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Une aubaine pour les producteurs de champagne?

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Un cadeau tombé du ciel


Le changement climatique est forcément considéré comme l’un des plus grands périls de notre époque, il contribue à des sécheresses, des inondations, des vagues de chaleur mortelles et d’ouragans de plus en plus intenses. Mais pour le moment, les producteurs de champagne français lui lèvent leur verre. Ils disent que le changement climatique a rendu leur vie plus facile et a produit de meilleurs champagnes grâce à une récolte anticipée. « [Les étés plus chauds d’Europe] sont une bonne chose pour nous », a reconnu Pierre Cheval, producteur indépendant du champagne gâtinais. « Les journées plus longues mûrissent le raisin et la chaleur réduit les risques de maladies liées à l’humidité. Aussi, il est beaucoup plus agréable pour nous de récolter à la fin du mois d’août qu’en fin septembre. Je me souviens d’une récolte sous la neige en début du mois d’octobre, ce n’était pas amusant ! »


Une exception en Champagne


Ces dernières années, les conséquences du changement climatique ont été dramatiques en matière de récoltes. Traditionnellement, la récolte du champagne intervient à la mi-septembre et en début d’octobre, mais elle s’est progressivement faite plus tôt. Ces derniers temps, les raisins sont généralement collectés à partir de la fin août jusqu’à la mi-septembre. En 2011, c’est le 19 août qu’on récolta les premiers raisins d’une vigne. Il s’est agi de la récolte la plus précoce depuis près de deux siècles. Pourtant, peu importe le changement climatique ou les conséquences désastreuses qui frappent certaines îles tropicales ou certains éleveurs du désert africain : l’élite de la région de Champagne ne se plaint pas de ses récoltes – du moins pas encore.


Les producteurs satisfaits des récoltes


Richard Geoffroy, 56 ans, incarne l’un des hommes les plus influents dans la région de Champagne. Il est le chef de cave du Dom Pérignon. Il choisit les raisins les plus dodus, les plus dorés, puis il les mélange et s’assure d’un résultat conforme aux normes de la prestigieuse marque. Le prix de la moins chère des bouteilles de Dom Pérignon s’élève à 150 dollars, tandis que les meilleurs millésimes atteignent des milliers de dollars. Geoffroy a également le pouvoir de brider sa production, voire de déclarer qu’il n’y aura pas de Dom Pérignon sur une année donnée si le champagne n’est pas à son goût. Passionné par son travail, Richard Geoffroy s’échauffe dès que l’on évoque son cher pétillant nectar. « Les vins sont comme des êtres humains. Les grands vins sont sincères, charismatiques et inoubliables. Les plus grands vins sont ceux dont vous vous souvenez », affirme-t-il. Et il est d’accord : été chaud signifie souvent vin plus fin. « Le changement climatique évolue en notre faveur. Il produit plus de vins de qualité et il augmente également nos chances de réaliser de grands vins millésime. »


Nouveaux vendangeurs


Typiquement français, le travail en août semble incongru. « Cette année, nous savions que la récolte devrait commencer plus tôt, reconnaît pourtant Daniel Lalonde, directeur général de Dom Pérignon. Toutes nos équipes et le personnel de récolte l’avaient anticipé et avaient pris leurs vacances plus tôt. » Les producteurs embauchent généralement environ 110 000 ouvriers pour la récolte des perles dorées. Lalonde a innové : la récolte précoce de cette année l’a poussé à « recruter » des élèves du secondaire, jamais disponibles à l’automne.


Et l’avenir ?


Rien ne dit que l’industrie du vin restera à l’abri de dangers liés au changement climatique. Les producteurs sont bien conscients que le savoureux champagne pourrait n’être qu’éphémère. Si les températures augmentent beaucoup plus, le champagne n’en sortira pas vainqueur. « Si le temps est trop ensoleillé, le vin sera trop sucré. Si les températures sont trop élevées, les raisins seront trop petits », explique Thibaut Le Maillaux, de l’Organisation du commerce de Champagne. Du reste, on l voit avec les autres vins français, qui pâtissent du climat. La région Champagne, au nord-est de Paris, est en effet beaucoup plus fraîche que certaines autres régions viticoles françaises emblématiques, comme celle de Bordeaux. Mais selon Le Maillaux, la France aura vraiment bénéficié cette année d’une période exceptionnelle d’événements climatiques, avec un printemps précoce qui a été chaud et sec, suivi d’un été de temps mitigé. Ainsi, dit-il, le champagne doit être particulièrement savoureux, « avec une bonne finesse­ – des vins qui vont vieillir facilement ».

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