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Contre le yuan faible, la tentation protectionniste

Beijing, Chine. Le pessimisme de Beijing ne cesse de croître après l’adoption par le Sénat américain d’une mesure qui accuse la Chine de manipuler sa monnaie, et propose des mesures de rétorsion.

Pourtant, malgré l’accumulation de signes inquiétants, le scénario d’une querelle politique débouchant sur une guerre commerciale de première importance n’est pas le scénario le plus probable.

Les autorités chinoises menacent

Les autorités chinoises ont averti que cette proposition de loi, qui sera probablement rejetée par la chambre des représentants, pourrait être coûteuse en emplois aux États-Unis et déclencher une guerre commerciale entre les deux pays. Les législateurs américains, fatigués par le lent rythme de la libéralisation de la devise chinoise, cherchent à obtenir des modifications d’un système qui, pour beaucoup, garantit à la Chine un avantage commercial en maintenant le yuan bien en dessous de sa réelle valeur.
« C’est une sérieuse rupture des règles de l’OMC, qui ne saurait résoudre les difficultés économiques, les phénomènes de chômage aux États-Unis et qui va sérieusement affecter les relations économiques et commerciales sino-américaines », a déclaré la semaine du 11 octobre le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois.
Vendredi, dans une déclaration à la télévision, le Premier ministre chinois Wen Jiabao a mis en garde contre une montée du protectionnisme chez les partenaires commerciaux de la Chine. S’il n’a pas fait directement référence au texte américain, Wen a fait part de son inquiétude de voir le protectionnisme commercial provoquer le ralentissement de la croissance économique globale.

Les entreprises américaines en Chine sont critiques

Les officiels chinois ne sont pas les seuls à critiquer cette proposition. La crainte qui se répand est de voir une bataille politique autour des monnaies s’étendre à d’autres domaines. Cette semaine du 17 octobre 2011, les deux principales organisations des entreprises américaines implantées en Chine, les chambres de commerce américaines à Beijing et Shanghai, ont manifesté leur propre opposition. « Ce texte sénatorial altérerait le commerce et les investissements bilatéraux, fragiliserait notre position au sein de l’Organisation mondiale du commerce et porterait atteinte à notre intérêt national », a estimé dans un communiqué le président de l’Amchan-China Ted Dean. « Nous nous y opposons. Il ne devrait pas devenir une loi. »

AmCham-China a estimé que le gouvernement américain ferait mieux de porter son attention sur des sujets essentiels tels que la protection de la propriété intellectuelle. De son côté, la chambre de commerce américaine de Shanghai a conseillé à Washington de se concentrer sur les limitations dont font l’objet, sur le marché chinois, les produits et services américains, plutôt que sur les questions de taux de change.

Une révision du système de change dans l’intérêt des Chinois

Des experts en science politique chinois optent pour une approche plus calme, estimant qu’il n’y a pas de raisons, pour aucune des deux parties, de s’inquiéter de cette législation. Le Congrès a déjà, une fois auparavant, menacé de punir la Chine pour manipulation de sa monnaie, ce qui n’a pas semblé affecter les relations entre les deux pays. « Le gouvernement chinois ferait mieux d’examiner scrupuleusement le système de change actuel, les mécanismes de valorisation et le niveau du taux de change pour voir si le mécanisme est adapté à un contexte en constante évolution tant sur le plan domestique qu’à l’international, et se demander s’il sert l’intérêt national, a affirmé Yi Xianrong de l’Institut de banque et de finance de l’Académie chinoise des sciences sociales. Si l’intérêt national chinois est bien protégé, qui se préoccupe du contenu de cette disposition sénatoriale américaine ? » a-t-il ajouté.

Un climat politique évolutif avant les élections américaines de 2012

Mais, Lu Zhengwei, chef économiste à l’établissement privé Industrial Bank, estime que cette loi traduit une modification en cours du climat politique aux implications bien plus larges. « L’adoption de ce texte devrait permettre de jauger l’évolution des positions américaines, considère Lu. Nous devrions nous alarmer que de plus en plus d’Américains souscrivent à l’idée selon laquelle les problèmes américains sont générés par le yuan. Ce texte est à appréhender dans le cadre d’un petit jeu politique à l’approche des élections de 2012. Ils doivent trouver un responsable. Mais choisir de blâmer la Chine atteste de sa position d’acteur désormais majeur sur la scène internationale. »

Pour l’instant, la Chine semble déterminée à ne pas se laisser imposer de calendrier pour son yuan. La devise s’est appréciée de manière notable cette semaine, mais il ne semble ne pas y avoir d’indications de changements majeurs à court terme.

 

GlobalPost/Adaptation FG – JOL Press

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