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Un ancien combattant de l’IRA, président ?

Dublin, Irlande. Martin McGuinness, actuel vice-Premier ministre nord-irlandais depuis 2007, participera le 27 octobre à l’élection comme candidat pour le Sinn Fein, le seul parti politique actif des deux côtés de la frontière.

McGuinness n’a jamais nié son appartenance à l’IRA, responsable de la mort de 644 civils au cours de ses trois dernières décennies. Il a déclaré jeudi n’avoir jamais sciemment tué quelqu’un, mais a reconnu avoir pris part à des fusillades lorsque l’IRA a pris les armes contre l’armée britannique.

L’architecte du processus de paix

Ces dernières années, cet homme de Derry s’est fait connaître comme véritable architecte du processus de paix irlandais, qui a entraîné la dissolution de l’IRA en 2008.

Sa notoriété et sa personnalité attachante vont faire la différence dans les pourcentages lors des élections, où l’aile gauche du Sinn Fein est le quatrième parti le plus important dans le parlement de Dublin. En Irlande du Nord, le Sinn Fein et le parti pro-britannique démocrate ont travaillé efficacement ensemble au Parlement.

L’ancien combattant et son frère d’arme, le Révérend Ian Paisley, chef du parti de l’union démocratique, ont souvent été photographiés ensemble dans de grands éclats de rire. À telle enseigne que tous les Irlandais savent bien de qui l’on parle quand on mentionne les « frères fous rires ».

Paisley a depuis été remplacé par Peter Robinson, avec qui McGuinness entretient également une bonne relation.

Une coalition compliquée et…

Les partis politiques classiques de la République ont refusé d’envisager une coalition avec les anciens de l’IRA, lesquels ont enregistré seulement 10 % des voix lors des dernières élections.

L’entrée de McGuinness dans la mêlée dimanche est largement considérée comme une stratégie audacieuse orchestrée par le Sinn Fein pour rehausser son profil électoral dans la République et acquérir une légitimité rétroactive pour la campagne de l’IRA.

Mais si le stratagème se retournait contre eux ? Les deux candidats de la coalition gouvernementale actuelle, Gay Mitchell, du Fine Gael et Michael D. Higgins, du Parti travailliste, ont commencé à s’interroger sur son passé agressif en soulignant les atrocités commises par l’IRA pendant qu’il en était membre actif.

Une candidature mal perçue

L’ancien ministre de la justice, Michael McDowell, s’est exclamé à propos de l’élection potentielle de l’ancien commandant de l’IRA : « C’est une parodie ! Le président doit incarner l’image que nous voulons offrir de nous. »

La présidence irlandaise exerce certes peu de fonctions exécutives, il n’empêche qu’elle est à la tête des forces armées de la République. Or l’IRA en a depuis longtemps rejeté la légitimité.

Mardi, lors des championnats nationaux de labourage (grand spectacle annuel agricole) dans le comté de Kildare, McGuinness a eu ce mot : « L’armée britannique a assassiné autant de personnes dans ma ville que la RUC (police), et ce, avant même que l’IRA n’ait tiré sa première balle. Je faisais partie de cette jeune génération qui a décidé de s’opposer à eux dans le Bogside, au Derry Libre (Free Derry), et je ne m’en excuserai pas. »

Et lorsque son engagement pour la paix est mis en doute, il a cette réponse : « Je ne pense pas que j’aurais été invité dans le bureau ovale à trois reprises pour rencontrer les trois présidents américains, ou à Johannesbourg pour rencontrer Nelson Mandela, ou à Bruxelles pour rencontrer les présidents de l’Union européenne. »

Abaisser le salaire présidentiel

S’il réussit à battre l’actuelle présidente, Mary McAleese, il abaissera le salaire lié au poste. La présidente perçoit un salaire mensuel d’environ 30 000 €. McGuinness élu le réduirait à 1 462 € par mois. Le reste fera l’objet d’un reversement à l’État.

Cette promesse est bien accueillie par les électeurs de la classe ouvrière que révolte la drastique restriction budgétaire des services sociaux qu’ils jugent liée aux abus des politiciens, des banquiers et des grands entrepreneurs qui ont quitté l’Irlande durant la crise financière.

McGuinness en tête des sondages

Dans un sondage national réalisé par la radio irlandaise, mardi 27 septembre, fort de 22 000 auditeurs, McGuinness est arrivé en tête des 7 candidats avec 28 % des votes exprimés par mail. Il a devancé légèrement le sénateur David Norris, candidat indépendant sérieux, mais a distancé nettement tous les autres.

Norris est un homosexuel déclaré, militant des droits civils. De retour dans la campagne après avoir subi une controverse au sujet de son ancien conjoint.

Il était intervenu auprès de la Haute Cour d’Israël, il y a 14 ans, pour demander la clémence pour son ancien compagnon, Ezra Nawi Yizhak, qui avait été reconnu coupable d’abus sexuels sur un garçon palestinien de 15 ans.

Il n’empêche que Norris reste haut dans les sondages. Il a annoncé le 15 septembre qu’il rechercherait effectivement le parrainage de 20 membres du Parlement irlandais ou de 4 membres du Conseil, indispensables pour une candidature. Pas gagné. L’interdiction proférée par la chef de l’opposition de parrainer un candidat indépendant a semblé compromettre ses chances. C’était sans compter son goût pour la compétition : il pourrait avoir déjà rassemblé les 20 parrainages.

McGuinness a été temporairement remplacé comme vice-Premier ministre en Irlande du Nord par le ministre de l’Éducation, John O’Dowd.

 

Global Post/Adaptation Pasqualine Nelh – JOL Press

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