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Vu de France, la catastrophe des inondations thaïlandaises est supposée bloquer le pays, ses médias, la vie. Apparemment, il n’en est rien, sans doute parce que cette population d’Asie, que l’on voit sourire au gré des reportages des chaînes internationales, ne partage pas cette vision que les Occidentaux se sont forgés : l’État providence doit tout anticiper, et si tel n’est pas le cas, prendre des mesures efficaces.
On le sait, la nouvelle Première ministre, première femme à gouverner la Thaïlande, Yingluck Sinawatra, elle aussi tout sourire sur les écrans, est critiquée pour sa gestion du désastre : on la taxe d’inaction et de valses-hésitations. Mais ne cherchez pas de telles critiques sur les unes des journaux thaïlandais…
Titraille rassurante
[image:4,s]Le Bangkok Post Sunday affiche (ci-dessus), tout comme Kom Chad Luek (illustration ci-contre), ce qui devient la plus grande inquiétude du pays : l’inondation de l’aéroport. Mais le Bangkok Post n’hésite pas à soigner le choix d’une image presque esthétique – un vaisseau de la prestigieuse compagnie Thai qui se reflète dans ce qui pourrait passer pour un océan bleu – quand son confrère plus populaire opte pour l’image plus réaliste (quoiqu’un rien surréaliste) du même avion, sans doute, comme posé sur l’eau, avec les embarcations à son abord. Le papier de une du Bangkok Post Sunday aligne imperturbablement les faits, les chiffres, les propos rassurants de « la Première ». Sa « titraille » même surprend par son optimisme :
[image:2,s]> Surtitre : Les masses d’eau que l’on craignait voir déferler sur la ville sont moins fortes qu’attendu.
> Titre : Le déluge pourrait changer d’échelle.
Le Froc sauvé des eaux !
On le souhaite ! Car le second titre en colonne de droite ne s’intéresse guère qu’au transfert du Froc, l’entité vers laquelle convergent tous les regards : il s’agit du Flood Relief Operations Command – littéralement « le Centre de commandement de lutte contre l’inondation » – qui a quitté tardivement l’aéroport envahi. Sur les conditions de vie, sur le drame des populations, pas un mot ou presque. Ce qui nous intéresse, au passage, faute de trouver le détail dans nos médias, est l’infographie très soignée – en 3D dans le Post Today, ci-dessous – qui montre la hauteur de l’eau dans la ville de Bangkok et ses quartiers. [image:5,s]Il est vrai que le Bangkok Post, fondé en 1946 par un ex-agent d’OSS, est, après de nombreux changements de propriétaires, actuellement entre les mains d’actionnaires conservateurs et chinois. Le titre a largement soutenu le pouvoir du frère de l’actuelle dirigeante, et passe pour un journal hautement autocensuré.
Une dérivation tardive et indemnisée
[image:3,s]Est-ce pour cette raison que son concurrent, The Nation, 100 % thaï, à la fois plus investigateur, plus critique et plus royaliste que le Bangkok Post, affiche une « une » plus dramatique, où un camion submergé par l’eau et les Thaïlandais qu’il convoie illustre un titre plus informatif : « Le perçage des voies commence ». Car il s’agit-là de l’un des reproches adressés aux autorités qui ont tardé à faire procéder aux travaux d’évacuation de l’eau au prix de creusement de voies d’écoulement qui pourraient, il est vrai, aggraver la situation de quartiers plus prestigieux de Bangkok… Le journal souligne du reste, sans autre critique appuyée, que Mme Yingluck Sinawatra a remercié les habitants que le flux de l’eau nouveau allait léser « pour leur sacrifice », que le gouvernement indemniserait totalement… L’article précise pourtant que le ministre des Transports a limité le creusement de ces voies de dérivation vers le canal…
Les urgences économiques sont ailleurs
Une surprise enfin. Pas plus qu’à la une du Wall Street Asia que dans ses pages intérieures le déluge thaïlandais n’a sa place. Avec Sarkozy-Merkel en front page, l’édition du quotidien américain se concentre sur le « déluge » qui frappe la zone Europe. Quand même autrement plus préoccupant que les crocodiles et les serpents qui menacent la vie des « Inondés »… [image:6,s]