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Des armes libyennes à Gaza, Israël et l’Égypte impuissants

Avec l’effondrement du régime de Mouammar Kadhafi, de grandes quantités d’armes se sont évaporées dans la nature. Une aubaine pour les trafiquants qui disposent ainsi, potentiellement, d’un formidable stock et d’une demande intarissable. Destination régionale privilégiée : Gaza. Les militaires israéliens sont formels, le trafic s’est intensifié suivant une route terrestre directe et le réseau de tunnels à partir de Rafah. Une frontière nord-est aux confins du désert du Sinaï avec Israël et une autre, beaucoup plus longue, à l’ouest avec la Libye, l’Égypte est le passage incontournable de ces nouveaux flux, et un acteur essentiel à leur maîtrise.

L’afflux d’armes libyennes

Israël s’est toujours inquiété de ces trafics vers l’enclave dirigée par le Hamas. Avant l’afflux de cette contrebande libyenne, les autorités considéraient que l’essentiel des armes pénétrant illégalement provenaient de l’Iran et étaient transportées par bateaux à travers la Méditerranée ou par la route depuis le Soudan.

Selon un rapport, publié en septembre par l’intelligence militaire israélienne et largement diffusé au public, la part des matériels d’origine libyenne est en forte hausse, sans que toutefois la qualité des capacités militaires du Hamas s’en trouve particulièrement améliorée. Pour l’essentiel, il s’agirait de roquettes antiaériennes SA-7 et de lance-grenades.

Tenter de régler le problème à la source

Le SA-7, missile portatif à détecteur de chaleur, fleuron de l’époque soviétique, est déjà présent en quantité à Gaza. C’est la même chose pour le lance-grenades antiblindage. La Libye possède aussi un important stock d’armes chimiques mais, d’après des officiels israéliens, aucune preuve n’établit que le Hamas chercherait à s’en procurer.

Victoria Nuland, porte-parole du département d’État américain, a déclaré, lors d’un point de presse, que les forces de la coalition menaient de nombreux efforts pour mettre la main sur les stocks d’armes conventionnelles qui ont disparu depuis le début du conflit libyen en début d’année. « Les Libyens ont demandé notre aide, et nous avons augmenté notre soutien en conséquence », a-t-elle déclaré aux reporters.

Le Sinaï, terre de tous les dangers

Plusieurs stocks d’armes en provenance de Libye ont été découverts et confisqués, à la fin de l’été et depuis le début de l’automne, par des patrouilles de la police égyptienne le long de la frontière libyenne.

De plus en plus, le Sinaï apparaît comme un no man’s land sauvage. Alors que les militaires et policiers égyptiens sont occupés à maintenir l’ordre au Caire et dans d’autres villes, et tandis que le gouvernement militaire de transition s’éloigne chaque jour davantage de ses promesses de réformes démocratiques, difficile de savoir qui a la main sur le désert.

Une frange d’extrémistes, qui se fait appeler « Al-Qaïda au Sinaï » prend le contrôle de portions croissantes de la péninsule et semble s’efforcer de nouer des liens avec les tribus de Bédouins locales.

La nouvelle donne des relations israélo-égyptiennes

Les relations entre l’Égypte et Israël se sont tendues depuis la chute du président Hosni Moubarak en février. Le 18 août, cinq membres des services de sécurité égyptiens ont été tués alors que l’armée israélienne pourchassait des hommes armés soupçonnés d’avoir perpétré des attaques à Eilat, qui ont fait huit victimes côté israélien. Le 9 septembre, Israël rapatriait son ambassadeur après de violents affrontements et le sac de sa représentation au Caire.

Et, alors que les gouvernements des deux pays expriment leurs inquiétudes devant l’afflux d’armes, la reprise de la coopération a été jusque-là impossible. Fin septembre, les autorités égyptiennes ont brièvement fermé le poste frontière de Rafah sans concertation avec leurs homologues israéliens après la détection d’une livraison d’armes en cours, plus importante que d’habitude, en direction de Gaza.

Rétablir d’urgence la coopération interétatique

S’exprimant sur la radio de l’armée, le général à la retraite Shlomo Gazit, ancien chef de l’intelligence militaire, informé du rapport de ces services, a indiqué clairement que cet afflux récent d’armes est une raison première de la nécessité d’établir d’urgence les bases d’une nouvelle étape dans les relations israélo-égyptiennes. « C’est une raison supplémentaire pour Israël de renouer avec ses voisins. Je viens de prendre connaissance du rapport libyen sur les armes pénétrant dans Gaza, et il n’est même pas certain que nous sachions avec qui évoquer le sujet en ce moment », a-t-il déclaré.

L’ambassadeur d’Israël en Égypte, Yitzhak Levanon, n’est toujours pas retourné au Caire depuis les événements du mois dernier et, avec la nette détérioration des contacts militaires bilatéraux, il n’est pas facile de savoir qui seraient les interlocuteurs de ces urgentes consultations diplomatiques.

Temps difficiles pour Benjamin Netanyahou

En Israël, certains s’inquiètent de voir cet arsenal en transit augmenter la force de frappe du Hamas ou d’autres groupes dissidents, et notamment qu’une augmentation de la portée des armes disponibles leur permette de viser les deux principaux centres de population, Tel Aviv et Jérusalem.

La menace que constitue ce matériel libyen est une des nombreuses priorités et difficultés auxquelles doit faire face le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou.

Toutes ces difficultés qui le menacent ne viennent pas de l’étranger. Alors que le pays s’apprêtait à célébrer Kippour, la police a annoncé l’arrestation d’un homme de 18 ans, accusé d’avoir mis le feu à une mosquée à Tuba Zangaria, en Galilée, la semaine dernière. L’inquiétude résidait dans la crainte de voir les habitants bédouins du village, qui sont citoyens israéliens puisqu’ils se situent à l’intérieur de la ligne verte, descendre dans la rue pour protester. Le jour suivant l’incendie de la mosquée, des jeunes ont mis le feu à un bâtiment municipal.

Dans une tentative d’empêcher un soulèvement ou une perte supplémentaire de contrôle, le président israélien Shimon Peres a exprimé sa solidarité lors d’une visite du village en compagnie du chef rabbin Yona Metzger.

Éviter l’explosion

Dans un contexte régional bouleversé par les suites des « printemps arabes », et avec la demande officielle de la reconnaissance d’un État de Palestine à l’ONU, la moindre étincelle est susceptible de mettre le feu aux poudres et de plonger à nouveau la région dans une guerre ouverte. L’afflux d’armes nouvelles rend cette situation toujours plus explosive.

 

GlobalPost/Adaptation FG – JOL Press

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