un avocat. Si l’ignorance est endémique, Yang est optimiste : « Fut un temps, les procès que nous engagions paraissaient révolutionnaires, de nos jours, ils sont devenus banals. »


 


Global Post/Adaptation Pasqualine Nelh – JOL Press

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