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Contre l’obésité, le Danemark taxe les graisses saturées

Plus 50 centimes sur le prix d’une plaquette de beurre, plus 12 centimes sur celui d’un paquet de chips de 12 centimes, et 20 centimes sur 500g de steak haché… C’est le nouveau régime auquel sont soumis les Danois depuis samedi 1er octobre suite à l’entrée en vigueur, sur décision du gouvernement, d’une nouvelle taxe de 2,50 euros par kilo de graisses saturées.


« Un tel impôt sur les matières grasses, c’est inédit, » se réjouit Dr. Jorgen Dejgard Jensen, dont l’institut à l’Université de Copenhague a suggéré la nouvelle mesure. « Nous pourrons tirer d’utiles enseignements d’ici un ou deux ans quant à savoir si les habitudes de consommation en sont affectées, et puis il faudra aussi voir si une telle taxe est aisée à mettre en place. »


Des commerçants danois n’ont pas hésité à stocker les produits gras en vue du lancement de la mesure le 1er octobre. Mogens Nielsen, directeur du Dragsaek Group, un des plus gros producteurs de margarine du pays, indique une augmentation des commandes de plus de 500 tonnes métriques en septembre.


Taxer la « mal-bouffe » est inéluctable


Le Danemark applique déjà une taxe à hauteur de 66 centimes par kilo de sucre, notamment celui utilisé pour les fameuses pâtisseries à la cannelle. Il existe même une taxe de 15 centimes par litre sur les glaces.


Mais, si le nouvel impôt réussit à diminuer d’un dixième – l’objectif fixé – la consommation de graisses saturées par les Danois, d’autres pays seront sans doute inspirés, au premier desquels les Etats-Unis où plus d’un adulte sur trois est cliniquement obèse.


Une initiative qui servira d’exemple


Mike Rayner, directeur du Groupe de recherche pour la promotion de la santé de l’Université d’Oxford, estime que des taxes sur les aliments sont inévitables. Il fait la promotion d’impôts sur les aliments les moins bons pour la santé au Royaume-Uni, qui souffre d’un des plus hauts taux d’obésité en Europe. « Je pense que nous n’y échapperons pas en Grande-Bretagne parce que la crise de l’obésité est telle qu’il va nous falloir agir davantage. »


La Hongrie a récemment institué une taxe sur les aliments pré-conditionnés considérés comme mauvais pour la santé – ceux avec trop de sucre, de sel, de caféine et de glucides. Et la Finlande prépare déjà sa propre version de la taxe danoise.


Aux Etats-Unis, jusqu’à présent la seule fiscalité en la matière est la « taxe sur les sodas » désormais appliquée dans 33 états. Plusieurs parlementaires fédéraux plaident en faveur de « taxe sur le gras ». Le sénateur de l’Illinois Shane Cultra a provoqué une tempête en mai lorsqu’il a suggéré de supprimer les allocations familiales aux parents d’enfants obèses.


Des Danois relativement épargnés par l’épidémie d’obésité


Les Danois sont des pionniers assez inattendus, dans la mesure où le pays compte moins d’un enfant obèse sur dix et ils sont, dans l’ensemble, plutôt fins. Pourtant, les chercheurs de l’institut du Dr Jensen estiment que les graisses saturées sont néanmoins responsables de près de 4% des décès prématurés dans le pays.


Le lobby agro-alimentaire résiste


Comme on pouvait s’y attendre, cette taxe a suscité une forte résistance d’une partie de l’industrie agro-alimentaire locale. Le pays est un des plus grands producteurs de bacon et il y a deux porcs par habitant au Danemark


« Ils se sont farouchement opposés à cette idée et ils continuent à s’y opposer bruyamment », explique Jensen. « Mais, parviendront-ils à obtenir gain de cause ? Probablement pas. »


Il est peu probable que la nouvelle coalition de centre-gauche soit plus réceptive à leur argumentation. « Le nouveau gouvernement est tout aussi favorable à ce genre de mesures et cela durera très certainement plusieurs années ». Et cela, si ce n’est au moins en raison du supplément de revenu que cela constitue. Selon les prévisions, la recette pour les caisses de l’Etat danois s’élèverait à 2,2 milliards de couronnes (€ 320 millions) par an.  


La taxe sur les graisses saturées ne suffira pas…


Tout n’est pas parfait au Royaume de la reine du Danemark… Le Dr Rayner met en garde contre le risque de voir les consommateurs substituer les aliments gras par des alternatives salées ou sucrées. « Les gens ne vont pas, pour autant, se reporter sur des aliments bons pour la santé. Ils pourraient consommer des choses encore plus mauvaises pour la santé. Dès lors, pour résoudre le problème, il ne faut pas taxer un seul type d’aliments mais tous ceux dont on sait qu’ils nuisent à la santé. La meilleure solution consiste à taxer les cochonneries et à réduire la fiscalité sur les fruits et légumes. »


GlobalPost / Adaptation FG-JOL Press

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