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Avec Kadhafi, la Libye perd un extra tyran

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[image:1,l]AMMAN, Jordanie – “Sic Semper Tyranus”, comme disaient les Romains, qui autrefois contrôlèrent la Libye. Ainsi il a toujours été tyran.


Quel extraordinaire tyran que ce Mouammar Kadhafi


[image:2,s]Sa mégalomanie dépassait celle de Saddam Hussein, ses excentricités étaient légendaires. Sa garde prétorienne composée exclusivement d’amazones en treillis et talons hauts, son insistance à dormir sous sa tente, plantée dans les jardins des palais officiels lors de ses visites en Occident paraissaient ridicules, et pourtant… Il avait du pétrole et cela a suffi pour que l’Occident le prenne au sérieux. Peu importe ses caprices, pour peu que le pétrole continue de couler à flot.


Un terroriste réhabilité


[image:3,s]Son implication dans l’attentat de Lockerbie, en Ecosse, qui couta la vie aux 270 passagers d’un Boeing 747 de la Pan Am, lui valut d’être mis au ban de la communauté internationale et de devenir un paria. Son pays fut même isolé par des sanctions. Mais, néanmoins, il parvint à rétablir la situation…
En 2003, contre la promesse d’abandonner ses capacités et ambitions nucléaires, il obtint sa réhabilitation et se remit à voyager à travers le monde pour des visites d’Etat somptueuses. La brutalité de sa dictature était poliment ignorée au nom des intérêts financiers de l’Ouest.


Une mort digne d’un dictateur


[image:4,s]Malgré l’intention proclamée du gouvernement provisoire libyen de le capturer vivant et de le juger, les chances que le scénario se déroule ainsi étaient minces. On pouvait prévoir que son corps finirait meurtri et ensanglanté à l’arrière d’un pick-up. Quelle autre justice, qu’expéditive, quelle autre sentence, qu’immédiate, pouvait-il escompter ? On se souvient du corps de Ngo Dinh Diem à l’arrière d’un véhicule blindé à Saigon en 1963.
La mort de Kadhafi n’a rien à voir avec celle de Jules César. Elle ressemble davantage à celle de Benito Mussolini, qui lui aussi un temps gouverna la Libye. Comme le « roi des rois africains », le Duce avait été attrapé dans sa fuite, puis il avait été embarqué et exécuté sommairement avant que son cadavre ne soit exposé les pieds en l’air dans une station-essence de Milan.


 


La rue arabe est en liesse


[image:5,s]Kadhafi est le premier des autocrates du monde arabe, depuis le « Printemps arabe », à mourir aux mains du peuple qu’il avait opprimé. Il est assez probable qu’il ne soit pas le dernier. Ici, à Amman en Jordanie, je peux entendre des cris de joie et des célébrations dans la rue.


La périlleuse route vers la démocratie


[image:6,s] Il est assez intéressant de constater qu’il semble y avoir un désaccord quant à l’identité de celui qui a appuyé sur la gâchette, ou les gâchettes, et mis à mort Kadhafi. Les Libyens sont dramatiquement divisés en tribus, clans et régions. Ils sont fondamentalement d’accord sur pas grand-chose. Il y a beaucoup de discussions désormais sur la manière dont les Libyens vont s’y prendre pour établir la démocratie, maintenant que le tyran est mort. En comparaison de ce qui les attend, se débarrasser de Kadhafi et de son régime était sans doute la partie facile. Construire un pays moderne sur le bazar qu’il leur laisse est un véritable challenge.


La dictature de Mouammar Kadhafi était telle que le pays ne s’est jamais développé comme la Tunisie voisine a su le faire, malgré sa propre version de la tyrannie.


Le danger, maintenant que le guide n’est plus, serait que la Libye se divise entre différentes factions. Cette perspective n’est pas une fatalité. Si le nouveau pouvoir, malgré sa fragilité, parvient à maintenir un semblant d’unité, le pire peut être évité. Mais, il serait naïf d’imaginer que le pays va avancer paisiblement vers la démocratie et que le chemin sera sans encombre.


Ce jeudi 20 octobre restera dans l’histoire de la Libye et du monde. Mais la tâche à venir est, elle aussi, historique. 

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