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Avec Danica May Camacho, nous sommes désormais 7 milliards

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Comment être certain que Danica May Camacho est bien le 7 milliardième être humain sur Terre ? C’est strictement impossible. Indéniablement, elle n’en est pas loin. Mais un décompte exact et à jour n’est pas aujourd’hui disponible. Non pas qu’il serait impossible… Une petite puce, un QG de centralisation et – hop ! – le tour est joué. De la naissance jusqu’à la mort, une mise à jour en temps réel. Aldous Huxley ou George Orwell y ont déjà pensé, et d’autres doivent y penser mais, avant de vivre dans le « Meilleur des mondes » totalitaire, il faudra encore un peu patienter…


Danica May Camacho, matricule 7 000 000 000


Elle a vu le jour deux minutes avant minuit le 30 octobre 2010 – heure locale – et pesait 2,6 kg. « Elle est si belle. Je n’arrive pas à croire qu’elle soit le sept milliardième habitant de la planète », s’est émue Camille Dalura, sa mère, dans la salle d’accouchement du Jose Fabella Memorial Hospital, un hôpital public de la capitale philippine envahi par les journalistes.  Danica a reçu une bourse pour ses études et ses parents


un pécule pour ouvrir un magasin.

Souhaitons à Danica May Camacho d’être l’enfant de l’amour. Si tant est que cela puisse être un signe, elle avait l’air bien souriante sur le ventre de sa maman quelques instants après sa naissance, déjà habituée aux photographes et à leurs flashs. Pour ce qui est de son titre de « Baby 7 M », « Bébé sept milliards », c’est davantage une affaire de statistiques.


« Baby 7 M », enfant des statistiques


Une équipe de statisticiens de l’ONU est chargée de tenter d’évaluer le nombre de Terriens sur Terre. À cette fin, ces scientifiques s’appuient sur les recensements, désormais organisés régulièrement et avec une certaine fiabilité dans tous les pays du monde. Une fois l’addition bouclée, des projections sont établies pour formuler des hypothèses démographiques en fonction de la fécondité et de la mortalité.
Des études alternatives existent. Ainsi, le bureau chargé du recensement aux États-Unis affirme que le véritable « Baby 7 M », c’est-à-dire le premier bébé à faire passer le cap symbolique des sept milliards à l’humanité, ne naîtra que le 12 mars 2012. Quatre mois et 12 jours d’écart, à raison de deux humains de plus par seconde, l’on aboutit à une sacrée différence tout de même, et pas mal de bouches en moins à nourrir.  


Pourtant, l’ONU ne voulait pas décider


Quant à savoir pourquoi ce bébé fille des Philippines, pesant 2,6 kg, née deux minutes avant minuit le dimanche 30 octobre, alors que la date annoncée était le 31 octobre – et même si évidemment, partout à l’est de Manille, le jour annoncé était déjà arrivé… Mystère ! Initialement, le Pnud – Programme des Nations unies pour le développement – avait indiqué qu’il ne souhaitait pas désigner un seul titulaire du titre et invitait même chaque pays à désigner symboliquement un « Baby 7 M ».
Dans plusieurs nations, il avait été annoncé que le « Baby 7 M » serait un « produit local ». L’Inde, dont le  recensement vient d’être achevé et qui, avec 1 milliard 210 millions, revient à grande vitesse sur le leader chinois, était formelle : le sept milliardième devait être un garçon, né dans l’Uttar Pradesh, la région au nord du sous-continent à l’avant-garde du boom démographique. L’ONU en a décidé autrement.
Nul doute que, très vite, des dissidents qui revendiqueront le « titre » de véritables titulaires du rang symbolique fleuriront sur Internet. Aucun fondement scientifique, aucune discussion possible.
Une chose est certaine, la probabilité de voir naître ce bébé en Asie, où vivent les deux tiers de la population mondiale, était plus que probable. Signe des temps. 


Une petite Philippine après un petit Bosniaque…


Adnan Mevic est né le 12 octobre 1999, une minute après minuit, dans un hôpital de Sarajevo en Bosnie. Aussitôt, il a été proclamé six milliardième humain sur Terre par le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, qui s’était rendu à la maternité pour rencontrer le nouveau-né de 3,650 kg. Sa mère, Fatima, n’avait pas été prévenue de la mise en scène médiatique et avait hésité quelques minutes avant de donner un prénom à son fils, faute de pouvoir joindre Jasminko, le père du bébé. Ils avaient opté pour Adnan, le prénom bosniaque le plus proche de « Annan » – pour Kofi Annan, qui lui avait remis une médaille de la paix et un bouquet de roses bleues.




 


 


En cette fin des années 1990, le choix d’un bébé de Sarajevo revêtait une signification toute symbolique tant était encore présent le souvenir de l’horrible conflit qui avait martyrisé l’ex-Yougoslavie : « Ni l’horrible guerre, ni le siège sans pitié de Sarajevo, ni même la politique inhumaine du nettoyage ethnique n’ont réussi à empêcher cette naissance, ni bien d’autres naissances en Bosnie », a déclaré Kofi Annan. Le nouveau-né s’était déjà endormi.
Aujourd’hui, Adnan a 12 ans et il va au collège. Pour le reste, on ne peut pas dire que sa naissance lui ait porté particulièrement chance. Son père Jasminko souffre d’un cancer du colon en phase terminale et ne peut pas travailler. Sa mère, Fatima, a perdu son emploi il y a trois ans. Et Adnan a été diagnostiqué atteint d’un petit trou dans son cœur. Ils survivent avec un peu moins de 300 euros par mois et ne peuvent pas payer les soins médicaux dont ils auraient besoin… « Nous n’avons jamais plus entendu parler de l’ONU après la naissance. Ils ne nous ont jamais rien envoyé, pas même une carte d’anniversaire » regrettait Fatima sur l’antenne de la chaîne américaine ABC news.


Ce n’est pas seulement une affaire de chiffres et de symbole


Pour le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, le passage aux 7 milliards n’est pas à prendre à la légère : « Ce n’est pas une simple affaire de chiffre. C’est une histoire humaine », a-t-il déclaré dans une école new-yorkaise. « Sept milliards de personnes ont besoin de nourriture. D’énergie. D’offres intéressantes en matière d’emplois et d’éducation. De droits et de liberté. La liberté d’expression. La liberté de pouvoir élever ses enfants en paix et dans la sécurité. Tout ce que chacun souhaite pour soi, multiplié par 7 milliards. »
C’est ce message que le secrétaire général devrait porter devant le sommet du G20 jeudi 3 et vendredi 4 novembre à Cannes : face à une population qui croît dans un contexte de crise économique mondiale, les dirigeants du monde doivent s’attendre à davantage de révoltes.


Et après ?


Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), qui a publié vendredi son dernier rapport, prédit que la population va continuer à progresser pour atteindre 9,3 milliards en 2050 et plus de 10 milliards d’ici à la fin du siècle. Les Nations unies prévoient ainsi qu’avant 2025, l’Inde deviendra le pays le plus peuplé du monde, devant la Chine, avec près de 1,5 milliard d’habitants.
Dans ce rapport, les experts mettent en garde face aux défis qui attendent le monde. Pour les pays les plus pauvres, les gouvernements seront confrontés à la difficulté de trouver un travail à l’armada de jeunes qui arrivera sur le marché. Sans compter le réchauffement climatique, la sécheresse et l’explosion incontrôlée des mégapoles.


Bienvenue et longue vie à Danica May Camacho et à tous les nouveau-nés du 31 octobre 2011 !

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